Infestées par des champignons, deux immenses maquettes de la ville de Douai datant du XVIIIe siècle sont irradiées au centre Arc-Nucléart de Grenoble. Grâce à ce procédé unique au monde, l’atelier de restauration, situé au sein du centre de recherches sur l’énergie atomique (CEA), utilise la physique nucléaire pour restaurer des œuvres du patrimoine.
Avec ses flocages en fibre de soie, ses techniques de peinture à l’huile et ses édifices en carton, le plan-relief de la ville de Douai réalisé en 1710 est une œuvre particulièrement fragile. Après plusieurs années d’exposition dans des conditions humides et mal isolées, les deux tables de l’immense maquette ont été infestées par des moisissures.
Pour traiter ces œuvres, le musée de la Chartreuse de Douai a fait appel au centre Art-Nucléart. Cet atelier-laboratoire, situé au sein du CEA de Grenoble, possède le seul irradiateur gamma au monde entièrement dédié à la conservation du patrimoine.
Pendant une cinquantaine d’heures, les tables du plan-relief vont être exposées au rayonnement d’une lumière très puissante, qui va traverser les matières avec un effet biocide.
"Les champignons sont difficiles à éliminer, et peu de technique sont efficaces, explique Amy Benadiba, conservatrice de l’atelier. La méthode de l’irradiation permet de traiter l’œuvre en masse, sans contact, sans chaleur et sans produits chimiques. Le champignon est éliminé et ne va plus se développer".
Une collaboration entre ingénieurs et conservateurs
Le plan-relief de Douai est la plus grande œuvre traitée par l’atelier en 54 ans d’existence. "Dix-huit personnes travaillent dans ce centre, détaille Amy Benadiba. Nous avons à la fois des ingénieurs en physique nucléaire, des conservateurs et des agents du domaine de la culture. C’est la science au service du patrimoine".
Chaque année, l’atelier de restauration traite plusieurs centaines d’œuvres. "On réalise des irradiations gamma mais aussi des techniques de consolidation pour des objets trouvés dans l’eau et immergés pendant des années. On peut traiter de très grands objets comme des bateaux", poursuit la conservatrice.
Des œuvres provenant du monde entier sont traitées au sein de l’atelier. La plus connue étant la momie de Ramsès II, irradiée et restaurée par les scientifiques grenoblois dans les années 70.