L'ancien président de la République Jacques Chirac, qui s'est éteint ce jeudi à l'âge de 86 ans, a fait ses premiers pas en politique lors d'un stage à la préfecture de l'Isère en 1957. Une expérience "interminable" racontée avec ironie dans ses Mémoires.
L'histoire se raconte de préfet en préfet à la préfecture de l'Isère. Alors qu'il n'était encore qu'étudiant à l'École nationale d'administration (ENA), Jacques Chirac, président de la République de 1995 à 2007 qui s'est éteint ce jeudi 26 septembre, a fait son premier stage auprès des services de l'Etat à Grenoble en 1957. Le directeur de la prestigieuse école parisienne l'a lui-même affecté dans ce "département de province", raconte Jacques Chirac dans ses Mémoires. Une décision qui ne le ravit pas.
Car ce stage de début de scolarité relèvera plutôt du calvaire que de la révélation pour la vocation politique. "Réfugié dans un bureau exigu, oublié de tous, et surtout de mon préfet, qui ne marque aucun intérêt pour ses stagiaires, j'écoute les informations à la radio, avec l'impression qu'autour de moi tout est en train de s'effondrer", poursuit l'homme d'Etat dans son livre intitulé "Chaque pas doit être un but : Mémoires", faisant le récit de ses "six longs mois (...) caniculaires et fastidieux" à la préfecture de l'Isère.
Au sein du cabinet du préfet, il est accueilli par Marcel Abel surnommé "Bibise" "à cause de ses embrassades chaleureuses qu'il prodigue à tout va". Jacques Chirac, à l'époque âgé de 25 ans, se rappelle que dès son arrivée, cet ancien Résistant lui déclarait : "Moi qui vous parle, j'ai fait une carrière brillante. Eh bien ! je ne doute pas que vous fassiez la même. A une condition, c'est que, comme moi, et tout de suite, et, comme je l'ai fait, vous commenciez par accepter les tâches les plus modestes."
C'est ainsi que le futur président de la République s'est retrouvé à porter des plis à leurs destinataires administratifs : direction de la voirie de l'agriculture, des anciens combattants... "Ma vocation de facteur administratif a très vite tourné court", plaisante-t-il dans ses Mémoires, se rappelant que "l'huissier (...) s'acquittait de cette tâche au moins aussi bien que (lui)".
"Initiation aux questions agricoles"
De cet "interminable" stage grenoblois, Jacques Chirac retire surtout sa "toute première initiation aux questions agricoles". Le président qui aimait caresser "le cul des vaches" s'est lié d'amitié avec l'un des dirigeants syndicaux du département, Fréjus Michon, et se rappelle "son sens du réel, sa solidarité de raisonnement". Autant de qualités qui ont aidé le jeune Chirac à supporter "la moiteur grenobloise et l'abandon résolu où (le) tient l'administration préfectorale".
Point d'orgue de cette expérience, le futur énarque rédige son rapport de stage portant sur "le développement économique de l'Isère alpine". Un sujet qui "ne suscite en (lui) aucun émerveillement particulier", confesse-t-il. "Formés par la montagne, les habitants de l’Isère, dans leurs éléments autochtones (85%) se caractérisent par une puissance de travail, une opiniâtreté dans la réalisation des buts poursuivis, une ténacité frisant parfois l’entêtement", raconte le futur président dans son rapport de stage, cité par L'Alpe.com.
Un document d'une cinquantaine de pages, précieusement conservé aux archives départementales de l'Isère, qui commence par une citation du géographe Raoul Blanchard et regorge de données chiffrées sur l’Isère des années 1950, rapportent nos confrères. Mais son rapport de stage lui vaudra la pire note de sa promotion, le menant à une profonde remise en question de son orientation, "découragé par l'expérience (qu'il) vient de vivre".
A nouveau, il ne songe plus qu'à se réengager dans l'armée, rapporte Franz-Olivier Gizebert dans son ouvrage "Chirac, une vie", qualifiant cette expérience iséroise de "supplice bureaucratique". "Mais la direction de l'ENA ne veut toujours rien entendre, relate le journaliste. Alors, va pour l'ENA." Fraîchement diplômé de l'école parisienne, Jacques Chirac se lance finalement dans la politique au côté de Georges Pompidou, dont il devient le bras armé. En 1967, il est élu député en Corrèze, preuve que son stage à la préfecture de l'Isère ne l'a pas complètement découragé de se lancer dans la politique, jusqu'à son ascension à l'Elysée une trentaine d'années plus tard.