Championne du monde en titre de cyclisme sur piste, la sprinteuse Mathilde Gros sera à l'affiche des 3 Jours cyclistes de Grenoble au mois d'octobre prochain. Le vélodrome du Palais des sports va retrouver sa vocation de piste aux étoiles, après huit ans de pause.
Dans l'arène, des cyclistes lancés à plus de 70 km/h, enchaînent les tours de piste. Au centre de l'anneau, un millier de personnes sont attablées. Entre le champagne et les fruits de mer, les convives lèvent le nez de leur assiette pour admirer les performances des pistards. Entre la musique, les animations, et les compétitions, les spectateurs ne savent plus où donner de la tête. Le dîner-spectacle donne le tournis. Les coureurs assurent les tours de magie.
Jusqu'en 2014, c'était cela les 3 Jours cyclistes de Grenoble : un événement mêlant sport de haut niveau et festivités pour toute la famille. Une institution dans le monde de la petite reine. De quoi faire saliver la nouvelle génération du cyclisme sur piste, incarnée par Mathilde Gros, championne du monde en titre de sprint.
L'ancienne basketteuse, venue au cyclisme sur piste sur le tard, après avoir été repérée pour ses qualités explosives, n'a pas connu les grandes heures du vélodrome de Grenoble. Mais elle en a beaucoup entendu parler par d'anciens coureurs comme Grégory Baugé, devenu entraîneur national du sprint, ou Michael D'Almeida.
Offrir davantage de visibilité au cyclisme sur piste
"Même Ryan Helal, qui est au pôle France avec moi, m'en a parlé. Il avait des étoiles plein les yeux en me racontant ça, parce que lui, il était jeune cycliste, il voyait des personnes connues comme Grégory Baugé. C'était incroyable de voir des athlètes de très haut niveau de près, à son âge. Du coup, c'est vrai que j'en ai énormément entendu parler. Et moi, je me disais 'purée, c'est dommage, parce que j'arrive dans le cyclisme et il n'y a plus rien !'", nous confie Mathilde Gros.
La championne du monde ne cache pas sa joie et son enthousiasme à l'idée de voir les 3 Jours cyclistes de Grenoble renaître, du 26 au 28 octobre. Car, hormis le gala "Stars en piste" organisé au vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines un jour par an, il existe peu d'occasions pour les pistards de briller devant le grand public.
"Moi je suis super contente que ça reprenne. Cela va nous créer une opportunité de faire connaître notre sport, d'avoir une visibilité pour le public et pour les sponsors, c'est vraiment top", se réjouit la sprinteuse de 24 ans.
Une institution du cyclisme de 1971 à 2014
La première édition de la manifestation a eu lieu en 1971 sur l'idée de Georges Cazeneuve, co-fondateur du Dauphiné Libéré et Albert Fontaine, journaliste et coureur cycliste. Les deux hommes voulaient exploiter la piste du Palais des sports, construite en 1968 pour les Jeux Olympiques d'hiver de Grenoble. A l'époque, l'événement se déroule sur six jours, et connaît un tel succès que deux éditions sont organisées la même année : l'une en janvier, l'autre en novembre (voir le reportage ci-dessous).
Les années suivantes, de grands noms viennent y écraser les pédales sous les yeux d'un public nombreux : ce fut le cas d'Eddie Merckx ou de Bernard Thévenet, de Charly Mottet ou de Laurent Fignon. Dans les années 1980, Jeannie Longo vient se mesurer à la piste.
Au fil du temps, la formule est réduite à quatre journées, pour finalement devenir en 1990 les 3 Jours cyclistes.
Sauver la piste de Grenoble
Pendant 25 ans, Guy Chanal assure l'organisation de l'événement avec Bernard Thévenet, jusqu'en 2014, année de la dernière édition.
Inutilisée depuis huit ans et en très mauvais état, la piste de 210 mètres du Palais des sports aurait pu disparaître. La mairie souhaitait la démolir. Le monde du cyclisme s'est alors mobilisé, via une pétition, pour la sauver et pour la faire revivre.
"Je crois que ça fait partie du patrimoine. Il faut essayer tous de se regrouper derrière ce projet pour que cette piste demeure parce que, au-delà du patrimoine, c'est aussi un outil sportif intéressant. Elle a encore beaucoup de choses à raconter", estime Guy Chanal qui a repris les rênes de l'événement et qui ne cache pas son "émotion" et sa "fierté", à l'idée de faire revivre le cyclisme sur piste à Grenoble.
"Ça coûte tellement cher de créer une piste, on peut faire tellement de choses au centre-piste, il y a plein de choses à développer", ajoute Mathilde Gros.
"C'est tellement un beau sport ! Il n'est pas assez connu. Même quand on regarde à la télé, ce n'est pas du tout pareil qu'en vrai. Je me rappelle, quand je regardais un peu ce que c'était le cyclisme sur piste, je regardais des vidéos sur internet. Je me disais : 'Bon ok, ça va'. Et quand je suis arrivée en vrai sur la piste, je me suis dit : 'Mais, c'est quoi ce truc ?' J'ai vraiment hâte et je vais inviter plein de personnes, j'en parle à plein de personnes. Je pense que c'est important que les gens viennent et en plus ils vont se régaler", se réjouit la sprinteuse.
Outre le buffet servi dans le centre de la piste, le plateau sportif est alléchant. Aux côtés de Mathilde Gros, d'autres pistards ont d'ores et déjà confirmé leur venue. Ce sera le cas de quelques locaux qui brillent en équipe de France, comme Ryan Helal ou Marion Borras.
Sport et festivités : "l'ADN des 3 Jours cylistes de Grenoble"
"En 2023, on met les femmes à égalité avec les hommes. Avant, il y avait juste Jeannie Longo qui venait faire une performance. Cette année, ce seront les mêmes prix et les mêmes conditions pour les hommes et les femmes. Marion Borras va s'attaquer aux trois kilomètres dont le record est toujours détenu par Jeannie Longo d'ailleurs", ajoute Guy Chanal.
Sprint, poursuite, keirin, omnium, record du tour, les cyclistes ne viendront pas faire de la figuration. Plus qu'un gala, ce sera l'opportunité pour eux de se confronter à une nouvelle piste et de s'affûter en vue des Jeux olympiques de Paris 2024.
"Ce sera une période d'entraînement intensive", confirme Mathilde Gros. "On va allier l'utile à l'agréable. On va pouvoir faire du vélo à fond, s'éclater avec les autres et en même temps profiter de la famille, des amis...Ça va être trois jours intenses parce que je pense qu'on va être à fond sur le vélo et à fond en dehors", s'enthousiasme la championne du monde.
Car "les sportifs viendront voir les convives à table", indique Guy Chanal. "C'est l'ADN de l'événement : la gastronomie avec des buffets, l'orchestre national du cirque, des numéros de cirque et les sportifs qui assurent le show".
2 000 couverts ont déjà été vendus en ce début mai sur un total de 3000. Chaque soir, 3 000 personnes supplémentaires pourront prendre place, également, dans les tribunes.
Les jeunes cyclistes à l'honneur
"Je pense qu'il y a une attente, parce que quand on voit les demandes pour les sélections des jeunes, même si cela fait 8 ans que c'est arrêté, tout de suite, ils sont là, ils sont à fond", se réjouit Guy Chanal.
Les 13-18 ans auront, eux aussi, leur heure de gloire. Des sélections vont être organisées début septembre. "On a essayé d'intégrer les jeunes de plus en plus, c'est-à-dire qu'on fait des courses avant les professionnels qui vont permettre à 60 gamins issus de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes de courir", explique Guy Chanal.
Si une seule petite fille a voulu essayer la piste parce qu'elle a vu mon titre de championne du monde, et bien, j'ai réussi ma carrière
Mathilde Groschampionne du monde de sprint
"Ça peut donner envie à des jeunes. Ça peut ouvrir des carrières pour des jeunes hommes ou des jeunes femmes", ajoute Mathilde Gros pour qui la transmission est importante.
"Je ne me considère pas comme porte-drapeau, mais je me dis que si mon titre (de championne du monde) a fait en sorte qu'une seule petite fille a voulu essayer la piste parce que ça lui a mis des étoiles dans les yeux, et bien moi, j'ai réussi ma carrière", conclut la jeune femme.
Reste à savoir dans quelle tunique Mathilde Gros viendra briller aux 3 Jours cyclistes de Grenoble. Elle remet en jeu son maillot arc-en-ciel de championne du monde au mois d'août.