Le puissant séisme qui a frappé le Maroc s'est produit dans une zone sismique connue, mais il a pourtant surpris les scientifiques par sa violence. Des répliques, voire un deuxième séisme, pourraient survenir dans les prochaines heures, préviennent des sismologues de l’Institut des Sciences de la Terre de l’université de Grenoble.
Au moins 1037 personnes ont péri dans un puissant séisme qui a frappé le Maroc dans la nuit de vendredi à samedi, provoquant d'énormes dégâts et semant la panique à Marrakech, haut lieu du tourisme, et plusieurs autres villes, selon un nouveau bilan officiel.
La secousse tellurique de magnitude 6,8, enregistrée à 23h11 heure locale, a surpris Jean Virieux et Florent Brenguier, sismologues à l’Institut des Sciences de la Terre de l’université de Grenoble.
France 3 Alpes : ce séisme est-il une surprise ?
Jean Virieux : "On sait que c’est une région active au niveau sismique, car elle se trouve à la frontière entre des plaques bien identifiées. Il y a déjà eu des séismes en Algérie et au Maroc, mais la magnitude de ce tremblement de terre là est assez importante pour la zone. C’est le plus gros subi par le Maroc depuis que nous avons développé des outils pour mesurer la puissance des séismes, c’est-à-dire depuis les années 60."
Florent Brenguier : "En effet, on connaissait l’existence d’une faille à cet endroit-là, mais on ignorait son potentiel destructeur, car il n’y a pas d’historique dans cette zone, à part quelques séismes de faible magnitude. On n’avait jamais enregistré de magnitude aussi importante dans cette zone. Le seul gros séisme jamais mesuré au Maroc, c’est le séisme d’Agadir en 1960 de magnitude 6, soit quasiment 10 fois moins d’énergie que celui de Marrakech. ."
France 3 Alpes : était-il possible de prévoir ce tremblement de terre ?
Jean Virieux : "La prévision des séismes n’est pas possible dans le sens météorologique du terme, c’est-à-dire la prévision de la date, du lieu, et de l’ampleur. Tout ce qu’on peut faire, c’est évaluer le séisme pour dépêcher les secours adéquats dans la zone."
C’était impossible à prévoir
Florent Brenguier, sismologue.
Florent Brenguier : "C’était impossible à prévoir, car on ne connaissait pas le potentiel sismogénique de cette faille. Désormais, on connaît mieux le risque, et les règles de sécurité vont certainement évoluer. Mais même si on avait connaissance du potentiel destructeur de cette faille, on n'avait aucun moyen de prévoir cet événement. Il n’y avait aucun signe précurseur."
Les répliques peuvent durer deux à trois semaines le temps que la croûte terrestre se rééquilibre
Jean Virieux, sismologue
France 3 Alpes : faut-il s’attendre à des répliques ?
Jean Virieux : "Il y en aura dans cette région. Elles seront nombreuses, mais elles seront plus faibles que le premier séisme. C’est pour cela que les habitants ne doivent pas retourner dans leur maison, car même une petite secousse sur un bâtiment endommagé peut provoquer un effondrement. En Turquie, on a perdu des gens qui allaient récupérer des affaires dans leur maison à cause d’une petite secousse. Il faut attendre l’aval des autorités. En général, les répliques peuvent durer deux à trois semaines, le temps que la croûte terrestre se rééquilibre".
Florent Brenguier : "On sait en effet que l’intensité des répliques diminue assez vite avec le temps. Mais on étudie beaucoup le risque d’un autre séisme majeur, déclenché par le premier. Ça arrive fréquemment, comme en Californie, en Japon ou plus récemment en Turquie. Le second séisme se produit en général sur des failles situées à quelques kilomètres de la zone touchée, et là, il faut être très vigilant. Un deuxième choc important dans les heures et les jours à venir est tout à fait possible."
France 3 Alpes : allez-vous mener des études sur ce séisme avec l’Institut des Sciences de la Terre de l’université de Grenoble ?
Florent Brenguier : "Tout à fait, nous avons deux objectifs. Le premier, c’est de faire des recherches de fond, sur le long terme, pour chercher des signes précurseurs et comprendre ce qui a pu provoquer ce séisme. Ces recherches permettraient aussi, à terme, de pouvoir un jour anticiper les tremblements de terre. Le deuxième objectif, c’est d’étudier plus en détails cette faille que l’on connaissait peu. On appelle cela l’intervention post-sismique, pendant laquelle on va déployer des outils différents dans la faille pour en faire une échographie détaillée et mieux connaître sa géométrie. En France, nous avons l’un des réseaux d’interventions post-sismiques les mieux dotés d’Europe. Et c’est l’Institut de Grenoble qui gère et stocke tous ces instruments d’intervention, c’est notre spécialité. Si le Maroc demande de l’aide, nous partirons mener ces recherches sur place. Mais pour l’instant, la priorité du gouvernement marocain est de mettre en place les secours pour aider les victimes et les sinistrés."