Dans les différents quartiers populaires de Grenoble, Aziz Chemingui transforme le mobilier urbain en œuvres d'art. Ses dizaines de mosaïques sont assemblées avec les habitants.
Sa dextérité est sans égal. Fragment après fragment, il passe des heures accroupi, assis, ou bien couché. "Il faut beaucoup de patience et un bon dos !", confie Aziz Chemengui, en esquissant un sourire. Dans les quartiers de la métropole grenobloise, l'artiste métamorphose le mobilier urbain en mosaïques.
Un travail de fourmi
Murets, bancs, tous ces éléments sont les supports favoris d'Aziz. Armé de son pistolet à colle, l'Isérois recherche l'emplacement idéal pour chaque carreau. En plein cœur du quartier Mistral, il habille ce jour-là un banc en béton.
Inspiré par le travail de l'architecte espagnol Gaudí, il pratique la même méthode : le trencadis. Cet assemblage de fragments de céramique lui permet de faire preuve d'une extrême finesse. "J’essaye de laisser un minimum d’espace entre les morceaux pour conjuguer plus facilement les fragments et créer une forme", explique Aziz Chemingui.
Pour relier tous ces carreaux, le mosaïste peaufine son œuvre avec un joint noir anthracite. Une dernière touche permettant de faire ressortir les couleurs vives. "Certes, c'est assez difficile, mais lorsque l'on a fini, on a une satisfaction du travail accompli. […] C'est une sorte de goutte d'eau qui devient des lacs !", s'exclame l'artiste.
Aziz a un parcours incroyable ! Personnellement, je ne suis pas capable de réaliser ce qu'il fait aujourd'hui.
Joao Ribeiro, mentor d'Aziz
Dans le quartier Paul Mistral, de nombreuses œuvres d'Aziz colorent les allées comme une majestueuse tête de lion assemblée sur un autre banc. Chaque œil a représenté plus d'une heure de travail. Mais l'artiste apprécie apporter de la couleur dans ce quartier où son savoir-faire est aujourd'hui reconnu. Plusieurs bailleurs sociaux lui ont même demandé de réaliser des plaques de numérotation des bâtiments.
Pourtant, cet ancien salarié de la pétrochimie n'était pas voué à devenir un artiste. C'est lors d'une rencontre dans un local associatif du quartier prioritaire des Iles de Mars qu'il a découvert la mosaïque. "Aziz a été le tout premier habitant à venir me voir. Il s’est rapidement intéressé à ce que je faisais et il s’est emparé du projet et de la mosaïque." livre Joao Ribeiro.
Cet artiste, devenu aujourd'hui le mentor d'Aziz, est le premier à l'avoir initié au trencadis. Mais aujourd'hui, Joao Ribeiro est épaté par le travail de l'Isérois : "Son parcours est incroyable ! Personnellement, je ne suis pas capable de réaliser ce qu'il fait. […] C’est un passionné. Il travaille par tous les temps, qu’il fasse chaud, qu’il pleuve ou qu’il neige. Il ne lâche pas l’affaire."
Transmettre son savoir-faire
Ses œuvres se sont aujourd'hui répandues dans diverses communes de la métropole comme à Pont-de-Claix ou encore à Échirolles. Depuis plusieurs, Aziz Chemingui amène ses couleurs dans les quartiers populaires et propose aux habitants de participer à ses créations.
Sur son projet de fresque à Echirolles, l'Isérois se fait aider une dizaine de petites mains. "C'est multicolore, j'aime bien ces couleurs. Par exemple, le ciel, le soleil et les fruits me donnent envie de les manger !", s'exclame Kady, mosaïste en herbe de 7 ans.
Au-delà d'apporter des couleurs et de la gaieté dans les quartiers populaires, Aziz Chemingui souhaite mettre les habitants au centre de ses projets. "Ça les éveille énormément et je veux qu'il y ait une empreinte de leur part. C'est aussi une fierté quand ils grandiront et que cette œuvre reste à long terme, ils en seront fiers", se réjouit l'artiste.
À terme, Aziz Chemingui envisage de créer une école de trencadis pour pouvoir transmettre son savoir-faire de mosaïste aux curieux.