A Grenoble, l'association 3aMIE fête ses cinq ans d'existence et une belle réussite. 3aMiE, c'est l'école des jeunes migrants privés d'éducation, dont la majorité en ressort avec un diplôme et un emploi. Reportage.
Ce 15 octobre à Grenoble, c'est avec beaucoup d'émotion que les anciens élèves ont témoigné de leurs parcours, souvent au bord des larmes, si fiers d'être parvenus à surmonter les obstacles, alors que tout semblait perdu, à l'image de Patricia Minswe, aujourd'hui élève en terminale bac professionnel.
Déjà, j'avais peur dans la rue. Quand tu es une fille, tu as peur d'être violée, tabassée, et puis quand je suis arrivée, ce n'était pas comme je pensais. Quand j'ai rencontré l'association 3aMIE, j'ai retrouvé espoir et me suis dit oui, j'irai jusqu'au bout.
Patricia , en terminale pro hôtellerie
Quand ses parents disparaissent, la jeune fille quitte la République démocratique du Congo. Elle a alors 17 ans. Quatre ans après, elle va pouvoir passer son bac pro hôtellerie.
Patricia, comme tant d'autres n'avait pas été reconnue "mineure isolée". L'accès à la scolarité lui était d'autant plus difficile.
Ils sont tellement motivés qu'ils décrochent vite un boulot. Quand un patron voit des gens aussi motivés, ils se dit : 'Je le prends tout de suite'.
Régine Barbe, directrice 3aMIE
Régine Barbe, directrice de l'association 3aMIE est elle aussi heureuse et fière, en cette journée d'anniversaire, du travail accompli : "En fait, on les insère dans la société. Ils arrivent à s'intégrer, à avoir des diplômes, à avoir un titre de séjour et une possibilité de travailler." Et elle insiste sur l'enthousiasme de ces jeunes "tellement motivés qu'ils décrochent vite un boulot" : "Quand un patron voit des gens aussi motivés, ils se dit : 'Je le prends tout de suite'", explique la directrice.
En 2018, 58 000 jeunes migrants avaient demandé le statut de mineur pour être scolarisés. Dix-sept mille seulement l'avaient obtenu. "Il existe de grandes disparités selon les départements", constate Isabelle Rigoni, sociologue spécialiste des jeunes migrants, "certains scolarisent ces jeunes quelle que soit leur situation administrative, comme c'est la loi. D'autres ignorent cette obligation et attendent qu'ils soient reconnus mineurs non-accompagnés, avant de les scolariser."
Une incontestable réussite pour des jeunes "destinés " à la rue
3aMIE s'engage à scolariser précisément ces jeunes migrants qui ne bénéficient pas d'une prise en charge de la part des services de l’État, grâce à un accueil quotidien du lundi au vendredi, un emploi du temps fixe et 25 heures hebdomadaires de cours dispensés par une soixantaine de bénévoles.
L'association se donne pour objectif d'accompagner ces jeunes jusqu’à une scolarisation "officielle" dans un établissement public ou privé.
La réussite est au rendez-vous. En 5 ans, 3aMIE c'est :
- plus de 250 jeunes migrants privés d’accès à l’éducation accompagnés
- plus d’une centaine ont obtenu un diplôme : CAP, BEP, Bac Pro
- plusieurs ont déjà des papiers et préparent, en alternance, un CAP, un bac pro, un BTS
- d’autres ont décroché un CDI et s’installent dans la vie : logement, mariage, enfants, etc.
Depuis 2019, les mineurs en attente de reconnaissance de leur minorité peuvent passer les tests du Centre d’Information et d’Orientation afin d’intégrer l’Education Nationale
En 2020 l’association, composée de cinq salariés, de trois services civiques, de stagiaires et d’une soixantaine de bénévoles, a élargi son champ d’action auprès des jeunes majeurs de moins de 21 ans. Ces derniers ne peuvent pas entrer dans l’Education nationale alors 3aMIE propose deux CAP dans deux filières : la restauration, en partenariat avec Cuisine sans frontière ; ou la maintenance des bâtiments de collectivité.