La fonte accélérée du manteau neigeux en février 2021, un phénomène de plus en plus fréquent dans les Alpes

Au col de Porte en Chartreuse, le niveau d'enneigement était bon début février. Mais en un mois, le manteau neigeux a perdu près de la moitié de son épaisseur à cause des températures élevées. Un phénomène de fonte accélérée de plus en plus fréquent dans les Alpes. Décryptage. 

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Avec la fermeture des remontées mécaniques pour cause de Covid-19, le phénomène passe plus inaperçu. Mais les chiffres sont là. Depuis le début du mois de février, l'épaisseur du manteau neigeux diminue de façon accélérée dans les Alpes à cause des températures très élevées.

Alors qu'au début du mois de février l'enneigement était encore bon dans le massif de la Chartreuse au col de Porte, un site d'enneigement remarquable à 1324 mètres d'altitude où est basé le Centre d’étude de la neige de Météo-France, la hausse du thermomètre et l'ensoleillement ont entraîné une très forte fonte. En un mois, l'épaisseur du manteau neigeux est passée de plus d'un mètre à 60 cm. Ce qui classe ce début de mois de mars 2021 dans les 20% les plus déficitaires en termes d'enneigement, selon Marie Dumont, chercheuse au CNRS et spécialiste de l'évolution de l'enneigement en montagne. Les abondantes chutes de neige du mois de janvier semblent déjà lointaines

Une fonte accélérée par les poussières du Sahara

Cette fonte accélérée illustre les changements enregistrés sur l'ensemble des Alpes. "L'effet est connu partout, une étude menée dans les stations en Italie, Suisse, France, Autriche sort bientôt sur le sujet. On voit très bien que la régression de l'enneigement est généralisée à toutes les altitudes pour la fonte", analyse Samuel Morin, directeur du Centre national de recherches météorologiques. 

Au col de Porte, cet avancement du début du fonte du manteau neigeux est très bien documenté. Sur la période 2002-2017, "on y voit une fonte qui démarre en moyenne environ 15 jours plus tôt" que sur les précédentes décennies, confie Marie Dumont. Sur le graphisme ci-dessous, on observe en effet que la fonte du manteau neigeux débute en moyenne après la mi-mars sur la période 1965-1980, contre début mars sur les vingt dernières années. L'année 2021 se caractérise donc par un recul très précoce de l'enneigement. 

Attention cependant à ne pas tirer de conclusions trop hâtives pour l'hiver en cours. "Pour cet hiver 2021, les jeux ne sont pas faits. On est encore assez tôt dans la saison. Quand on fait des simulations sur les 30 dernières années avec l'enneigement de ce début mars, on voit qu'il y a une grande dispersion des résultats. On ne peut rien prédire sur l'enneigement en fin de saison. On peut par contre affirmer que c'est une fonte rapide. Il a fait très chaud et avec les épisodes de sirocco il y a pas mal de poussières qui se sont déposées sur le manteau neigeux, ce qui a accéléré la fonte", poursuit Marie Dumont. 

Le côté spectaculaire des épisodes successifs de poussières du Sahara déposées par le sirocco sur les sommets alpins a frappé les esprits. Mais rien ne prouve pour le moment que le réchauffement climatique augmente ces dépôts de poussières. "On n'a pas de preuve qu'il y a des tendances de fond de dépôts de poussières sahariennes. Cela se produit chaque année plus ou moins, mais trois événements à la suite c'est tout de même rare. On sait que les dépôts de poussières peuvent jouer un rôle sur la fonte, mais pour le moment on n'a pas d'études sur le long terme", ajoute Samuel Morin. 

 

Six jours consécutifs au-dessus de 5 degrés

En février, la station du col de Porte a enregistré plusieurs records. Du 20 au 26 février, la température n'est pas redescendue sous 5 degrés, même la nuit. Plus globalement depuis le 7 février, "il y a eu très peu de journées où on est passé sous zéro degré", note Marie Dumont. La chercheuse reste cependant prudente sur la répétition de fonte à grande vitesse dans le futur dès le mois de février. "On relève que la fonte du manteau neigeux commence plus tôt qu'avant. Mais, quand elle commence tôt, la fonte est moins rapide car le rayonnement solaire est moins important en février ou mars qu'en avril", note Marie Dumont.

Cette réalité scientifique ne doit cependant pas masquer le fait que le nombre de jours d'enneigement diminue sans cesse ces dernières décennies. Depuis l'ouverture de la station de Météo-France au col de Porte en 1960, le manteau neigeux a diminué en moyenne de 37,7 cm et la température a augmenté de 1,01°C. "Les saisons hivernales se raccourcissent plus par rapport au début de la fonte, qu'en raison du recul des dates des premières neiges de la saison", conclut le chercheur Samuel Morin. 

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