L'éventuelle intention homicide des jeunes frères El Habib, jugés pour une rixe mortelle lors d'une sortie de discothèque en 2018, était jeudi au coeur des débats de la cour d'assises de l'Isère qui doit rendre son verdict vendredi.
"Il faut condamner ce meurtre sauvage, gratuit, stupide", a demandé jeudi matin l'avocat général en requérant 20 ans de réclusion criminelle pour Younes et Yanis El Habib, convaincu de leur volonté de tuer durant ces 40 secondes d'un "déferlement de violence", selon les propres mots de la défense.
Les deux frères, 22 et 23 ans, sont jugés pour le meurtre d'Adrien Perez, 26 ans, la tentative de meurtre de l'un de ses amis et des violences aggravées lors d'une rixe à la sortie du Phoenix, boite de nuit de Meylan, près de Grenoble, le 29 juillet 2018, un drame qui avait vivement ému dans la région et au-delà.
Younes El Habib "sera condamné pour les violences, et c'est normal, mais pas pour l'intention homicide, qui n'existe pas", a lancé son avocat Guillaume Fort dans sa plaidoirie.
Dans une mêlée confuse devenue mortelle, captée par une caméra et projetée de nombreuses fois à l'audience, "la seule chose qu'il a cherché à faire, c'est de se dégager", a assuré Me Fort, pour expliquer le coup de couteau porté au thorax d'Adrien Perez.
Le jeune avocat a rappelé les témoignages qui dépeignent un jeune homme "mature", "sensible", "intelligent", qui se comporte bien en détention. "Vous n'allez pas juger les 40 secondes qui ont conduit ces deux hommes dans le box, vous allez juger une vie", a tonné l'avocat face à la cour et aux jurés.
Ce drame, "c'est pas les méchants arabes contre les gentils blancs", a-t-il ajouté, rappelant les récupérations politiques de l'extrême-droite à l'époque des faits.
"Pas sur des hypothèses"
Dans ses réquisitions, l'avocat général Jacques Dallest s'était adressé, jeudi matin, aux deux frères: "vous n'êtes sans doute pas des tueurs, mais vous êtes des criminels du petit matin, des criminels d'occasion."
"Humilié" à la suite d'une altercation dans le sas du Phoenix, le cadet Yanis va à la rencontre du groupe d'Adrien Perez et déclenche par ses coups un "moment de sauvagerie pure".
Younes a reconnu l'usage d'une arme blanche dans la rixe, mais pas Yanis, qui réfute cette hypothèse depuis près de trois ans. Pour l'accusation, les deux portaient bien une arme blanche, signant là leur intention de tuer.
"On ne condamne pas sur des hypothèses," lui a répondu Léa Forest, avocate de Yanis El Habib qui tente de démonter, points par points, les détails soulevés par l'accusation. "Yanis n'avait pas d'arme, il n'a pas donné la mort, ni tenté de donner la mort à Adrien Perez", lance-t-elle, "vous n'avez pas de preuve contraire."
Et, ajoute son collègue Me Julien Charle, le coup mortel à Adrien Perez ne fut pas de son fait, mais celui de son frère Younes. Il dénonce ainsi le choix, par l'accusation, de soulever la coaction, outil pénal qui permettrait à la cour d'assises de condamner les deux accusés d'un unique meurtre.
Yanis et Younes El Habib étaient "unis dans l'action, dans l'agressivité, dans la violence. Ils doivent donc l'être dans la sanction, dans le châtiment," avait lancé Jacques Dallest avant de requérir 20 ans de réclusion pour les deux. "Il faut dissocier les actes", a plaidé Me Charle, "c'est le principe de l'individualisation."
Un an de prison avec sursis a été requis contre le troisième accusé, libre, à qui est reproché des violences aggravées. Son avocat, Bernard Ripert, a plaidé l'acquittement, clamant à l'adresse des parties civiles que "les larmes des victimes ne s'assèchent pas dans la lourdeur des peines."
Verdict vendredi.