Procès du meurtre d'Adrien Perez : "Je suis le seul responsable, mon frère n'a pas à payer pour mes erreurs"

Le procès du Jeune Adrien Perez, tué à coups de couteaux en 2018, à la sortie d'une discothèque, s'est ouvert hier devant la cour d'assises de l'Isère.Yanis et Younes El Habib, 22 et 23 ans comparaissent pour meurtre et tentative de meurtre. La cour s'attache à mieux cerner leur personnalité

C'était le 29 juillet 2018 au petit matin, Adrien Perez, chargé d'affaires de 26 ans, était tué par plusieurs coups de couteau devant l'établissement de nuit Le Phoenix, à Meylan, près de Grenoble. Mathieu Ponte, un de ses amis, qu'il a voulu défendre, est grièvement blessé mais s'en sortira. Il est présent dans la salle du tribunal.

Trois ans après les faits, le procès s'est ouvert, ravivant les douleurs et les plaies "qui saigneront même après le temps de la justice" selon les mots de Me Dreyfus, l'avovat des parents d'Adrien Perez car "la justice ne réparera pas la mort d'Adrien, la justice ne rend pas la vie.  Ils espèrent une écoute face à cette violence totalement injuste, gratuite, qui a tourné au massacre comme certains l'ont dit au cours de la procédure".

Dès hier, dans le box des accusés, les trois prévenus ont brièvement pris la parole. Cheveux courts, rasé de près, et chemise blanche, Younés, l'aîné des deux frères, a déclaré "être le seul responsable des coups de couteau portés à Adrien et à Mathieu, mais qu'il ne voulait pas les tuer" et il insiste"Je suis le seul responsable, mon frère n'a pas à payer pour mes erreurs".

Yanis El Habib, son cadet a brièvement reconnu s'être "battu avec plusieurs personnes de ce groupe".

Quant au troisième prévenu, un ami des deux frères, Liam Djadouri, 23 ans, qui comparaît libre, mais sous contrôle judiciaire, pour avoir participé à la rixe et "violences aggravées", il conteste les faits . Décrit dans l'après-midi par des témoins comme "sérieux, mature et réfléchi", "étudiant sans histoire et peu versé au conflit", il parle du meurtre d'Adrien Perez comme d'un "accident".

Hier après-midi aussi, les deux frères sont apparus, au fil des premiers témoignages sur leur personnalité, comme "matures", "sensibles", de "très bons éléments de leur équipe de foot". Younes, qui reconnaît les coups mortels, "a un coeur en or",  a dit de lui une enseignante à la barre.

Son avocat Me Guillaume Fort la veille, l'a dépeint "comme un jeune homme bien intégré, qui n'a pas de casier judiciaire, sa mère a un master 2, son père est médiateur, il était bénévole auprès des sans-abris, il n'a jamais eu l'intention de tuer, il redoute d'être confronté à la souffrance qu'il a pu créer."

Une image relativement lointaine, de celle que découvrent ce mardi 22 juin, au deuxième jour du procès, la cour et les jurés qui s'attachent encore aujourd'hui, à cerner la personnalité des accusés. 

"Ils étaient laissés à eux-mêmes"

"Ils étaient laissés à eux-mêmes" selon des témoignages qui révèlent en un contexte de violences intrafamiliales régulières, et décrivent la personnalité impulsive du cadet des accusés.

Apparaît alors un milieu familial complexe, ancré dans un quartier difficile de Grenoble, sous la coupe d'un père violent, frappant sa femme et ses enfants. Younes a d'ailleurs fait une fugue, avant de s'échapper du foyer familial peu avant sa majorité.

L'un des deux frères "arrivait au collège avec l'oeil au beurre noir, et il n'y a jamais eu de signalement!" s'est agacée à la barre sa tante, Anissa. "Ils étaient laissés à eux-mêmes, ces gamins !"

"Tout ça c'est de ma faute, à y réfléchir..."

A la suite d'une agression qu'elle avait subie avec son fils, c'est elle qui "s'est inquiétée pour son neveu Younes" et lui a conseillé de porter un couteau sur lui. Le jeune garçon suit ses conseils et ne sort plus sans un opinel, celui qu'il reconnaît avoir utilisé pendant la rixe du 29 juillet 2018.

 "Qu'est-ce que vous pensez de ce conseil", lui demande la présidente, Valérie Blain. "Je lui ai gâché sa vie, j'ai gâché la vie d'Adrien Perez", répond-elle, tout de noir vêtue. "Tout ça c'est de ma faute, à y réfléchir..." .De ce couteau, "il ne s'en est pas servi pour faire du mal", poursuit la tante maternelle à propos des faits. "Il est anti-violence, Younes."

Sur les bancs des parties civiles, la mère d'Adrien Perez, tué sous ses coups, devient rouge sous son masque, en larmes. Le père regarde le sol. La famille serre les rangs, sonnée par des paroles qui leur sont inaudibles.

La tante poursuit : "On ne cesse de dire sales Arabes, sales racailles... Ça fait trois ans que ça dure! Ce qui a été dit, c'est tout le contraire de mes neveux," enchaîne cette aide-soignante vivant à Marseille. "De la haine, il n'en ont pas, de l'amour, ils en ont! Et à revendre".           

 "Je n'en suis pas fier, je m'en excuse "

En début de matinée, une grande-tante des accusés, professionnelle de l'aide sociale à l'enfance en région parisienne,  a raconté ses signalements successifs pour violences au Département puis à la Justice. Aucune suite concrète n'a été donnée, mais cela leur a forgé "une réelle capacité de résilience," analyse la petite femme, pantalon rouge et veste verte. Elle poursuit: "Younes s'est un peu inscrit dans un rôle protecteur, avec aucune agressivité".

"Le premier qui touche à mon frère, je le découpe", aurait déclaré Younes, l'aîné, au début de la rixe, selon des témoins. Depuis le box, en début d'après-midi, Yanis a reconnu être "impulsif". "Il faut pas le chercher", dira sa mère durant l'enquête. "Je prends un coup, je le rendais," complète-t-il, assurant suivre un précepte transmis par son père "ne pas se laisser faire".

Quelques mois avant les faits, il avait été temporairement exclu du Phoenix après avoir frappé un autre client.

Comme son frère, il avait décroché du lycée, errant d'une formation à l'autre sans les achever. Il avait quitté le foyer familial dès sa majorité et sortait au Phoenix chaque week-end, jusqu'au 29 juillet 2018. Yanis El Habib se dit conscient d'être "l'élément déclencheur de la rixe" pour laquelle il nie avoir porté des coups mortels, reconnus par son frère. "J'en suis pas fier, je m'en excuse", dit-il à toute vitesse, sans regarder les parties civiles.

Seul un oncle des accusés, à la barre en fin de matinée, aura un mot, un regard surtout, pour la famille Perez.

 

 

 

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