"On a battu notre record" : pourquoi le tir à l'arc, discipline olympique, est en plein essor en Auvergne-Rhône-Alpes

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Le tir à l'arc, discipline olympique depuis les JO de Munich en 1972, sera représenté aux Jeux de Paris-2024, dès le 25 juillet prochain. La moitié des huit archers présélectionnés pour cette épreuve viennent d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Une distance de 70 mètres, une cible de 122 centimètres de diamètre, avec dix anneaux concentriques de taille égale et de cinq couleurs, le tout en extérieur : voilà les conditions des épreuves de tir à l'arc, organisées à partir du 25 juillet prochain aux Invalides, pour les Jeux olympiques de Paris-2024.

Parmi les huit archers présélectionnés - quatre femmes et quatre hommes, quatre sont issus de clubs aurhalpins : Caroline Lopez, Lisa Barbelin pour Les Archers Riomois (Puy-de-Dôme), et Amélie Cordeau pour La Première compagnie d'arc d'Annemasse (Haute-Savoie) et Thomas Chirault pour la Compagnie des Archers Clermontois (Puy-de-Dôme). Au total, cinq médailles seront en jeu.

9 500 licenciés en Auvergne-Rhône-Alpes

La région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) compte environ 9 500 licenciés, sur 75 000 licenciés au niveau national, ce qui en fait la deuxième plus grande région de France en nombre d'adhérents. À titre de comparaison, en Ile-de-France, première région en termes d'habitants, on compte environ 13 000 licenciés. "La discipline se porte bien, on est en augmentation au niveau national. On compte même 250 licenciés supplémentaires par rapport à la même période en 2023", souligne Guy-Hervé Savornin, président du comité départemental de l'Isère. Le département représente d'ailleurs le tiers des licenciés d'Auvergne-Rhône-Alpes.

"On a battu notre record, et on vise les 9 700 licenciés fin 2024", abonde Évelyne Glaize, présidente du Comité régional Auvergne-Rhône-Alpes de tir à l'arc. "C'est possible qu'on atteigne le seuil de 10 000 adhérents en 2025. Il y a un engouement, c'est clair, mais c'est difficile de savoir le pourquoi de la chose."

À quelques mois des Jeux olympiques, les clubs comptent en tout cas sur un "effet JO" pour booster leurs effectifs et continuer de recruter les champions de demain. "On avait imaginé pouvoir franchir la barre des 100 000 depuis quatre ans, en vue des JO. Avec le Covid, on était redescendu à 53 000 licenciés. La Fédération est revenue au-dessus des niveaux d’avant Covid, et l'effet JO doit être un apport, avec les espoirs de médailles et de redynamiser encore le tir à l’arc en France", précise Laurent Boissady, président de la Première compagnie d'arc de Grenoble. Le club fait partie des cinq plus gros clubs de France et a atteint en 2023 les 230 licenciés. Selon le comité régional AURA, parmi les huit plus gros clubs français en nombre d'effectifs, quatre sont situés dans le Rhône et deux en Isère.

"S’il y a une médaille en tir à l’arc, il y aura un effet whaou"

Autre atout pour la discipline, un maillage très précis du territoire avec beaucoup de clubs de petite et moyenne taille. "Chacun organise des animations, on va les uns chez les autres. Il y a six clubs dans un rayon de 20 kilomètres", s'exclame Christophe Piraud, président des Archers Berjalliens, situé à Bourgoin-Jallieu (Isère). Alors qu'un club compte en moyenne 47 licenciés, les Archers Berjalliens ont très rapidement dépassé ce seuil : "En 2017, on avait 12 licenciés. Aujourd'hui, on en est à 50, après avoir atteint un pic à 70 personnes." Selon Christophe Piraud, l'AURA est "une très grande région de tir à l’arc : avec une bonne communication pour faire découvrir la discipline. On a la chance d'être volontaires. Par exemple, nous, on est blindés tout l’été et les petites vacances scolaires."

Pour recruter de nouveaux membres, le club a organisé de multiples activités, comme "Sportez-vous bien", en lien avec la commune, des séances dans des entreprises ou la participation au forum des associations. "L'objectif, c'est de pouvoir faire des compétitions. On laisse les gens faire du loisir ou de la compétition, mais il faut pas mal de licenciés pour récupérer de bons compétiteurs", affirme Christophe Piraud. "Nous, on voudrait avoir un groupe équipe qui pourrait aller jusqu'au score de 550 points en salle, sur les 600 possibles au maximum. On a déjà des archers débutants qui arrivent à faire 520."

Le tir à l'arc devient aussi visible grâce aux nombreuses compétitions organisées sur le territoire. La Première compagnie d'arc de Grenoble est par exemple en charge d'organiser les championnats de France, depuis 2023 et pour trois éditions. "C'est une volonté politique. La Fédération délègue à un club l'organisation de compétitions. On n'a jamais une année sans un championnat de France", explique Guy-Hervé Savornin. "Et en plus s’il y a une médaille en tir à l’arc, il y aura un effet whaou."

"On s’appuie beaucoup sur les départements. On est en train de réfléchir à ce qu’on peut faire en commun et démultiplier les actions sur le terrain", abonde Évelyne Glaize. "Sur la région, il y a 190 clubs, et on a pulvérisé le record d'équipes, qui sont au total entre 160 et 170."

Un gros club, au judo, c'est plus de 2 000 personnes. Le tir à l'arc, c'est 200 personnes.

Évelyne Glaize

Présidente du Comité régional Auvergne-Rhône-Alpes de tir à l'arc

Le comité régional décline aussi sur le terrain des directives nationales, comme le dispositif "Partage tes flèches", qui encourage les jeunes à faire découvrir leur sport à leurs amis, ou le tournoi des mixtes, pour des jeunes archers et de jeunes archères.

Guy-Hervé Savornin, président du comité départemental de l'Isère, ajoute : "Le comité régional fait aussi des actions là où il y a moins de clubs et de licenciés, c’est eux qu’il faut soutenir. Quand on fait une formation, on la fait même s’ils ne sont que cinq clubs dans le Cantal."

Sont également mis en place des dispositifs financiers, comme la licence découverte qui permet de démarrer le tir à l'arc en cours de saison avec des tarifs attractifs, ou le prêt de matériel. Aux Archers Berjailliens, les adhérents acquièrent leur matériel en location-vente et en deviennent propriétaires au bout de trois ans, ce qui permet de limiter les coûts.

Une quête de professionnalisation

Mais certains obstacles pourraient freiner le développement de la pratique du tir à l'arc dans les prochaines années. D'après Évelyne Glaize, "on a des dirigeants dynamiques, qui proposent plus d'actions à leurs adhérents. La moitié des clubs participe aux portes ouvertes, c'est phénoménal. (...) On arrive peut-être au seuil critique, car qui dit plus de licenciés, dit plus de disponibilités dans les installations et l'encadrement."

Comme beaucoup d'associations, les dirigeants de clubs constatent ainsi qu'il est de plus en plus difficile de recruter des bénévoles compétents pour encadrer les cours. Les Archers Berjalliens reposent par exemple sur l'investissement de sept bénévoles pour accompagner leurs 50 licenciés. "Il y a eu une tradition d'avoir des encadrants bénévoles pendant des années. Aujourd'hui, on cherche des jeunes salariés à temps plein parce que les clubs demandent du personnel avec un meilleur niveau", détaille Évelyne Glaize.

Moins de bénévoles, plus de cadres techniques

Les clubs recherchent en effet des encadrants techniques, titulaires d'un DEJEPS (Diplôme d'État de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport), l'équivalent de l'ancien Brevet d'État, d'un niveau Bac+2. "Dans la discipline, la professionnalisation est récente, ce serait un gros plus pour passer un cap. Ce serait bien d’avoir un cadre avec un brevet d'État, mais ce n'est pas facile d’avoir quelqu’un pour passer la formation, il y a peu de candidats au départ", déplore Christophe Piraud.

"Pour atteindre le niveau des gros clubs, comme Riom, Villefontaine ou Grenoble, il faut avoir leurs équipements. On voudrait atteindre le niveau juste en dessous, mais nous n'avons pas encore d'entraîneur fédéral, et pour les cadres techniques, ils sont très peu et pour des missions concentrées sur le week-end, donc ils sont débordés", raconte Christophe Piraud. "Nous, on serait prêt à payer un cadre technique la première année, en attendant d'avoir une aide financière, par exemple de la mairie."

À Annemasse (Haute-Savoie), un cadre technique titulaire d'un Brevet d'État est présent pour encadrer tous les cours. "Il est présent pour les débutants, les confirmés et les compétiteurs", précise Richard Cordeau. Le président de la Première compagnie d'arc d'Annemasse axe le développement de son club sur la compétition par équipes, qui serait "l'avenir, parce qu'il y a de l'émulation et que ça devient plus médiatique que l’individuel. Donc il faut former et recruter." Aujourd'hui, cinq équipes tournent à plusieurs niveaux de compétition, dont deux équipes en première division.

Il y a beaucoup de clubs en Haute-Savoie, mais pas forcément de gros clubs. Dans un petit club, c'est difficile d'avoir quatre archers capables de tirer à 70 m donc c'est difficile de faire une équipe.

Richard Cordeau

Président de la Première compagnie d'arc d'Annemasse (Haute-Savoie)

Là encore, la stratégie proactive du club s'est révélée payante : "On prend les plus petits à partir de 6 ans, et quand on arrive à les garder jusqu'à 15 ans, on parvient à avoir un bon niveau. On avait réclamé au comité départemental, et on l'a obtenue, une équipe départementale pour regrouper les meilleurs jeunes du secteur et créer de l'émulation." Pour les compétitions, comme les manches de Coupe de France qui se déroulent à Nîmes, Compiègne (Oise) et Poitiers, le club prend en charge le déplacement, avec deux mini-bus, et la restauration.

Former la nouvelle génération de champions

Mais l'enjeu principal pour le club est de parvenir, non seulement à former, mais à garder les jeunes dans ses effectifs. "On n'a pas d’école supérieure, les jeunes partent pour leurs études. Donc on a des équipes jeunes en U13, U15 et U18, mais après on a un creux", expose Richard Cordeau. Au niveau régional, le comité explique qu'il y a aussi "une grosse politique de développement sur les U11 (...). Ça reste un sujet, nous avons 40 % de jeunes. Le Covid n’a pas arrangé les choses, les jeunes n’ont pas pu continuer."

On forme les jeunes mais le défi, c’est de les garder.

Richard Cordeau

Président de la Première compagnie d'arc d'Annemasse (Haute-Savoie)

Autre objectif pour le club, monter une salle de tirs permanente. En discipline olympique, le tir à l'arc se pratique en extérieur mais il peut aussi se pratiquer en salle. "On se bat contre des clubs qui ont des salles de tir permanentes, avec des conditions d'entraînement extraordinaires. On cherche désespérément, le terrain est extrêmement cher ici", essaie de se projeter Richard Cordeau. L'ancien champion de tir à l'arc compte sur les performances de sa fille, Amélie Cordeau, pré-sélectionnée aux JO 2024, pour attirer de nouveaux licenciés.

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