Téléphérique La Grave La Meije : les opposants au 3e tronçon dénoncent la partialité de l’enquête publique et veulent saisir la justice

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Le projet de troisième tronçon du téléphérique de La Grave-La Meije est contesté par des associations environnementales.
Reportage diffusé le 27 février, à l'issue de l'enquête publique ©France 3 Alpes / G. Ragris - A. Kebabti - M. Baza

Dans l'Oisans, à la frontière entre Isère et Hautes-Alpes, la construction d'un troisième tronçon de téléphérique à La Grave fait débat. La méthode et les conclusions de l'enquête publique, favorable au projet, sont remises en cause par des associations environnementales. Elles se disent prêtes à attaquer en justice tout lancement de travaux.

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Les associations de défense de l'environnement sont déterminées à ne pas en rester là. Depuis la fin de l'enquête publique sur la construction d'un troisième tronçon de téléphérique à La Grave et l'avis favorable rendu fin février, leur indignation ne faiblit pas. Mountain Wilderness, la Société Alpine de Protection de l'Environnement, France Nature Environnement et le collectif La Grave Autrement dénoncent la partialité du commissaire-enquêteur et de ses conclusions

Revenons d'abord sur l'objet de la discorde. C'est l'avenir d'une "pépite" qui se joue actuellement à La Grave, l'avenir d'un lieu unique dans les Alpes françaises, classé "plus beau village de France", dédié à l'alpinisme et au ski freeride, au pied de la Meije et dans le parc des Ecrins.

Un domaine sauvage et un glacier à préserver 

Le domaine de La Grave-La Meije est le royaume de la poudreuse avec une seule piste damée sur le glacier. Il attire donc des skieurs confirmés du monde entier, adeptes de cet environnement sauvage où la nature a presque tous les droits, hiver comme été. Une spécificité que toutes les parties souhaitent conserver. Elles achoppent cependant sur les moyens d'y parvenir.

Actuellement, deux tronçons de télécabines permettent de monter à l'entrée du glacier de la Girose. Puis, pour accéder tout en haut, à 3500 mètres d'altitude, il faut rejoindre à pied le vieux téléski ou se faire tracter par une dameuse. Le téléski, vétuste, fonctionne au fioul. Tous s'accordent sur l'idée qu'il faut le démonter.

Les partisans du troisième tronçon veulent le remplacer par un téléphérique moderne qui partirait directement de l'arrivée des télécabines, à 3 200 mètres, pour rallier le Dôme de la Lauze (voir ci-dessous). 

Démonter le téléski polluant à l'unanimité

"En construisant un téléphérique, on va survoler le glacier, on n'aura plus aucun point de contact avec le glacier. Cela va permettre de le laisser respirer. Le deuxième volet, c'est que le téléski fonctionne aujourd'hui sur les énergies fossiles et donc on va décarboner grandement notre processus d'exploitation puisqu'on va réduire de plus de 90 % nos émissions de gaz à effet de serre", estime David Le Guen directeur commercial de la SATG, Société d'Aménagement Touristique de La Grave, exploitant de l'installation.

"Quand on sait qu'on va enlever 100 tonnes de ferraille sur le glacier, qu'on va enlever 100 000 litres de fioul, qu'on va enlever les pelles mécaniques, pour moi c'est de l'écologie", renchérit Jean-Pierre Pic, le maire (sans étiquette) de La Grave.

"On est tous d'accord qu'il faut démonter le téléski, qui est complètement obsolète sur le glacier et effectivement le téléphérique qui est en projet sera moins polluant. Mais, nous, ce que l'on propose c'est de ne rien construire du tout. On préserve encore plus l'environnement en ne construisant rien du tout", réagit Niels Martin, de l'association La Grave Autrement

"Commissaire-enquêteur partial" : les griefs contre l'enquête publique

Les associations, collectifs et habitants opposés au projet ont le sentiment de n'avoir pas été entendus par le commissaire-enquêteur, ils ont même l'impression de ne pas avoir été écoutés lors de leurs rencontres. 

"Dès le premier jour où nous avons été reçus, son comportement nous avait interrogés", explique Vincent Neirinck de Mountain Wilderness.

"Il avait un discours complètement à charge contre les associations et pro-aménagement. On se demandait pourquoi il faisait l'enquête tellement il était convaincu. C'était assez spectaculaire de ce point de vue-là. Tout ce que nous disions était mis en doute. Il peut ne pas être d'accord sur l'avis que nous avons sur le projet, mais il a remis en cause le fait que nous soyons reconnus d'utilité publique dans le cadre de la protection de l'environnement", s'indigne Vincent Neirinck qui souligne que la reconnaissance d'utilité publique est attribuée par décision du Conseil d'Etat.

Les associations de défense de l'environnement ont par ailleurs souligné l'existence d'espèces protégées à l'endroit où la nouvelle liaison pourrait être érigée. Un point pris un peu trop à la légère, selon eux, par le commissaire-enquêteur.

Celui-ci recommande dans ses conclusions "de faire contrôler l'existence de l'Androsace du Dauphiné par un écologue et les services de l'état compétant pour sa localisation précise sur l'éperon rocheux", ajoutant qu'il faudrait "peut-être établir la vérité de ce fait"

Les conclusions tiennent en à peine plus d'une page et "ne sont pas motivées", martèle Vincent Neirinck. 

Tout futur acte sera attaqué en justice

"Nous avons informé le tribunal administratif de Marseille de ce que l'on pensait du comportement du commissaire-enquêteur. On ne peut pas attaquer ses conclusions. Il n'existe pas de procédure pour cela. Par contre, nous attaquerons toute autorisation, permis de construire, permis d'aménagement, etc. qui seraient pris sur la base du rapport et des conclusions de l'enquête publique", prévient Mountain Wilderness. 

"80 % de la population qui a répondu à l'enquête publique est favorable au projet, c'est indéniable et incontestable", répliquait David Le Guen au micro de France 3 Alpes il y a quelques semaines. 

Quant aux craintes de voir un jour ce nouveau tronçon offrir une liaison avec les 2 Alpes, le directeur commercial de la STAG, filiale de la SATA (Société d’aménagement touristique de l’Alpe D’Huez, ndlr), se veut rassurant : "On reste dans un développement économique mesuré. Les deux tronçons, on reste sur 250 à 300 personnes à l'heure. On a demandé aux constructeurs un téléphérique de 400 personnes à l'heure, ce qui les fait rire car aujourd'hui ils sont capables de construire un téléphérique de 4 000 à 6 000 personnes à l'heure. On reste à l'échelle de la Grave", promet-il.

Nous avons tous ensemble la responsabilité d'une pépite, et la banaliser par ce projet, c'est vraiment dommage

Vincent Neirinck

Mountain Wilderness

Malgré l'étude économique indépendante financée par le collectif La Grave Autrement, qui met en doute la viabilité économique de l'extension, le projet à 14 millions d'euros est rentable d'après la mairie.

Il a pour but, selon elle, de changer de perspective et d'encourager la prise de conscience sur la fragilité de l'environnement. L'idée est de "montrer le glacier, qu'on puisse le faire voir, faire des études, montrer à nos gamins, aux lycéens et même aux clubs du troisième âge qui ont parfois contribué à la décadence, leur montrer qu'on avait fait des conneries et qu'il faut qu'on avance", déclare Jean-Pierre Pic. 

Pour Mountain Wilderness, au contraire, le projet "fait rentrer La Grave dans le système SATA du grand ski standardisé, industriel. Il n'y a pas d'intérêt. Nous avons tous ensemble la responsabilité d'une pépite, et la banaliser par ce projet, c'est vraiment dommage", estime Vincent Neirinck qui indique que le collectif La Grave Autrement travaille sur un scénario alternatif, dont la faisabilité est étudiée par deux cabinets indépendants. 

Au vu des crispations que cristallise ce dossier et des recours à venir devant la justice, il est peu probable que le troisième tronçon du téléphérique voit le jour à court terme. Le débat a des chances de se poursuivre devant le tribunal administratif. 

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