Depuis dix éditions, le drift, discipline de dérapage de voitures, a son festival aux Sept-Laux, une station de montagne située dans la chaîne de Belledonne, en Isère. Ses amateurs affirment en prendre plein la vue. Ses détracteurs, plein les poumons.
Le vaste parking de Pipay s’est transformé en arène dans le crissement des pneus et le grondement des moteurs. Lancées à toute allure sur un parcours sécurisé par des bottes de paille, les voitures dérapent en laissant derrière elles fumée et traînées noires sur le bitume.
Massés en surplomb, des amateurs de tous âges assistent aux performances des pilotes de drift, discipline de glissade reconnue par la Fédération française du sport automobile et mise à l’honneur lors de ce Slide French Alps Festival.
À l’heure de fêter son dixième anniversaire, l’événement peut se féliciter de spectateurs venus « en masse » aux Sept Laux - environ 5000 personnes ce dimanche 3 septembre, pour la dernière journée. Parmi eux, un jeune garçon s’enthousiasme, autographe à la main : "C’est spectaculaire, à voir une fois dans sa vie !" "Ils tirent la mécanique au bout", abonde un autre amateur, alors qu’un troisième fait valoir la "dextérité nécessaire pour faire glisser la voiture". "C’est très impressionnant", conclut-il.
"Un sport qui n'a plus lieu d'être"
Mais une dizaine de kilomètres plus bas, au col des Ayes, le bruit des mécaniques laisse place aux slogans des manifestants. Ils sont une cinquantaine d’opposants présents, riverains et membres d’associations, fédérés au sein du collectif "Stop drift en montagne". Avec le temps, lui aussi se rassemble désormais pour protester contre le rendez-vous et ses nuisances : pollution de l’air et des sols, bruit, déchets laissés sur place… "D’ici, on voit le panache de fumée des pots d’échappement et du glissement de pneus, déplore Guillemette Vincent. C’est un sport qui n’a plus lieu d’être à notre époque."
On nous interdit de brûler les végétaux et notamment les sarments, alors que c’est tout bête. Mais là, on autorise à brûler du pneu… Cherchez l’erreur.
Un manifestant contre le drift en montagne
La vice-présidente de l’association Graine Grésivaudan Nord Environnement interpelle les automobilistes en brandissant des débris de pneus ramassés sur site "il y a une semaine à peu près". Car désormais, la pratique déborde du simple festival de trois jours. "Au fil des années, on a de plus en plus d’entraînements sauvages en dehors de l’événement, avant ou après mais largement hors saison, appuie un éleveur du secteur. On a des véhicules qui viennent et qui circulent à toute allure en faisant du pseudo drift. Ça se passe sur des routes non protégées et donc il y a des risques qui sont accrus."
"Une passion comme les autres"
"C'est un spot oui, le site de Pipay reste incontournable", oppose Anthony Mariani, le speaker de l’événement, pour qui "on ne peut pas interdire à tout le monde de faire du drift". Au micro, il assure faire passer des messages de sensibilisation. "On essaye d’éduquer tous nos spectateurs à ramasser leurs ordures, ne pas faire les fous sur la route. Il faut respecter le code de la route, respecter la nature. C’est vrai que ça ramène un peu de dégradations au niveau de la route, un peu de grammes de pneus. Mais honnêtement, derrière tout ça, c’est un engouement général."
Et de faire valoir la plus-value économique pour le territoire. Les spectateurs interrogés en route, eux, revendiquent "une passion comme les autres". "Ce n’est pas les voitures qu’il faut attaquer", soupire un conducteur, avant d’ajouter : "Effectivement, ça pollue… Mais c’est un milliardième de la pollution journalière !"