Alors que la campagne de vaccination contre la Covid-19 est annoncée pour le 27 décembre en Europe, le centre de pharmacovigilance de Grenoble est déjà sur le pont. Ses spécialistes des effets indésirables seront chargés de recenser les effets secondaires.
Ils sont une dizaine de pharmaciens et de médecins à travailler au centre régional de pharmacovigilance de Grenoble, au sein du centre hospitalier universitaire. Au quotidien, ils recensent les effets indésirables des médicaments et des vaccins auprès des patients et des personnels de santé. En cas de complication sérieuse, ces experts mènent leur enquête pour identifier la source de l'effet secondaire grave.
Ce travail, qu'ils effectuent en lien avec l'Agence nationale de sécurité du médicament, a pris une nouvelle ampleur avec l'apparition de l'épidémie de Covid-19.
Vous pouvez maintenant retrouver notre FAQ #vaccins #COVIDー19 sur le site https://t.co/Iu0gExe2Ag du @MinSoliSante et du Service Public d'Information en Santé, à cette adresse https://t.co/popBUxySBH
— Soc. Française de Pharmacologie et Thérapeutique (@SFPT_fr) December 17, 2020
Des effets indésirables "bénins mais douloureux"
"On sent qu'il y a un bouillonnement, que tout le monde a envie d'avoir de l'information sur les vaccins ARN. Je pense que le gouvernement français et les autorités au niveau européen sont très transparents : on peut disposer aujourd'hui de toutes les données de Pfizer et d'une bonne partie des données de Moderna. Le système va être organisé pour que la remontée des effets indésirables soit centralisée et communiquée", explique le professeur Jean-Luc Cracowski, responsable du centre de pharamcovigilance de Grenoble. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a en effet annoncé que des rapports hebdomadaires sur les effets secondaires seraient publiés dès le début de la campagne de vaccination.
Certains effets "bénins mais douloureux" sont déjà connus, d'après ces experts qui ont épluché toute la documentation scientifique sur les essais cliniques. Le début de la vaccination au Royaume-Uni et aux Etats-Unis a également permis d'identifier des allergies.
"De la fièvre dans un cas sur cinq"
"On a maintenant un recul sur environ 80 000 personnes traitées. Ce sont des vaccins imunogènes, réactogènes, c'est-à-dire que quand on vous l'injecte, vous allez souvent avoir des douleurs à l'endroit où on vous l'injecte sur le bras, vous risquez dans un cas sur cinq d'avoir de la fièvre et dans un cas sur deux vous serez fatigués", indique le professeur Cracowski.
"Ce sont des symptômes assez courants dans tous les vaccins. Ils sont un peu plus importants avec tous les vaccins ARN parce que ce sont des vaccins plus puissants que les autres. Après, ces effets indésirables, nous allons les analyser en continu et un point sera fait toutes les semaines en France et au niveau européen pour informer le public sur ce que l'on connaît sur les effets indésirables potentiels de ces virus", poursuit-il.
Un cas grave sur un million pour le vaccin contre la grippe
A titre de comparaison, "il y a entre 10% et 40% des patients qui ont ces douleurs et oedèmes au point d'injection" suite à un vaccin contre la grippe, renchérit Marion Lepelley, pharmacienne au sein du centre régional de pharmacovigilance. "Ce sont des effets indésirables attendus, généralement bénins et qui disparaissent d'eux-mêmes sans séquelles", continue-t-elle. Un cas d'allergie grave pour un million de patients traités est recensé dans le cadre du vaccin contre la grippe.
? Nous avons actualisé le suivi des effets indésirables liés aux #médicaments pris dans le contexte du #COVID19
— ANSM (@ansm) December 16, 2020
? Découvrez les chiffres clé de #pharmacovigilance et les enquêtes conduites par les centres de Dijon et Nice@Reseau_CRPV
➕d'information: https://t.co/3sYhKIgQDg pic.twitter.com/Pg4eXE3xKf
Entre scepticisme et espoir : un Français sur deux prêt à se faire vacciner
Dans les rues de Grenoble, les avis sont partagés quant à la nécessité de se faire vacciner. "Moi je trouve que c'est un devoir, c'est indispensable, il faut que tout le monde le fasse", nous confie une retraitée. "J'aurais préféré le vaccin français mais vu qu'il n'est pas utilisable, je vais prendre celui qu'on va me proposer", dit-elle.
Un homme d'une quarantaine d'années se montre lui beaucoup plus sceptique. "Je n'irai pas me faire vacciner", nous dit-il. Pour lui, ce vaccin mis sur le marché très rapidement aux Etats-Unis ne serait pas fiable. "Je ne suis pas convaincu qu'il soit innoffensif. Il utilise des technologies qui n'ont encore jamais été utilisées sur l'être humain, la technologie par ARN-messager. Il a été développé extrêmement rapidement, il a été très très peu testé et il y a des enjeux financiers énormes derrière, donc je ne conseillerais pas à des personnes à risque de se faire vacciner".
La technologie ARN a un énorme avantage, parce que c'est une plateforme dans laquelle on injecte un gène, et on va avoir un vaccin sur mesure. C'est une technologie qui est porteuse de grandes promesses
L'ARN-messager, une technologie innovante...mais qui suscite la défiance
Cette technologie par ARN-messager utilisée par le vacicn de Pfizer-BioNtech n'est en effet pas la méthode traditionnelle et c'est la première fois qu'elle sera utilisée sur l'homme dans un vaccin. D'où une certaine défiance au sein de la population. Jean-Luc Cracowski y voit au contraire "une formidable avancée" et se veut rassurant.
"Cela a déjà été testé pour différents essais sur des êtres humains et cela a été développé dans le cadre du cancer par exemple mais aujourd'hui effectivement, c'est la première fois que l'on a des molécules qui vont arriver et qui vont être disponibles pour le grand public", explique-t-il.
"La technologie ARN a un énorme avantage, c'est que c'est une plateforme dans laquelle on injecte un gène et on va avoir un vaccin sur mesure, donc pour moi c'est l'inverse, c'est une technologie qui est porteuse de grandes promesses parce qu'elle sera là pour ce vaccin, pour ce virus et elle sera là probablement pour de futures épidémies si elles surviennent".
Notre dernier Canal Détox fait le point sur les #vaccins à ARN et sur leur développement au cours de cette année de pandémie de #COVID19 ??
— Inserm (@Inserm) December 14, 2020
➡️https://t.co/twwbVpaDAo pic.twitter.com/NqkWVHgXkt
Pour garantir le suivi du vaccin, le réseau des 31 centres régionaux de pharmacovigilance du pays et l'Agence nationale de sécurité du médicament réfléchissent à la mise en place d'outils pour recenser plus efficacement les effets indésirables.
Ce vaccin, c'est un formidable espoir, c'est le début de la fin de la pandémie.
Ainsi, les médecins vaccinateurs pourront faire des déclarations de réactions immédiates via un formulaire en ligne. L'envoi de SMS aux patients dans un délai de sept à quatorze jours pour signaler d'éventuels effets indésirables est à l'étude, ainsi que le développement en lien avec les Agences régionales de santé d'Ehpad sentinelles qui recenseraient de manière exhaustive les effets secondaires observés.
En attendant, des questions peuvent être posées aux spécialistes de Grenoble via la plateforme "Pharmacovid".
"Tous ceux qui se sont lancés dans des prédictions, jusqu'à présent, se sont trompés. Donc, je me garderai de prédire la fin de la pandémie. Je peux simplement dire que l'arrivée des vaccins signe la fin de la pandémie dans un délai qui va être de l'ordre de l'année. C'est un formidable espoir, c'est le début de la fin de la pandémie", conclut Jean-Luc Cracowski.
Vaccination à partir du 27 décembre
Ce jeudi, une date a été avancée pour le début de la campagne de vaccination anti-Covid. Elle devrait commencer dans l'Union européenne à partir du 27 décembre, d'après la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. L'Agence européenne des médicaments (AEM) a annoncé, de son côté, qu'elle se pencherait le 21 décembre - une semaine plus tôt que prévu - sur le sort du vaccin Pfizer-BioNTech.