Vaccins ARN anti-Covid : le professeur Bruno Lina répond aux questions que vous vous posez

Le gouvernement annonce une première campagne de vaccination à destination des personnes âgées résidents en Ehpad pour début janvier 2021. Une annonce qui soulève questions et peut-être inquiétudes. Le Professeur Bruno Lina, virologue à Lyon et membre du Conseil Scientifique, éclaire notre lanterne.

Le gouvernement annonce une première campagne de vaccination à destination des personnes âgées résidents dans les Ehpad pour début janvier 2021. Cela soulève -légitimement- de nombreuses questions : « comment peut-on avoir fabriqué un vaccin si vite ? » « Est-il efficace et sûr ? » « Combien de temps serons-nous immunisés ? »…

Entretien avec le Professeur Bruno Lina, virologue, et membre du comité scientifique.

►Un vaccin à ARN messager, c’est quoi ?


Bruno Lina : C’est un vaccin de nouvelle génération. Classiquement, un vaccin est fabriqué à partir du virus. Dans ces vaccins, très largement utilisés aujourd’hui, on  « inactive » ou « atténue » le virus (ndr: c’est-à-dire qu’on lui ôte ses propriétés pathogènes dangereuses, en conservant uniquement ses propriétés antigéniques), ou alors on casse le virus pour ne conserver dans le vaccin, que des morceaux de son enveloppe ; ces morceaux possèdent ses antigènes (des protéines de surface qui « hérissent » l’enveloppe du virus). Ce sont ces antigènes, présentés au système immunitaire qui vont permettre de créer des anticorps spécifiques pour se défendre contre le virus.
Ces nouveaux vaccins utilisent une nouvelle approche. Les laboratoires Pfizer/BioNTech et Moderna ont synthétisé en laboratoire un ARN messager du coronavirus. 
 
>> Pour mieux comprendre : petite explication simplifiée de virologie 
"L’ARN messager est une copie d’un morceau de code génétique de notre ADN, une sorte de « notice d’assemblage » qui permet à nos cellules de fabriquer des protéines utiles au bon fonctionnement de notre organisme. Quand le virus infecte nos cellules, il détourne la machinerie cellulaire à son profit, en utilisant son propre patrimoine génétique, et notamment le mécanisme des ARN messager. Il « ordonne » à la cellule qu’il a infecté, d’assembler SES protéines afin de se multiplier. Parmi ces « notices d’assemblage » virales, il y a celles qui servent à fabriquer l’antigène viral. C’est celui-ci qui sera reconnu par notre système immunitaire et qui lui permettra de fabriquer les anticorps spécifiques aux antigènes du virus."

Bruno Lina : L’ARN messager en question code la fabrication de l’antigène du Sars-CoV-2 et uniquement l’antigène. Grâce à cet antigène, le système immunitaire sera capable de générer des anticorps spécifiques et efficaces pour neutraliser le virus, si bien que si une personne vaccinée se retrouve exposée au virus, son organisme aura produit suffisamment d’anticorps pour empêcher le virus de se développer et de la rendre malade.
 

►Un vaccin fabriqué vite… trop vite ?

Bruno Lina : La synthèse d’ARN messager n’est pas un procédé nouveau. En fait, l’ARN messager est une petite molécule, très facile à fabriquer avec les techniques actuelles d’ingénierie biologique. D’ailleurs, les vaccins à ARN messager existent déjà et sont utilisés pour la vaccination animale. Mais ce sera, en effet, la première fois qu’ils sont utilisés sur l’Homme.
C’est vrai qu’ils ont été réalisés et testés très rapidement ; cela est dû à la facilité de production de ces ARN messagers, et au contexte d’urgence sanitaire. Toutefois, toutes les phases expérimentales habituelles ont été respectées ; c’est la période entre les phases qui a été accélérée.
 

>>Pour mieux comprendre : petite explication sur les phases expérimentales
Il existe 3 phases d’expérimentation sur l’Homme :
  • Phase I : test sur quelques volontaires sains pour vérifier l’innocuité du traitement et l’absence d’effets secondaires graves.
  • Phase II : test sur plusieurs centaines de malades. Cette phase sert à déterminer la dose optimale qui démontre une bonne efficacité du traitement.
  • Phase III : test sur plusieurs milliers de malades. Cette phase se fait en « double aveugle », une moitié de malade reçoit le traitement et l’autre moitié un placébo. L’efficacité du traitement est jugée en comparant les résultats du groupe ayant reçu le traitement versus les résultats du groupe ayant reçu le placébo.

Bruno Lina : Généralement, lors de l’expérimentation d’un nouveau traitement, entre chaque phase, on étudie les résultats pendant plusieurs mois, avant de lancer la procédure pour la phase suivante. Pour les vaccins contre le coronavirus, les laboratoires ont enchainé la phase suivante en même temps qu’ils analysaient la phase précédente. Du coup, les phases III ont débuté très vite… Dès cet été, des dizaines de milliers de personnes étaient déjà incluses dans une expérimentation de phase III.
 

►Ce vaccin est-il sûr et efficace ?


Bruno Lina : Pour Pfizer/BioNTech, la phase III concerne 40000 personnes et pour Moderna, 30000. Ce qui veut dire que pour Pfizer/BioNTech, 20000 personnes ont été vaccinées alors que 20000 ont reçu un placébo, et pour Moderna, ce sont 15000 vaccinés et 15000 placébo. Pour que l’étude soit jugée fiable, le nombre de personnes testées est très correct. Quant à l’efficacité, les laboratoires ont communiqué le chiffre de 95%. C’est très impressionnant par rapport à l’efficacité de nos vaccins classiques. Cela veut dire que sur 100 personnes ayant participé à l’étude, et qui ont par la suite contracté le Sars-Cov-2, 95 n’avaient reçu que le placébo et 5 le vaccin…
 

►Y-a-t-il eu des effets secondaires ?

Bruno Lina : Un vaccin est un traitement actif… On injecte une molécule qui induit une réponse immunitaire de la part de notre organisme. Il est normal que certains d’entre nous réagissent plus ou moins à cette sollicitation. La communication des laboratoires parlent de quelques effets secondaires chez 4 à 5% des sujets testés : quelques maux de têtes, petite poussée de fièvre ou sensation de brûlure au point d’injection… Rien d’anormal lors de l’administration d’un vaccin…


►Sait-on si on sera contagieux, même si on est vacciné, et combien de temps durera l’immunité?

Bruno Lina : Si on se vaccine, on est protégé (à 95%) contre le risque de développer une forme sévère de la maladie, mais c’est un virus qui se transmet par la respiration… On peut possiblement être protégé soi-même par le vaccin mais être tout de même porteur asymptomatique et transmettre le virus à son entourage… Quant à la durée de l’immunité, impossible de se prononcer… Pour la grippe, qui est un virus qui mute beaucoup, il est nécessaire de se vacciner tous les ans contre les différentes souches qui circulent… Pour le Sars-CoV-2, on ne sait pas encore… Il semble pour l’instant ne pas trop muter… Pour l’instant.

►Pourquoi les autorités sanitaires européennes et françaises n’ont-elles pas encore donné leur feu vert ?

Bruno Lina : pour l’heure, nous n’avons eu, de la part des deux laboratoires, aucune publication scientifique sur ces essais, mais uniquement des résultats préliminaires et le dossier de suivi des essais envoyés aux organismes de régulation (Agence Européenne du Médicament, Agence Nationale de Sécurité du Médicament). Lorsque nous aurons ces publications, les comités scientifiques européens et français les étudieront et donneront leur avis en complément de ceux des autorités de régulation. Ce vaccin doit avoir le même niveau de sécurité que tous les autres vaccins.

 
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