Érigée en symbole de la souveraineté sanitaire française retrouvée après le Covid, la future usine de production de paracétamol, attendue en Isère fin 2025, doit approvisionner la moitié du marché européen. Mais l'un de ses principaux clients, Sanofi, a annoncé négocier avec un fonds de pension américain la vente de la moitié de sa filiale médicaments.
Depuis quelques jours, c’est silence radio du côté des dirigeants de Seqens. Cette usine doit pourtant ouvrir fin 2025 sur la plateforme chimique de Roussillon, en Isère. Elle doit fabriquer du paracétamol et fournir les géants pharmaceutiques comme Sanofi, dont l’une des filiales commercialise le Doliprane.
Mais le groupe a annoncé vouloir vendre une partie de cette filiale santé, Opella, à un fonds d'investissement new-yorkais. "Il faut s'opposer à cette vente, et on peut le faire. Le code monétaire et financier permet de contrôler qui siège au capital des industries stratégiques", s'indigne Yannick Neuder, médecin et député de la 7e circonscription de l'Isère.
Relancer la production de paracétamol en France était l’une des priorités de l’Etat. Après la crise Covid, 30 millions d’euros de fonds publics avaient été débloqués pour soutenir le projet du groupe Seqens à Roussillon. "Concernant ce site, c’est une relocalisation que nous avons tous soutenue, avec un volume important d’argent d’Etat, soit 30 à 40 % d’aides publiques. Je souhaite que la chaîne de production ne soit pas impactée" poursuit l'élu isérois.
Pour le ministre de l’Economie, Antoine Armand, "le maintien de la production du Doliprane est une priorité sanitaire et industrielle". Il dit avoir "entamé des discussions" avec les parties prenantes en vue d'un accord spécifique sur des "engagements extrêmement précis", qui seront "assortis de garanties" et "de sanctions".
Le Haut-Savoyard a également évoqué "la possibilité d'un actionnariat public et d'une participation à la gouvernance dans le cadre de cet accord".
Je demande des garanties extrêmement fortes pour que le Doliprane continue d'être produit en France et soit accessible à tous les Français.
— Antoine Armand (@antoine_armand) October 13, 2024
Ces conditions, je les partagerai demain matin, avec @FerracciMarc, aux salariés et aux syndicats de l'usine de Lisieux.
Il faut dire que l'Etat joue gros sur ce dossier. En plus d'aides à l'investissement, Sanofi a bénéficié d'un milliard d'euros de crédit d'impôt recherche en 10 ans. "On ne peut pas être Français pour avoir des aides et Américain pour vendre le Doliprane, dénonce Yannick Neuder. Il faut se protéger des investissements étrangers. Ce n’est pas un bon message que d’autoriser cette vente de Sanofi à un fonds d’investissement américain qui, demain, voudra peut-être une production à bas coût en la délocalisant."
15 000 tonnes de paracétamol par an
En marge d'un déplacement au Mondial de l'auto à Paris, le président Emmanuel Macron a affirmé que le gouvernement avait "les instruments pour garantir que la France soit protégée" dans la perspective d'un changement au capital d'Opella.
"On s'est battu pour que le Doliprane soit reproduit en France et que l’on reproduise des molécules et des médicaments qui sont indispensables. Ensuite, il y a la propriété capitalistique. Et là, le gouvernement a les instruments pour garantir que la France soit protégée", a-t-il déclaré.
À Roussillon, la future chaîne de production devrait faire travailler 60 personnes. Conçue pour livrer 15 000 tonnes de paracétamol par an, elle est censée approvisionner la moitié du marché européen.