Le procureur général de Grenoble, Jacques Dallest avait préconisé la création de pôle judiciaire spécialisé aux "Cold Cases", ces crimes non élucidés. Ce sera chose faite au printemps prochain a annoncé, ce mercredi 12 janvier, le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti. En Isère et dans les Savoie, de nombreux dossiers sont concernés.
"En France, la culture du "cold case" n’est pas encore très développée", explique Jacques Dallest le procureur général de Grenoble qui a présidé la commission nationale sur ces affaires non élucidées. "Les magistrats sont souvent submergés par de nombreuses affaires judiciaires. Il est donc difficile, pour lui, de se plonger dans des affaires anciennes. Je fais toujours le parallèle avec un interne à l’hôpital, qui serait toujours pris par les urgences, et qui n’a pas le temps de se consacrer aux pathologies plus lourdes…"
A l'issue de cette commission, Jacques Dallest a rendu un rapport avec un certain nombre de propositions. Aujourd'hui, le gouvernement choisit d'agir et de concrétiser ce travail.
Un pôle judiciaire dédié "aux crimes en série et non élucidés" sera lancé le 1er mars à Nanterre pour "permettre à ces dossiers de rester judiciairement vivants", a annoncé, ce mercredi 12 janvier, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti dans un entretien à 20 Minutes.
"Rester vivants judiciairement"
Pas moins de 240 dossiers en cours pourraient être confiés aux trois juges d'instruction, au premier vice-président et deux vice-présidents qui intégreront ce pôle consacré aux "cold cases".
Ces magistrats seront "détachés à 100 %" à cette entité basée à Nanterre, dans le ressort de la cour d'appel de Versailles, et prévue par "la loi renforçant la confiance dans l'institution judiciaire", promulguée en décembre, précise le ministre.
Le nouveau pôle doit permettre à ces dossiers "de rester vivants judiciairement et d'offrir une réponse aux victimes", ambitionne Eric Dupond-Moretti.
Le temps qui passe est le plus mauvais ennemi de l'élucidation d'une affaire.
Eric Dupont-Moretti, ministre de la Justice.
"Dans les cabinets d'instruction, les juges exercent pour un temps limité et sont ensuite remplacés par des collègues. On voit ainsi dans les très longs dossiers, les dossiers complexes, trois ou quatre magistrats qui se succèdent", explique-t-il.
Or, "le temps qui passe est le plus mauvais ennemi de l'élucidation d'une affaire, parce que parfois les témoins vont vivre ailleurs, parce que la mémoire s'estompe, pour mille raisons", ajoute le garde des Sceaux.
De l'affaire Grégory au quadruple meurtre de Chevaline
"Les magistrats instructeurs auront toute la liberté de poursuivre avec les enquêteurs initiaux ou de saisir un service spécialisé dans les crimes non élucidés, comme la division Diane à Pontoise. Une cosaisine avec les enquêteurs initiaux et les services spécialisés est aussi tout à fait possible", détaille-t-il.
Concernant la conservation des scellés, question parfois clé dans la non résolution de certaines affaires, le ministre indique qu'une "attention bien particulière sera apportée à la fois à la conservation de ces pièces mais aussi à leur utilisation et à leur exploitation".
Dans le détail, la France compte 173 crimes non élucidés pour lesquels la justice est saisie et 68 procédures de crimes sériels, selon le garde des Sceaux.
Parmi les plus médiatiques, l'affaire Grégory Villemin, ce garçonnet retrouvé mort dans la Vologne (Vosges) en 1984, le quadruple meurtre de Chevaline (Haute-Savoie) en 2012 ou encore la disparition il y a dix-neuf ans d'Estelle Mouzin, affaire dans laquelle huit magistrats se sont succédé sans oublier le dossier des disparus de l'Isère.