Center Parcs de Roybon, nouvel acte. Pour la troisième fois en six mois, la Justice se penche, ce jeudi 2 juillet, sur la légalité du projet controversé de village de vacances isérois. A la clé, une possible évacuation des militants qui bloquent le chantier depuis décembre.
Le tribunal administratif de Grenoble doit examiner six requêtes émanant de trois associations opposées au projet de mille cottages avec bulle tropicale, qui doit voir le jour sur 200 hectares au coeur de la forêt des Chambaran. Ces associations contestent la légalité de deux arrêtés pris par le préfet de l'Isère. Des arrêtés qui ont fait office de feu vert au démarrage des travaux: l'un autorise le projet au titre de la loi sur l'eau tandis que l'autre permet la destruction de l'habitat d'une cinquantaine d'espèces protégées (amphibiens, reptiles, écureuils, écrevisses...).
Le 23 décembre dernier, le juge des référés, saisi en urgence, avait décidé de suspendre l'arrêté portant sur le volet "loi sur l'eau", en estimant qu'un doute existait quant à sa légalité. Le juge avait notamment justifié sa décision par l'insuffisance des mesures prévues par l'arrêté pour compenser la destruction de zones humides. Saisi par le groupe Pierre & Vacances, à l'origine du projet, le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative française, a invalidé cette décision à la mi-juin, rejetant les motivations avancées par le juge de première instance.
Le fond du dossier
Le tribunal doit maintenant se pencher sur le fond du dossier et évaluer chacun des éléments factuels soumis au débat par les différentes parties (préfecture, associations, Pierre & Vacances)."Comme le Conseil d'Etat nous a donné raison, je ne vois pas comment le tribunal administratif pourrait dire que le projet est illégal", estime Christian Luciani, président de l'association Vivre en Chambaran, qui défend le projet avec entrain. Avec quelques partisans, il doit se rendre devant le tribunal pour "montrer qu'on est présent", tout en prônant "l'apaisement" autour de ce dossier qui a agité la vie locale.
"Ce serait une vraie mascarade, un très mauvais signal à l'approche de la COP 21", la conférence sur le climat à Paris, ajoute-t-il.
L'expulsion des "zadistes"
En cas de victoire de Pierre & Vacances, le préfet a d'ores et déjà prévenu qu'il ferait expulser la "ZAD" (zone à défendre) érigée par des militants hostiles au projet dès le mois de juillet. Les "zadistes", installés dans une maison à proximité du chantier, empêchent l'avancement des travaux depuis début décembre. Une fois l'évacuation terminée, "des travaux de clôture seront engagés très rapidement" pour empêcher les zadistes de revenir, a précisé le préfet.Récit Marion Feutry
Quoi qu'il arrive, les travaux ne pourront pas reprendre avant octobre, une fois passée la période de reproduction des espèces protégées. Quarante hectares de forêt sur les 80 prévus doivent encore être défrichés avant d'attaquer les constructions.
Le futur village de vacances doit à terme accueillir 5.600 personnes et créer 468 postes "équivalent temps plein". Il prévoit la construction de cottages, commerces et restaurants autour de l'"Aquamundo", une bulle transparente maintenue à 29°c, avec piscine, jacuzzi...
Lancé en 2007, le projet a fait l'objet de nombreux recours visant le permis de construire, l'autorisation de défrichement ou le plan local d'urbanisme.
Le rapporteur public favorable à l'annulation du projet
Mardi 30 juin, le rapporteur public du tribunal administratif a fait connaître ses conclusions: il va demander l'annulation de l'arrêté "loi sur l'eau", ont indiqué plusieurs parties au dossier, confirmant une information de France Bleu Isère. Le tribunal n'est pas tenu de suivre ses conclusions."C'est une nouvelle qui nous satisfait", s'est réjoui Christian Brély, président de la fédération des pêcheurs de la Drôme, qui a déposé deux recours.
Pierre & Vacances n'a pas souhaité faire de commentaire. Une victoire du groupe touristique signifierait pour les opposants "qu'on peut faire n'importe quoi n'importe où en France, que la loi sur l'eau ne sert à rien", a dénoncé Stéphane Péron, président de PCSCP.