En Auvergne-Rhône-Alpes comme partout en France, les hôpitaux sont sous pression depuis la crise du COVID 19. Mais voilà des années que les professionnels de santé ont alerté les décideurs. Comment les différentes réformes ont-elles modelé ces établissements essentiels dans notre système de santé ?

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La crise du COVID 19 les mis au cœur de nos sociétés, les hôpitaux français sont sous pression depuis maintenant un an. Les établissements d’Auvergne-Rhône-Alpes n’échappent pas à la règle.
 

Un maillage territorial

En Auvergne-Rhône-Alpes, le système hospitalier public est organisé autour de 4 Centres Hospitaliers Universitaires à Clermont-Ferrand dans le Puy-Dôme, à Grenoble-Alpes en Isère, aux Hospices Civils de Lyon dans le Rhône, et le CHU de Saint-Etienne dans la Loire, Chaque CHU pouvant compter plusieurs établissements. La région est ensuite découpée en 15 Groupements Hospitaliers de Territoires qui comportent tous un établissement support ayant le rang de Centre Hospitalier. C’est ainsi que 126 établissements, dont 6 centres spécialisés en psychiatrie, assurent un maillage territorial où un malade ne devrait pas se trouver à moins de 30 minutes d’un lieu de soin. Si cela doit garantir une prise en charge rapide, les restructurations et fermetures de services ces dernières années ne permettent plus de disposer partout de toutes les spécialités.
 

De la Dotation Générale à la Tarification à l’Activité

Pour certains observateurs, la mauvaise santé des hôpitaux serait due à la réforme de leur financement et à l’adoption à partir de 2005 de la Tarification à l’Activité, aussi dénommée T2A. Auparavant, le budget d’un hôpital versé sous la forme de Dotation Générale était déterminé par son budget de l’année précédente, avec des correctifs souvent minimes ce qui n’avait pas été jugé propice à une adaptation à la réalité de la demande de soin et apparaissait comme générateur de gaspillage. Depuis l’instauration de la T2A, c’est l’activité qui détermine la somme versée par l’Assurance Maladie. Chaque acte médical est répertorié dans un long fichier de plusieurs milliers de lignes où sont pris en compte les Groupes Homogènes de Malades et les Groupes Homogènes de Soins. Il en résulte des codes que doivent déclarer les médecins : c’est le fameux codage des actes. Or la complexité du système est souvent décriée. On lui reproche aussi d’inciter à la prise en charge des patients les plus lourds ou au développement d’actes compliqués, bien plus rémunérateurs que la simple bobologie.

Une situation financière qui s’améliore

En 2018, la situation financière des hôpitaux publics s’améliore par rapport à 2017, mais reste déficitaire, d’après la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques). La DREES indique : « Le déficit total du résultat net atteint 569 millions d’euros en 2018 (après 740 millions en 2017). La rentabilité nette, ratio qui rapporte le résultat net (excédent ou déficit) aux recettes, suit la même tendance, et s’établit à -0,7 %, après -0,9 % en 2017. L’Assurance maladie finance près de 55 milliards d’euros, soit 1,9 % de plus qu’en 2017, principalement par le versement des recettes de la tarification des séjours, des forfaits et des dotations. Les autres ressources, retraçant la participation des assurances complémentaires et des patients aux soins hospitaliers, augmentent de 2,2 % pour s’établir à 5,5 milliards d’euros en 2018. Enfin, les autres recettes augmentent de 2,9 % pour atteindre 10,7 milliards d’euros. Elles correspondent, par exemple, aux prestations non médicales en direction principalement des patients et accompagnants, aux subventions d’exploitation et des fonds reçus dont, notamment, le Fonds pour l’emploi hospitalier (FEH) et le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), ou encore des recettes exceptionnelles liées à des cessions d’immobilisations ». La DREES poursuit : « En 2018, les dépenses du secteur public sont estimées à 81 milliards d’euros, dont 88 % comptabilisés en budget principal. La diminution continue de l’effort d’investissement favorise la modération de l’encours de la dette des hôpitaux publics. Celui-ci se stabilise à 29,5 milliards d’euros en 2018 (29,7 milliards d’euros en 2017), dans un contexte où les enveloppes nationales dédiées à l’investissement sont placées sous forte contrainte. Exprimé en pourcentage des recettes, l’encours de la dette des hôpitaux publics a atteint un point haut en 2013 (39,9 %). Depuis, il recule lentement mais régulièrement, pour s’établir à 36,8 % des recettes en 2018 ».
 

L’exemple d’une dérive : l’hôpital des Vals d’Ardèche

L’argent n’est pas le seule ressource qui semble manquer dans nos hôpitaux publics, le personnel est aussi un point critique dans les établissements. Si les CHU implantés dans les grandes villes, aux portes des universités de médecine et proposant des évolutions de carrières rencontrent moins de difficultés à recruter du personnel, les « petits » hôpitaux périphériques, dans des villes de taille moyenne peuvent se trouver en difficulté, preuve que la question des déserts médicaux ne touche que les territoires ruraux. Ainsi avant 2017, l’hôpital des Vals d’Ardèche à Privas s’est trouvé en manque de médecins. Pour assurer le service et la sécurité des soins, on a eu recours à des remplaçants, parfois qualifiés de mercenaires, dont les gardes de 24 heures sont rémunérées jusqu’à 2500 euros net (jusqu’à 5000 euros bruts). C’est une des raisons qui ont entrainé un déficit de  2,4 millions en 2017 puis 4,4 millions en 2018. Cela a conduit l’Agence Régionale de Santé à placer l’hôpital sous administration provisoire « devant une situation financière très dégradée tant sur le plan organisationnel, managérial et financier que sur le plan de la qualité et sécurité des soins dans un contexte de recrutement médical difficile et d’activité faible » comme indiqué dans un communiqué de presse du 25 septembre 2019.

Des mesures de restructuration ont été mises en place, l’offre médicale a été reconstruite et réorganisée dans le cadre d’un projet de santé avec comme conséquence la fermeture de la maternité qui n’assurait plus que 200 naissance par an et les bébés sont priés de bien vouloir naitre à Montélimar, Valence ou Aubenas.

L'état de santé de nos hôpitaux, on en parle mardi 30 mars à 18h30 dans l'émission "On décode" sur les antennes télévisées de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. Vous pouvez poser vos questions ou réagir en utilisant le formulaire ci-dessous. 

 

Les hôpitaux en manque de moyens : « C’est un choix politique qui est fait, c’est combien la nation souhaite consacrer à sa santé »

François Dumuis, consultant en gestion de la santé et ancien directeur de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, était sur le plateau de l’émission « On décode » sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, mardi 30 mars à 18h30. Il a expliqué comment sont gérés les hôpitaux et leurs missions.

La situation que l’on connait actuellement était-elle évitable ?

"Comme souvent en France, on n’a pas une grande culture de l’anticipation, et surtout de l’anticipation des sujets logistiques. Ce n’est pas forcément propre à l’hôpital, d’ailleurs, vous pouvez retrouver ça dans d’autres services publics. En revanche, ce que je pense, c’est que l’hôpital manque de moyens depuis un certain temps, pour une raison simple : l’arbitrage politique et économique. Un arbitrage entre ce que vous décidez d’affecter aux dépenses de santé, qui sont les recettes des hôpitaux, je rappelle que chaque dépense d’un citoyen, aujourd’hui, pour sa santé, c’est en fait une recette pour les acteurs du système de santé, donc un arbitrage entre ces dépenses et ce qu’il faut faire pour investir. Un hôpital est obligé d’investir chaque année s’il veut se maintenir à la tête du progrès médical. Il est obligé d’engranger des sommes considérables pour ça. Cet arbitrage devient de plus en plus difficile à faire."

Tous les hôpitaux ne se valent pas, êtes-vous de cet avis ?

"Tous les hôpitaux n’ont pas la même mission. Un CHU a pour mission de soigner mais aussi de former des médecins, d’enseigner et de chercher. Un centre hospitalier général va avoir pour mission de gérer des urgences, de gérer des accouchements, de gérer des interventions en chirurgie et puis vous allez avoir des hôpitaux plus spécialisés dans le soin de suite, par exemple l’hôpital Etienne Clémentel, près de Clermont-Ferrand. Vous allez aussi avoir des hôpitaux locaux plus orientés vers la gériatrie avec beaucoup de lits d’EHPAD et quelques lits de médecine pour soigner des patients plutôt âgés. Ces hôpitaux ont tous une vocation différente et l’intérêt des groupements hospitaliers de territoire, c’est de leur apprendre à travailler en réseau. Ça me parait être un signe très positif pour l’avenir à condition que chacun sache y trouver sa place."

Question d'un téléspectateur : Pourquoi le secteur financier et administratif l’emporte sur la qualité des soins ?

"Je ne pense pas qu’on puisse dire ça comme ça. L’hôpital, c’est une alliance entre des soignants et des médecins d’un côté et une direction administrative qui est en charge de la responsabilité financière globale de l’établissement. La liste des 3 000 quotations différentes de T2A (tarification à l’activité NDLR), il faut des techniciens pour les remplir. Ça ne va pas être nécessairement des soignants ou des médecins parce que eux, ils sont dédiés au soin. L’un des gros sujets aujourd’hui, c’est d’arriver à redonner du temps médical aux soignants pour faire leur métier de base mais en même temps, qu’ils prennent conscience des enjeux financiers. Vous pouvez très bien soigner les gens, si vous oubliez de quoter, vous n’avez pas de recettes. Le point de départ, c’est un choix politique qui est fait, c’est combien la nation souhaite consacrer à sa santé. Après, ce sont des clefs de répartition très technocratiques dans lesquelles les établissements doivent mettre un peu de savoir-faire de technicien, ce qui n’est pas le rôle des soignants."

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