La Déclaration d'Utilité Publique de l'autoroute A45 est caduque le 16 juillet à minuit. Les opposants et les partisans du projet s'affrontaient depuis 27 ans. Les premiers se réjouissent. Les seconds sont consternés.
Ils se retrouvent aujourd'hui pour dire : "et après, que fait-on ?"
Le délai de validité de la Déclaration d'Utilité Publique de l'A45 expirait ce jeudi 16 juillet à minuit. Le projet d'une liaison Autoroutière entre Saint-Etienne et Lyon est de ce fait définitivement abandonné. Si la chose était entendue depuis plusieurs mois, le débat entre partisans et opposants n'est pas terminé pour autant. La question des transports et des déplacements entre la Loire et la métropole lyonnaise reste entière. Et la crise du Covid-19 a remis au centre des préoccupations la question du local, en l'occurrence celle du développement de la Vallée du Gier.
La présidente de l'association "Sauvegarde des Coteaux du Jarez" ne cache pas sa satisfaction. "C'est la fin d'une lutte qui dure depuis 27 ans" précise-t-elle d'emblée. "Pour nous, c'était le monstre du Loch Ness, un coup je te vois, un coup je ne te vois plus". Julia Lourd a pris la tête de ce collectif en 2000. En vingt ans, elle a connu des grands espoirs et des profondes déceptions."Ça fait une génération qu'on ne fait rien pour cette vallée."
La principale ? La signature de la déclaration d'utilité publique, justement. Un recours avait été déposé et était monté jusqu'au Conseil d'Etat. "En tant que citoyens, on considérait que nos arguments ne pouvaient qu'être acceptés. Les chiffres du dossier d'enquête publique étaient là et parlaient d'eux-mêmes". La validation de la DUP a été jugée incompréhensible par les militants opposés à ce projet d'autoroute.
Le vrai moment d'espoir alors ? La nomination de Nicolas Hulot au ministère de l'écologie en 2017. "Là, on s'est dit que c'était bon, qu'il ne pouvait qu'abandonner le projet". Espoir rapidement déçu, "quand nous nous sommes aperçus qu'il avait pieds et poings liés".
La première réaction côté partisans de l'A45 ? "Le dépit, le regret du gachis de ce dossier long, difficile, compliqué et surtout coûteux." Le président de la Fédération BTP de la Loire, Thierry Vidonne, ne mâche pas ses mots. "Toutes les études avaient été réalisées..."
"...Il ne manquait que la signature du ministre. C'est l'Etat qui n'a pas respecté sa parole"
"La forme a été assez désagréable, Madame Borne (ministre des Transports de 2017 à 2020) n'a jamais daigné venir nous voir, c'est inadmissible", affirme-t-il. "Par ailleurs, Nous n'avons pas été aidés par l'absence de consensus politique au niveau régional, en particulier côté lyonnais". Pour lui, l'abandon du projet pénalisera le pôle métropolitain au sens large, voire la Région Auvergne Rhône-Alpes. Elle a besoin à ses yeux d'axes de communication au delà de la liaison Lyon-Saint-Etienne, "il faut relier nos grands territoires au reste de l'Europe, ce sujet là reviendra !"
L'A45, c'est fini, et après ?
La fin du projet autoroutier ne signifie pas la fin du combat citoyen pour les associations mobilisées depuis 1993. "On ne fait pas l'A45 c'est bien, mais on n'a pas résolu le problème pour autant" renchérit Julia Lourd. L'abandon du projet vient, selon elle, à point nommé pour poser la question du développement de la vallée du Gier. Le projet, fondé sur une volonté de relier deux métropoles, ne répondait pas à la bonne question à ses yeux. C'est bien la question des déplacements locaux qui doit, selon elle, être mise sur la table. Elle réclame le développement d'un réseau de transports en commun dans la vallée du Gier, entre Saint-Etienne et Rive-de-Gier au minimum. L'objectif : enlever de l'A47 les voitures qui constituent le trafic local pour laisser la place au trafic régional ou national. Mais aussi "revivifier cette vallée et un système de transports en commun serait un gros plus pour ce développement économique" précise-t-elle."75% du trafic est du cabotage, pas des déplacements entre Lyon et Saint-Etienne"
Thierry Vidonne note de son côté qu'une alternative à l'A45 est déjà à l'étude. "On parle d'un second grand pont sur le Rhône à Givors, un pont qui aurait dû être le début de l'histoire." Et puis il y a les crédit que les collectivités locales réservaient au projet d'autoroute. "Ils doivent être mis à disposition de la relance dont nous avons besoin dans le BTP", plaide le président de la Fédération départementale. Le premier semestre 2020 a été marqué par un grand coup de frein sur tous les projets, "les élections, le Covid-19, l'abandon des permis de construire, les dossiers mis en attente par les collectivités territoriales, l'activité a été stoppée, il faut relancer la machine." Des décisions sont attendues de la part de Saint-Etienne Métropole et du Département de la Loire, qui avaient prévu d'investir 131 millions d'euros chacun sur l'A45.
Le monde économique ligérien s'est lui aussi constitué en collectif, regroupant les organismes interprofessionnels, les chambres consulaires et les branches industrielles.
Alors engager une concertation avec les opposants ? "Pourquoi pas ? On divergeait sur les moyens, on pourrait rencontrer les interlocuteurs représentatifs pour progresser sur ce dossier", note Thierry Vidonne. Les collectifs citoyens espèrent eux être reçus en Préfecture de Région pour faire entendre leur voix. Le dialogue pourrait être plus direct.
"On n'a pas forcément besoin de l'Etat, en tout cas dans un premier temps"
Le message est clair, le dossier est remis à plat.
Pour l'heure, aucune discussion n'est prévue. Pour se faire entendre, les opposants à l'A45 se rassemblent dès le samedi 18 juillet au-dessus de Saint-Chamond, là où aurait dû passer l'autoroute. Les élus et les représentants de toutes les associations qui ont combattu le projet sont attendus pour ce qui sera une cérémonie de funérailles symboliques et peut-être le coup d'envoi d'une nouvelle façon d'aborder la question de la liaison entre Saint-Etienne et Lyon par la Vallée du Gier.