"C'est un coup de poignard terrible porté à Saint-Etienne". Jean-Jacques Rey, un entrepreneur local qui a participé à la vie politique municipale jusqu'en 2014, se désole de l'"affaire misérable, très bas de gamme" qui agite sa ville depuis trois mois.
Nourrie par la récente tentative avortée du maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, de bloquer une publication de Mediapart et par l'annonce par Laurent Wauquiez (LR) d'une plainte pour "diffamation", l'affaire de chantage à la sextape suscite amertume et divisions.
On ressent de la colère d'avoir des élus capables de faire des conneries pareilles
s'exclame un autre chef d'entreprise.
"Il faudrait pour Saint-Etienne que ce soit vite réglé par la justice et par les personnes concernées", dit ce quinquagénaire en refusant de donner son nom.
Les magistrats de Lyon travaillent dans la plus grande discrétion sur l'enquête judiciaire pour "chantage" ouverte fin août après une plainte de l'ex-premier adjoint municipal de Gaël Perdriau, Gilles Artigues, qui accuse nommément le maire de l'avoir piégé avec une vidéo où on le voit se faire masser par un escort boy dans une chambre d'hôtel.
Gaël Perdriau, lui, a répété cette semaine devant son conseil municipal qu'il comptait rester en fonction même en cas de mise en examen, en invoquant la présomption d'innocence. Mais il semble de plus en plus isolé, depuis son exclusion de LR.
Ces derniers jours, les appels à la démission ont fusé dans les rangs de son opposition (socialistes, LFI, PCF et Verts), mais aussi au sein de sa majorité. Certains de ses soutiens traditionnels commencent à le lâcher, d'autres se taisent, rares sont ceux qui expriment leur soutien.
Réunion de crise prévue lundi
Les premières salves sont venues des trois candidats à la présidence de LR, Bruno Retailleau, Aurélien Pradié et Eric Ciotti. A suivi, un communiqué virulent signé par 25 élus de la Loire. Une initiative menée sous l'impulsion du président du conseil régional LR Laurent Wauquiez, selon plusieurs sources jointes par l'AFP.
Ce texte affirme que Gaël Perdriau, également président de la métropole de Saint-Etienne, "a définitivement sombré dans l'infamie et la honte" et "doit quitter ses mandats dans les meilleurs délais".
Parmi les signataires, quatre députés (trois LR, un Renaissance) quatre sénateurs (deux LR, un PCF, un PS), le président LR du conseil départemental de la Loire, des maires et présidents d'intercommunalités, ainsi que la quasi-totalité des conseillers régionaux élus sur la liste Wauquiez.
Dans la foulée, sept des 47 conseillers municipaux de la liste Perdriau ont à nouveau appelé le maire "au sens des responsabilités", après l'avoir lâché en septembre. "Après toutes les révélations le concernant plus consternantes les unes que les autres, est-il encore crédible pour défendre les intérêts de notre ville?", dit leur communiqué.
La fronde gronde aussi chez plusieurs maires qui siègent à la Métropole de Saint-Etienne, alors que le conseil métropolitain doit se réunir jeudi (53 communes, 123 conseillers, 405.000 habitants).
Une réunion de crise de l'exécutif métropolitain va se tenir lundi 5 décembre à la demande des deux vice-présidents communistes - les maire d'Unieux Christophe Faverjon et de Rive-de-Gier Vincent Bony - en lien avec "les nouveaux éléments apparus cette semaine", avec le référé de Mediapart et la plainte de Laurent Wauquiez.
Hervé Reynaud, le maire LR de Saint-Chamond et premier vice-président de la Métropole, lui, exige une "clarification de la gouvernance". A défaut, il refusera de présider à nouveau le conseil métropolitain, comme il l'avait fait fin septembre quand Gaël Perdriau s'était mis en retrait de ses fonctions représentatives.
"Sur le plan institutionnel ça devient intenable (...) Gaël Perdriau va sûrement être mis en minorité car de nombreuses rancœurs et inimitiés resurgissent, l'ambiance est plombée, à l'extérieur on est la risée de tout le monde", a-t-il dit à l'AFP.
"Le statu quo politique parait difficile mais il y a peu d'alternative car il n'y a pas d'autre leader naturel qui se dégage", s'inquiète pour sa part Vincent Joffre, le président de "Mon parti Saint-Etienne", l'association de soutien à l'action du maire. Selon lui, "de nouvelles élections risqueraient de changer la donne" en profitant à la gauche.
Avec AFP