Après le 7 janvier 2015, des milliers de personnes se réunissent, dessinent et partagent un même message : "Je suis Charlie". Partout en France, l'attentat contre Charlie Hebdo engendre une vague d'expression spontanée. Une partie de ce mémorial éphémère stéphanois a été transmis à Harvard.
Quatre jours après l'attaque terroriste qui a fait 12 morts au sein de la rédaction du journal Charlie Hebdo, 60.000 personnes se rassemblent, le 11 janvier 2015, sur la place de l'Hôtel de Ville, à Saint-Etienne pour un deuil collectif.
L'attentat provoque une vague d'expression inédite en France. Des dessins, quelques mots inscrits sur un bout de papier ou de carton, sont laissés par des centaines d'anonymes sur les lieux de rassemblement.
Au lendemain des attentats de Charlie Hebdo et de l'hypermarché Casher, le directeur des archives municipales de Saint-Etienne a l'idée de préserver une centaine des messages et dessins laissés par des anonymes ligériens. Parmi ces pièces originales : un foulard scout signé des éclaireurs et éclaireuses de la Loire, de multiples messages "Je suis Charlie" et des représentations d'un crayon baignant dans une marre de sang.
Notre mission est de conserver les traces de ce qui se passe à Saint-Etienne, explique Cyril Longin, le directeur des archives municipales. Et là, il était évident qu'il se passait quelque chose de particulier. 60.000 personnes manifestant leur effroi et leur attachement à la liberté d'expression, effectivement, cela n'arrive pas tous les jours dans la Loire.
Cinq ans plus tard, ces documents, rassemblés par les archives municipales de Saint-Etienne, ont été transmis à l'université d'Harvard aux Etats-Unis.
D'un mémorial éphémère à un mémorial numérique
"Charlie s'est fait un sang d'encre", "Le terrorisme n'a pas de religion"... Cette expression spontanée, à la charge émotionnelle hors du commun constitue un mémorial éphémère comme le qualifie Cyril Longin. Messages, dessins ont été récupérés, séchés, mis à plat puis numérisés pour être mis en ligne, au premier anniversaire de l'attentat, dans le cadre d'une exposition numérique.
Saint-Etienne fait partie des trois villes françaises avec Rennes et Toulouse qui ont eu l'idée de préserver ces pièces inédites dans leurs archives. Un fond qui intéresse les chercheurs. Des universitaires de Paris, travaillant sur ce nouveau mode d'expression, ont ainsi pris contact avec les archives municipales stéphanoises.
Une convention a également été signée avec l'université d'Harvard, près de Boston aux Etats-Unis. Pour que ces dessins d'anonymes ligériens, ces messages et images numérisés soient fournis aux universitaires américains qui, eux, travaillent à "un mémorial numérique".