Effondrement quartier Monthieu : cinq choses à savoir sur les risques miniers à Saint-Etienne

Le 3 mars 2021, un trou d'au moins 15 mètres de profondeur s'est formé dans le quartier Monthieu de Saint-Etienne. L'affaissement lié au passé minier de la ville a occasionné des dégâts sur du bâti. Saint-Etienne, cité gruyère ? Peut-on construire au-dessus des puits et des galeries ? Décryptage.

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Carole Christophe, responsable du pôle Risques sanitaires des sols et sous-sols, à la DRÉAL d'Auvergne-Rhône-Alpes. La Direction régionale de l'environnement et de l'aménagement est chargée de veiller à la maîtrise des risques et des impacts liés à la fermeture des anciennes installations minières.

Comment un trou de 15 mètres de profondeur a pu brusquement se former comme à Saint-Etienne le 3 mars dernier ? Que dit le rapport d'expertise ? Qui va réparer les dégâts ? Et quelles conséquences sur les constructions à venir ? Sur le territoire stéphanois, le passé minier a été intense : jusqu'à 50 kilomètres de galeries auraient été creusées dans le sous-sol. Voici cinq choses à savoir sur le risque minier à Saint-Etienne. 

1- L'effondrement du 3 mars 2021 est bien d'origine minière

Ce 3 mars 2021, ce n'est pas le puits Robert lui-même qui s'est effondré, mais vraisemblablement un ouvrage technique associé, selon Carole Christophe. "Il pourrait s'agir d'une galerie servant à évacuer les eaux ou permettant le renouvellement d'air pour les mineurs. En tout état de cause, cet effondrement bien lié à un ouvrage minier".

L'effondrement observé est tout à fait caractéristique d'un effondrement localisé lié à la rupture d'un puits.

Le puits Robert est assez mal documenté dans les archives mais il serait cependant très proche - "à une quinzaine de mètres - de l'endroit où on a observé la rupture" d'après la spécialiste. Ce puits considéré comme majeur ferait à peu près 600 mètres de profondeur, pour un diamètre de 3 mètres. 

Pourquoi cet effondrement ? Si le phénomène est loin d'être inédit pour Saint-Etienne et sa région, la cause exacte de cet effondrement n'est pas encore déterminée. "On ne connaît pas encore les raisons de ce phénomène appelé "débourrage". Vu la profondeur de ce puits, il est très vraisemblable qu'il n'a pas été complètement remblayé ". Le vide d'au moins 15 mètres en serait bien la preuve.
Parmi les explications données par Carole Christophe : des remblais qui ont pu s'effriter un peu, sur les côtés. Le phénomène serait lié à la tenue des terrains avoisinants. Ces derniers peuvent bouger avec le temps. Ainsi, avec la circulation d'eau, ils vont s'écarter un peu et les remblais peuvent alors coulisser.
Enfin autre hypothèse selon la spécialiste : il y avait un "bouchon" qui avait été mis en surface et qui peut se désagréger ou glisser quand les terrains s'écartent un peu. "Mais cette dernière thèse est peu probable car il n'a pas retrouvé de restes d'ouvrage maçonné en surface."

Ce puits aurait été creusé dans les années 1800. Il a été exploité pendant au moins 100 ans. Si l'exploitation s'est arrêtée à cet endroit en 1969, ce puits ne serait plus en fonctionnement depuis une centaine d'années. D'après la spécialiste, il pourrait avoir été arrêté plus tôt "en raison de problèmes de départs de feu, du fait de la présence de couches de charbon. Et surtout des problèmes de circulation. Le puits était régulièrement ennoyé. Même si à l'époque il y a eu une mise en sécurité, avec le temps celle-ci se serait dégradée."

2- Des localisations de puits anciens parfois incertaines

Savait-ont qu'il y avait un puits à l'endroit de cet effondrement ? Carole Christophe n'est pas formelle. "Le bassin stéphanois est connu pour ses travaux miniers. Il y a donc potentiellement un certain nombre de puits et de galeries. Malheureusement, ils ne sont pas tous bien documentés, ils ne sont pas tous très bien localisés. Un certain nombres de puits et galeries ont été référencés par Charbonnages de France qui a repris les exploitations". Mais il y a deux problématiques.

Dans le cas du puits Robert, il y a eu une succession d'exploitants qui documentaient les choses comme ils le pouvaient. Dans les années 1800, les plans étaient tracés à la main et comportaient des imprécisions. "En cas de changement d'exploitant, les informations n'étaient pas forcément bien retransmises." Et elle précise : "Quand Charbonnages de France a récupéré toutes ces exploitations, il a essayé d'avoir une information la plus exhaustive possible, mais ce n'était jamais très complet et il y avait toujours cette incertitude de la localisation. Oui, on sait qu'il y a des puits. Mais des fois c'est à 20, 30, ou 50 mètres près".  
 

► Quid des bâtiments touchés par cet effondrement? Pourquoi ont-ils été bâtis sur ces zones à risques ? Ces bâtiments ont pu être construits à la fin des années 1980, d'après Carole Christophe. "A cette époque, ce que l'on appelle maintenant les cartes des aléas miniers résiduels n'avaient pas encore été établies".
La loi prévoyait alors que les exploitants - et notamment Charbonnages de France - devaient réparer les dommages causés par leur mine. "On ne se posait pas trop la question (de la construction), on se disait on va construire, et s'il y a un problème Charbonnages de France réparera. Puis, avec la disparition des exploitants miniers et la liquidation de Charbonnages de France à la fin 2007, c'est l'État qui a endossé cette responsabilité", résume Carole Christophe. Par la suite, Geoderis a vu le jour avec pour mission d'élaborer ces cartes des aléas miniers résiduels, afin de recenser au mieux les puits et les galeries susceptibles d'engendrer de causer des dommages.

3- Constructions et risques miniers : une question de couleurs

En matière de risques, les PPRM, les Plans de prévention des risques miniers vont permettre de gérer l'urbanisation future. Notamment grâce aux informations emmagasinées sur la localisation des ouvrages miniers. Les zones sont déterminées par des couleurs qui vont déterminer le type de dispositions à prendre en matière de construction.

►Sur les zones rouges, on va purement et simplement interdire la construction.
"Techniquement, il est toujours possible de construire quand il y a des vides miniers résiduels, mais c'est une question de coût," explique la spécialiste. Mais se pose alors la question : "ne vaut-il pas mieux construire dans un secteur où il n'y a pas d'aléas plutôt que d'engloutir des sommes phénoménales pour construire un bâtiment en zone d'aléas?". D'autant qu'"on est jamais sûr que les dispositions constructives que l'on va mettre en oeuvre seront suffisantes", précise-t-elle.

►Les zones bleues correspondent à des zones d'aléas faibles, où le danger est considéré comme assez limité.

Même si on a le droit de construire en zone bleue, cela ne veut pas dire que le bâtiment n'aura aucun dégât. C'est juste que l'on veut assurer la sécurité des personnes.

"Dans ces secteurs, on va demander aux architectes de faire en sorte que la construction tienne, de s'assurer que le plafond ne va pas tomber sur la tête des gens et qu'il n'y a pas de risque pour leur vie. Néanmoins, il pourra toujours y avoir des fissures, ça peut même aller jusqu'à des portes qui coincent, des fenêtres qui ne se ferment plus et des canalisations rompues".

►Enfin, dans les zones blanches, il n'y a pas du tout de limitation à la construction.

4 - Zones stratégiques en bleu foncé : la construction reste possible

Concernant la zone d'activité touchée par l'effondrement du 3 mars à Saint-Etienne, elle correspond majoritairement à une zone d'aléas faibles, voire d'aléas moyens. "Aujourd'hui, soit on construirait en tenant compte de ces aléas et on mettrait en oeuvre des dispositions constructives particulières. Soit on ne construirait pas", d'après Carole Christophe.

Mais le bassin stéphanois est doté d'une particularité : des zones en bleu foncé ont été créées et correspondent à des "zones stratégiques". Ainsi lorsqu'on a des projets sont portés par une collectivité publique : même si en théorie on ne devrait pas pouvoir construire car c'est une zone d'aléas moyens (zone rouge), la zone est classée bleu foncé pour permettre la construction moyennant des dispositions un peu plus complexes qui permettront de mieux résister à l'aléa.

C'est le cas notamment pour la zone d'activité Steel, toute proche : "on a amélioré la connaissance et on a adapté cette construction pour que les bâtiments puissent tenir malgré la possible présence de puits ou galerie en-dessous." 

5 - Que va devenir le bâtiment concerné par l'effondrement ?

L'expertise de Geoderis confirme que les dégâts et l'effondrement sont bien d'origine minière. "L'Etat devra indemniser les propriétaires ou reconstruire", selon Carole Christophe. Avant celà, des sondages devront être réalisés pour permettre d'en savoir plus. D'ici quelques semaines, il sera possible de dire si on reconstruit ou pas. "Il faudra bien restituer au propriétaire un bien équivalent, un bâtiment de même qualité", ajoute l'experte. Donc l'idéal, ce serait de reconstruire, au même endroit. Ce secteur comporte de nombreux puits ou galeries, "un autre endroit ne serait pas forcément meilleur", d'après la spécialiste.  

►La reconstruction à l'identique sera-t-elle possible ? Elle va dépendre "des capacités techniques dont on disposera pour garantir la sécurité de la reconstruction au même endroit". Dans un premier temps, c'est le Département de prévention et de sécurité minière (DPSM) qui va intervenir, en tant que maître d'ouvrage délégué, pour mettre en sécurité le bâtiment de façon urgente, pour éviter des dégradations. Mais la spécialiste prévient : "Pour l'instant, la cavité a une dizaine de mètres de diamètre, mais il n'est pas exclu qu'elle s'élargisse, et qu'elle mette en péril des bâtiments alentours".

 

 

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