Alexis, un détenu de 27 ans, est mort dans sa cellule à la prison de Roanne en juillet dernier. Les autorités ont évoqué un suicide, mais sa famille dénonce l'opacité autour de la soirée du drame, et une série de "manquements" graves dans sa détention.
 

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Ce soir-là, Alexis, 27 ans, met le feu à son matelas dans sa cellule. La fumée entraînera sa mort, constatée plusieurs heures plus tard.
Les autorités ont évoqué un suicide, mais sa famille dénonce l'opacité autour des faits et une série de "manquements, d'erreurs et de défaillances" qui ont pu conduire au drame. 

 

"Que s'est-t-il passé pendant 2h30 ?"

Le défunt purgeait une peine pour des faits de violence jusqu'en 2026 et était alors à l'isolement. Le 18 juillet, le procureur de Roanne a indiqué que son décès s'apparentait à un suicide. "L'inhalation de la fumée provoquée par la combustion du matelas aurait provoqué un arrêt cardiaque", avait précisé Abdelkrim Grini. Selon la version donnée à l'époque, des surveillants du centre pénitentiaire sont
intervenus "vers 22h00" pour maîtriser l'incendie, extraire le détenu et lui prodiguer les premiers soins avant l'arrivée des secours.
La mère d'Alexis a appris par la suite que le corps de son fils n'avait pas brûlé, seuls les poumons étant touchés, et qu'il était mort à "00H33", peu après son arrivée à l'hôpital de la ville, situé à 2,5 kilomètres de la prison. "Que s'est-t-il passé pendant deux heures et demie ?", s'interroge depuis Laetitia. Les surveillants auraient été occupés par un autre détenu ce soir-là, lui ont dit seulement les policiers.
 

"Il savait qu'on le soutenait"

5 mois après, les parents attendent encore les résultats de l'enquête préliminaire sur les causes du décès. "On n'a rien, même pas le rapport d'autopsie", déplore Maître Mélanie Sanzari, l'avocate de la famille avec Me Thomas Fourrey. Le dossier pénitentiaire leur a été refusé et ils ont saisi la Commission d'accès aux documents administratifs. "On veut savoir comment on en est arrivé là. Savoir si le délai de réaction a été suffisant, à quelle heure les pompiers ont été appelés, si le détenu revendiquait quelque chose", détaille Me Fourrey, pour qui il est "toujours compliqué de savoir si une personne est suicidaire ou pas." Les proches d'Alexis sont convaincus qu'il ne l'était pas. "Il savait qu'on le soutenait, qu'on l'attendait tous. Il a toujours été très entouré", souligne sa tante Jessica. Sans nier les lourds problèmes psychologiques de son neveu.

 

Besoin de son traitement

"Mon fils était diagnostiqué bipolaire depuis longtemps. Quand il prenait son traitement, tout allait bien, sinon il pétait des câbles sans arrêt", explique la mère. Les parents avaient décidé en 2016 de faire interner Alexis mais la procédure est restée lettre morte. L'année suivante, il était incarcéré. Selon eux, le détenu se plaignait régulièrement d'être privé de son médicament. C'était une source d'incidents et de séjours récurrents au mitard - il est passé 25 fois devant la commission de discipline entre mi-2017 et début 2020. Le 13 mars, Alexis avait comparu pour outrages, menaces et violences devant le tribunal correctionnel de Roanne. L'expert psychiatrique ayant identifié chez le prévenu une pathologie psychotique dangereuse, les juges l'avaient déclaré irresponsable et ordonné son hospitalisation sous contrainte.

 

Retour au mitard

Ce jugement, rendu juste avant le confinement, n'a pas été immédiatement appliqué et Alexis est resté écroué plus d'un mois. Oubli réparé le 21 avril, la justice procédant alors à une suspension médicale de peine, au motif que l'état de santé du détenu était "durablement incompatible avec son maintien" derrière les barreaux. 2 jours plus tard, l'intéressé rentrait en soins psychiatriques à l'hôpital. Il y a passé 2 mois. "On y est allé régulièrement. Je le voyais dans le parc. Il était soigné; tout allait bien", raconte sa mère. Mais le 19 juin, un arrêté préfectoral, après avis médical, met fin au séjour et Alexis retourne sous les verrous. "Au téléphone, il nous a dit que ça n'allait pas, qu'on lui reprochait d'avoir joué les malades, qu'on allait le laisser crever. Il était fragile et ils l'ont remis au mitard", dénonce Laetitia. "Il aurait fallu l'envoyer à l'UHSA de Lyon", estime Me Fourrey, dans une référence à l'unité hospitalière aménagée pour les détenus nécessitant des soins psychiatriques. "Sa place était là-bas, pas en prison", abonde Me Sanzari.
    

La famille dénonce "des défaillances, des erreurs, des manquements". Elle n'a pas voulu porter plainte avant l'issue de l'enquête mais dit désormais perdre patience. Interrogé cette semaine par l'AFP, le parquet de Roanne a répondu qu'il attendait encore 2 auditions techniques concernant l'alarme de l'établissement, qui n'aurait pas fonctionné.
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