Dans le Pilat, un retraité se lance dans le Vendée Globe 2024. En version virtuelle, puisque son voilier restera ancré... dans son jardin.
C'est un petit voilier fin comme un oiseau... 5,50 m de long, 18 pieds en mesure de marin. Et deux pieds de plus à bord, ceux de Bernard Poitau, propriétaire de ce petit rafiot à l'ancre dans... un jardin. En plein cœur du Pilat, à Saint-Julien-Molin-Molette dans la Loire.
Ancien fonctionnaire de justice aujourd'hui retraité, Bernard Poitau s'apprête à se lancer dans l'une des courses au large les plus épiques de l'histoire de la navigation : le Vendée Globe, surnommé l'Everest des mers. Pour autant, nul besoin de hisser la grand-voile : Bernard et son voilier ne quitteront pas le plancher des vaches puisqu'ils écumeront trois océans (Atlantique, Indien et Pacifique) en mode virtuel. Mais dans les vraies conditions de course... C’est-à-dire un homme seul dans son bateau, au fond du jardin, pendant au moins 8 à 12 semaines !
Un marin de pleine terre en ciré jaune
A quelques heures du départ, en ciré jaune et bottes de caoutchouc, Bernard peaufine les derniers détails, le moral gonflé à bloc. "Je n'ai pas peur de dessaler puisqu'il n'y a pas d'eau. Mais je redoute les deux mois de solitude et surtout je m'interroge sur ma capacité, à 71 ans, à supporter le froid et l'humidité..." Son médecin lui a donné le feu vert à condition qu'il marche au moins deux heures par jour. Sur le pont ou sur le pré.
Comme les 40 navigateurs en lice sur le vrai Vendée Globe, Bernard sera seul et sans assistance sur son bateau acheté 1 euro sur Internet. A l'intérieur de la cabine, tout est prêt. Du four à micro-ondes pour réchauffer ses plats lyophilisés jusqu'au pédalier pour s'assouplir bras et jambes. Il y a même du matériel pour les avaries éventuelles et des rations alimentaires limitées.
"J'ai prévu un plat tout fait pour chaque jour et une soupe le soir. Plus un stock de 10 kilos de pommes de terre qui ne germeront pas, j'espère !" énumère le skipper des prés en farfouillant dans ses cagettes estampillées "Les Sables d'Olonne".
Voilà pour les conditions de vie à bord. Quant à la course, il la disputera sur sa tablette. Il devra ajuster son cap toutes les trois heures, de jour comme de nuit, pour éviter les vents contraires et tenter de suivre la cadence des vrais concurrents, ceux qui affronteront pour de bon les 40èmes rugissants et les 50èmes hurlants.
Entre les moments de pilotage et les siestes éclair, Bernard Poitau tiendra aussi un carnet de bord à deux entrées. "Il y aura une page qui sera consacrée à ce que je ressens sur mon bateau, et une autre page qui dira où j'en suis dans la course. Puisque mon but, c'est de me battre contre les autres navigateurs qui courent comme moi au profit d'une association".
Une aventure un peu folle mais généreuse
Car cette folie douce et sans vague, Bernard la tente pour la bonne cause. Il veut récolter de l'argent pour son association stéphanoise Anticyclone, qui vient en aide aux demandeurs d'asile. "Ils ont affronté des traversées immenses dans de simples radeaux. Mon défi, c'est aussi pour les honorer. Avec l'association, on a déjà aidé plus de 3500 personnes".
Le marin des prés espère tenir au moins 70 jours dans son carré. 70 jours et 70 nuits, seul face à la force brute des éléments... du Pilat. On comprend mieux la notion de voyage immobile...