Ancien champion de ski et vainqueur du Dakar-2006, à 51 ans, l'Alpin Luc Alphand a déjà vécu plusieurs vies et s'apprête à en commencer une nouvelle avec le rallye de la Route de la Soie: cette fois, le "plaisir du sport" devrait prendre le pas sur la compétition.
Il y a presque 20 ans, en 1997, celui que ses amis surnomment "Lucho" remportait pour la troisième fois d'affilée la Coupe du monde de ski de descente avant de mettre fin aussitôt à sa carrière de skieur à la surprise générale.
"Dans chaque sport de haut niveau, tu arrives vite à saturation parce que tu fais toujours les mêmes choses", confie-t-il. "En arrêtant le ski, je m'étais juré de ne plus jamais faire un sport qui prend la tête".
"J'avais toujours pratiqué la moto en complément du ski, pour savoir gérer le risque et la vitesse. L'auto était une transition naturelle", explique-t-il.
Lors d'"une soirée bien arrosée", le skieur décide de se lancer dans une nouvelle aventure: le sport automobile. D'abord "par simple plaisir" mais, très vite, l'esprit de compétition le rattrape de nouveau. "C'est toujours comme ça: à un moment, tu réalises que tu es bon, que tu peux gagner si tu t'entraînes suffisamment et là, c'est reparti, tu te mets la pression", se souvient-il.
Courses après courses, Luc Alphand troque les pistes de ski pour la poussière des rallyes et remporte en 2006 le rallye, alors africain, du Dakar. Jusqu'à ce qu'un grave accident lors d'une compétition de moto en 2009 ne brise en plein élan sa "deuxième carrière" et manque de peu de le rendre tétraplégique.
Savourer le moment
"Je me souviens de chaque minute précédant l'opération: j'étais allongé dans mon lit d'hôpital et je ne sentais plus mon corps", raconte Luc Alphand. "Là, je me suis dit, je suis foutu. Quand tu es sportif, ton corps, c'est ton intégrité, c'est ce qui te constitue".L'opération est réussie et, après de longs mois de rééducation, "Lucho" retrouve l'usage de ses membres. Avec néanmoins de lourdes séquelles: interdiction formelle du médecin de participer à des courses automobiles. "Depuis l'accident, mon regard a changé sur le sport. J'ai compris que la vie, ce n'est pas que les compétitions. C'est aussi faire du sport pour le plaisir", assure-t-il. "Les dernières vingt années ont passé à toute vitesse. Là, j'aimerais davantage savourer le moment."
"Je ne sais pas si je serai capable de m'attaquer à un nouveau sport", murmure-t-il, perdu dans ses pensées. Après un petit silence, il lance en souriant: "Ah si, l'escalade. Monter un sommet de 8.000 mètres et tout redescendre en ski, ça me dirait bien."
Le Silk Way, un rallye qui fait "rêver"
Pas question pour autant de quitter le circuit: bien qu'il n'y participe pas, l'ancien pilote a aidé à "positionner le cursus de difficulté" du Rallye de la Route de la Soie. Surtout, et son regard s'anime lorsqu'il en parle, Luc Alphand souhaiterait aider la France à renouer avec son héritage de "grand pays de sport automobile"."On n'a plus de F1 et il y a une désaffection presque idéologique du public alors même que le rallye évolue et devient de plus en plus passionnant", affirme-t-il. "Prenez par exemple le Silk Way: c'est vraiment un rallye comme on n'en a pas fait depuis longtemps: il y a des forêts, des déserts, des steppes, des montagnes. Ca fait rêver les concurrents et, moi aussi, ça me fait rêver", confie "Lucho".