Montagne. Il défie le vertige à VTT, rencontre avec Kilian Bron

La peur viscérale du vide nous concerne quasiment tous. Mais certains semblent s'en être affranchis. C'est le cas de Kilian Bron, champion de VTT extrême, dont les vidéos forcent le respect. Je présente un magazine sur la montagne depuis plus de 25 ans, et pourtant, je suis sujet au vertige ! Alors, peut-on vaincre l'acrophobie, cette sacro-sainte peur du vide ? Kilian Bron a tenté de m'y aider...

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Pour l'immense majorité d'entre nous, se pencher par-dessus un balcon élevé, ou marcher au bord d'une falaise est un défi, voire une phobie. Il faut dire que la nature a, depuis la nuit des temps, inscrit dans notre cerveau une peur irrépressible du vide, dans le but de nous maintenir en vie... Aussi viscérale que la peur du feu, et pour les mêmes raisons. Force est de constater qu'entre l'australopithèque et nous, de l'eau a coulé au pied des falaises... Mais le cerveau reptilien fonctionne toujours quelque part, et ces choses-là nous ramènent à notre origine animale...

▶️ REPLAY Chroniques d'en Haut : Au-delà du vertige

Pourtant, certains, plus que d'autres, ont réussi à apprivoiser cette peur panique du vide. C'est le cas des grimpeurs, des alpinistes, des sportifs de l'extrême, des bâtisseurs de cathédrales, des ouvriers cordistes, et j'en passe. La liste est longue certes, mais elle ne concerne malgré tout qu'une infime partie de l'humanité. Pour tous les autres : le vide, c'est la panique... Et pour moi également.

Peut-on vaincre l'acrophobie ?

Lorsque l'équipe du magazine m'a proposé une émission consacrée au vertige, avec, comme cobaye, votre serviteur : j'ai bien failli tomber à la renverse. Et puis je me suis dit qu'il y avait peut-être quelque chose à faire, pour raisonner cette phobie naturelle, pour la remettre à sa juste place.

Kilian Bron a fasciné le web avec des vidéos hallucinantes où il semble survoler des chemins périlleux sur son VTT. A coup sûr, le vertige, il a su le gérer... C'est lui qui m'a accompagné dans cette quête très personnelle et en même temps universellement partagée : tenter de dominer sa peur du vide.

Kilian Bron est d'abord et avant tout un professionnel. Pas une tête brûlée qui fait n'importe quoi n'importe comment. Il évolue sur son vélo avec une précision et une vitesse impressionnantes dans des endroits capables de vous refiler la trouille rien qu'en regardant une photo.

Apprendre à apprivoiser sa peur

Lors de notre rencontre, au premier jour de tournage, je n'en menais pas large. Pour moi, c'était un extraterrestre, originaire de la même planète que les grimpeurs à mains nues, que les base jumpeurs et autres high-liners dont la seule évocation est capable de me donner des frissons. En fait : Kilian est un être très humain, au sens propre comme au sens figuré. 

La première des choses qu'il m'a expliquées était de nature à me rassurer : lui aussi a dû travailler dès son plus jeune âge pour apprendre à apprivoiser sa peur. Aucun mépris ni sourire en coin, mais juste la sincère envie de partager avec moi un bout de chemin - et quel chemin, je vous expliquerai plus tard - vers cet apprentissage.

L'acrophobie n'est pas une fatalité

On peut apprendre à la gérer en se confrontant au vide. Tout simplement, étape par étape, un peu comme une acclimatation à l'altitude. Kilian s'est pris au jeu, et avec pédagogie et patience, m'a emmené sur un chemin au nom prédestiné : le chemin du vertige, dans les Pyrénées Orientales près du Mont Canigou. Accompagné d'un moniteur d'escalade lui aussi habitué à emmener des clients sur des voies de plus en plus difficiles, nous voilà en train de marcher sur un chemin étroit creusé dans la falaise, bordé par un précipice de plus de cent mètres. Une balade du dimanche pour Kilian et mon guide, un premier défi pour moi. Ambiance. 

Objectivement : je n'étais pas fier du résultat. Malgré la longe qui me retenait à la paroi, j'ai éprouvé toutes les peines du monde à regarder en bas. Rien que ça : juste regarder en bas ! À cet instant, je me suis dit que l'objectif ne serait pas atteint... Et puis, nous avons longuement discuté avec Kilian. J'appris que lui aussi a connu cette peur, mais qu'il arrivait à la laisser de côté, en se concentrant uniquement sur sa route, son pilotage technique. Arriver à faire abstraction de l'environnement au moment où il se lance à fond de pédale : c'est le secret de sa pratique. 

Des semaines, voire des mois de préparation

Très clairement, ça ne s'improvise pas. Pour réaliser une vidéo impressionnante de quelques minutes, ce sont des semaines, voire des mois de préparation ! Il n'est pas seul, il a toute une équipe avec lui. Le danger est réel, bien présent, et le vide est là, tout autour de lui, lorsqu'il s'élance à fond sur un chemin en surplomb tout juste assez large pour laisser passer le guidon. Une seule erreur de trajectoire de trois centimètres, et c'est la chute. Tout le travail est donc mental.
S'il parvient à réaliser ces exploits : ça n'est pas parce qu'il défie le vide ou le danger, mais au contraire parce qu'il le calcule, le regarde en face, le mesure, le pèse. Mais le moment venu, il l'oublie pour remplacer toutes ces données par le chemin de vie qu'il a ainsi construit grâce au travail de repérage, de répétition, et de concentration. Un peu comme un jeu vidéo qui effacerait dans l'écran tout ce qui est flippant et dangereux pour ne conserver que l'itinéraire à suivre.

Rien n'existe dans ma tête que le chemin que je dois prendre, l'endroit où je vais poser mes roues, le caillou que je dois éviter. Tout est programmé, millimétré. Il n'y a pas de place pour l'improvisation. 

Kilian Bron, champion de VTT extrême

"Toute la difficulté est donc de ne pas se laisser envahir par la peur, ne pas "voir" le vide, mais seulement le bon chemin, l'endroit précis où je dois poser mes roues. Là, ici et maintenant, et nulle part ailleurs". Plus facile à dire qu'à faire : Kilian aura travaillé des années pour arriver à cette perfection. Autant vous dire que le chemin sera long pour moi... D'un autre côté, il n'a jamais été question de faire des choses pareilles ! Juste d'apprivoiser la peur du vide et de marcher au bord d'une falaise.

La montagne est pour moi un univers familier depuis l'enfance, mais je l'aime à l'altitude des Hommes, là où l'on sent le foin, autour du clocher d'un village, là où l'on entend les sonnailles, les torrents, le regard fixé avec admiration vers des sommets plus inaccessibles. Une montagne plus à vivre qu'à défier, une montagne qui vit et qui fait vivre. Pas qui fait peur...

Kilian aussi s'est épris de cette montagne accueillante. Il s'est installé en Andorre, et a fait des Pyrénées une partie de son terrain de jeu. Lorsqu'il ne roule pas sur les volcans du monde, au bord des falaises ou sur des chemins improbables, il aime aussi s'y promener à pied tout simplement, au rythme des saisons, à l'écoute d'un monde tranquille où la contemplation est reine et n'engage que les forces de l'imagination. On peut aimer les sensations intenses et rester sensible aux sons lointains d'un troupeau de moutons qui traverse un alpage sauvage, Kilian en est la preuve.

Un pont suspendu à 70 m de hauteur

Mais cette parenthèse bucolique n'aura eu qu'un temps. À peine reposés du premier exercice, nous reprenons le chemin des cîmes pour traverser un pont suspendu à 70 mètres de hauteur, sur le parcours du fameux train jaune qui relie la vallée aux plateaux de Cerdagne. Objectivement, la largeur du pont ferroviaire aura facilité ce deuxième exercice et j'ai pu profiter, cette fois-là, du paysage, au bord du parapet. Petit à petit, l'acclimatation fait son chemin. Se confronter au vide est l'un des moyens de l'apprivoiser, à condition d'y aller à son rythme.

Les exercices suivants ne posèrent plus de problème, le chemin parcouru depuis le début était déjà conséquent. Restait l'ultime exercice, plus corsé celui-là : participer avec les pompiers du GRIMP (Groupe d'Intervention et de Reconnaissance en Milieux Périlleux) des Pyrénées Orientales, spécialisés dans les sauvetages difficiles, à un exercice en paroi. Et pas seulement pour les regarder d'en haut ! 

Un exercice avec les pompiers du GRIMP

Kilian et les pompiers avaient en effet fomenté ce complot dont ils ne m'avaient pas dit grand-chose... Cette fois, j'allais donc devoir descendre en paroi, harnaché et sécurisé certes, mais au-dessus d'un vide très impressionnant. Les pompiers du GRIMP sont tous aguerris aux conditions de terrain difficiles. Ils secourent des alpinistes en paroi, des skieurs sur des télésièges qu'il faut évacuer, des randonneurs ayant chuté dans des endroits parfois périlleux. Ils savent mettre en confiance, et sont habitués à rassurer les victimes dans ces circonstances-là. De quoi me donner peu de raisons de pouvoir refuser...

Cette dernière leçon aura été la plus dure : apprendre à faire confiance au matériel. En paroi, n'importe qui, professionnel ou pas, dépend du matériel, de la corde, des pitons ou de son harnais. Et lorsque, comme moi, vous psychotez un peu : on a beau vous redire quinze fois que tout est calculé pour résister à 3 tonnes, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous demander si vous n'avez pas pris un peu de poids...

C'est là où l'on s'aperçoit que l'esprit est à la fois le meilleur des alliés et le pire des ennemis. La moitié de votre cerveau vous dit que vous ne risquez strictement rien avec les meilleurs professionnels et un matériel fiable et vérifié, et l'autre moitié vous demande ce que vous foutez là et vous assure que vous allez vous casser la figure en vous intimant l'ordre de fuir vite et loin de cet endroit. 

 Alors, j’ai écouté les conseils de Kilian. Se concentrer sur l'essentiel et l'important. Placer ses pieds sur la paroi, descendre pas à pas, avoir confiance dans la préparation, les autres, et cette corde qui pourrait soulever deux SUV. Faire taire la moitié de son cerveau en lui rappelant qu'on ne vit plus dans les cavernes et qu'aucun léopard des neiges ne me forcera à fuir à flanc de falaise de peur d'être dévoré. 

Ecouter la raison

La raison, qui finit par me convaincre qu'on est en sécurité, et que voir la mer depuis une paroi du massif des Albères, suspendu à  plusieurs centaines de mètres au-dessus de la Méditerranée, c'est quand même un sacré kif.

Évidemment, on ne se débarrasse pas comme ça de ses phobies, et dire que cela a été un plaisir du haut jusqu'en bas serait un peu exagéré. Et peut-être même que ça ne le sera jamais. Après tout, là n'est pas l'important. Les arachnophobes peuvent tenter de dominer leur phobie des araignées sans pour autant adopter une mygale. Mais malgré tout, j'ai réussi l'exercice. Je n'en tire aucune fierté particulière, car ça ne constitue en rien un exploit. C'est un combat assez intime que l'on mène avec soi-même. Et si j'ai accepté d'en être le cobaye et le témoin devant les caméras, c'est avant tout pour dire qu'on peut y faire quelque chose, chacun à la hauteur de ses envies, besoins ou aspirations.

J’ai apprécié cette expérience avec Kilian Bron. Ce qui n'était pour lui qu'une petite balade bucolique à flanc de falaise était pour moi un véritable défi... Qui m'a permis, sinon de vaincre, au moins d'apprivoiser cette peur du vide qui me tenaille depuis toujours. Ces quelques jours partagés ensemble ont renforcé encore l'admiration que j'avais déjà pour ceux qui bravent les sommets, grimpent les falaises, construisent les barrages, ou se promènent sur un fil tendu entre deux pics. Moi, je continuerai dans mes émissions à leur donner la parole, à faire écho à leur passion. Mais plutôt bien installé, face à un paysage sublime, dans la vallée, au bord d'un lac d’altitude, entre marmottes et chamois. En laissant cet univers aux professionnels et à ceux qui le maîtrisent, ou qui aiment ça !

▶️ "Au-delà du vertige" présenté par Laurent Guillaume, réalisé par Bruno Peyronnet, diffusé le mercredi 23 octobre à 20H30 dans "Chroniques d'en Haut" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, à revoir en REPLAY sur france.tv

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