Municipales 2020 : des élus veulent faire annuler les élections

Les élections municipale de mars 2020 doivent-elles être complètement annulées, y compris pour ceux qui ont été élus dès le 1er tour ? C’est ce que souhaite l’association d’élus "50 millions d’électeurs", présidée par le maire (LREM) de St Germain au Mont d’Or (Rhône).

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L'association d’élus "50 millions d’électeurs", présidée par Renaud George (LREM), le maire de St-Germain au Mont d’Or, près de Lyon, vient de déposer deux recours devant le Conseil d’Etat. 

Pour bien comprendre, il faut revenir en arrière. Nous sommes le 12 mars. A la télévision, Emmanuel Macron annonce qu’il maintient le premier tour des élections municipales le 15. Deux jours après le vote, la France entre en confinement et le second tour est reporté à une date toujours inconnue à ce jour.

La question de l’élection municipale est inscrite dans l’article 19 de la loi du 23 mars 2020, dite "loi d’urgence pour faire face à l’épidémie."
 

Que dit cette loi ? Plusieurs choses...

D’abord sur la tenue du second tour. Il doit avoir lieu au plus tard à la fin du mois de juin. Le conseil scientifique se prononcera sur la possibilité sanitaire de tenir ce second tour d’ici le samedi 23 mai, le gouvernement doit rendre sa décision avant le mercredi 27. Si c’est oui, on votera donc dans les 4779 communes où il y a second tour, vraisemblablement le dimanche 21 juin. Si c’est non, ce qui est de loin le scénario le plus probable, les mandats en cours sont prolongés, et on repart à zéro, on refait les deux tours. Les dates des 27 septembre et 4 octobre sont évoquées. On parle aussi d’un possible report en mars 2021, en même temps que les élections régionales. 

Ensuite, cette loi dit que "l’élection du 1er tour reste acquise" dans les 30143 communes où tout s’est joué dès le 15 mars. Le conseil scientifique vient de donner son feu vert à la tenue des conseils municipaux qui permettront l’élection des maires. Le gouvernement ne veut plus perdre de temps. Le décret qui installe les nouveaux conseils municipaux sera promulgué dès vendredi, a annoncé ce mardi le premier ministre à l’Assemblée Nationale.  Une fois installés, ces conseils municipaux auront dix jours pour élire les maires et leurs adjoints. "Au plus tard le jeudi 28 mai, 30.000 des 35.000 communes françaises auront un maire et des adjoints élus dans des conditions normales" a souligné Edouard Philippe.


 

Fin de l’histoire? Pas vraiment...

Pas vraiment. Car quelques jours après le 15 mars, une fronde d’élus  commence à se manifester. Ils écrivent au président Macron, puis se constituent en association. Ils la nomment "50 millions d’électeurs". A sa tête, le maire de St Germain au Mont d’Or, Renaud George. Lui-même a été battu au premier tour par la liste écologiste emmenée par Béatrice Delorme. Mais avec une forte abstention, 39% de participation contre 65% six ans plus tôt. C’est l’argument principal de Renaud George.
 

"Je ne suis pas mauvais perdant mais j’exècre l’injustice. Dans ma commune, 40% des électeurs présents en 2014 ne se sont pas déplacés. Comment l’expliquez-vous? En France, il y a eu 20 points d’abstention en plus. L’abstention a été monumentale et contrainte. Il y a énormément de gens qui ne sont pas allés voter parce qu’ils ont craint le coronavirus. C’est un vol qui a eu lieu le 15 mars. On doit garder des élus mal élus? Remettons tout à plat, et refaisons des élections dans des conditions normales."


Deuxième problème: ne tenir que le deuxième tour est d’une part contraire à loi électorale ordinaire qui prévoit un maximum d’une semaine entre les deux tours, et d’autre part, créerait, selon Renaud George, une disparité entre élus. "Est-il normal que des maires aient été élus au premier tour dans des conditions sanitaires totalement différentes de ceux qu’on élira en juin ou octobre? On aurait des maires élus dans des conditions désastreuses et d’autres dans des conditions normales, il n’y a ni logique, ni égalité."

 
Renaud George, maire de Saint-Germain au Mont d'or, est favorable à l'annulation du premier tour des élections municipales de mars 2020


C’est pour ces raisons qu’il estime la loi du 23 mars inconstitutionnelle: l’élection aurait été faussée par la situation sanitaire. L’association a donc décidé d’attaquer cette loi pour la faire invalider, et avec elle tout le scrutin. Elle a déposé mercredi dernier devant le Conseil d’Etat deux QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) en espérant qu’elles seront transmises au Conseil Constitutionnel, seul à avoir le pouvoir d’annuler une loi. Parallèlement, la grogne a pris de l’ampleur. Le 5 avril, 2700 recours contre l’élection avaient déjà été déposés, selon l’association qui revendique désormais plus de 4000 adhérents. Une pétition en ligne a recueilli plus de 16.000 signatures.

Cette démarche a-t-elle une chance d’aboutir, alors que les conseils municipaux seront installés? Ce n’est pas impossible pour le politologue Daniel Navrot, consultant politique de France 3 Rhône-Alpes, "les arguments sont solides, la démarche est sérieuse sur le plan juridique. Les cartes étaient faussées. La fermeture des bars et restaurants la veille du scrutin a été une incitation à ne pas voter. On estime que 10% des électeurs ont décidé de s’abstenir à ce moment-là."

Daniel Navrot rappelle toutefois que cette situation est complètement inédite : "le conseil constitutionnel a une grande marge de manoeuvre car les textes sont très imprécis, voire muets. Je ne sais pas dans quel sens il peut aller. Il y a un vrai suspens."

 

Les sénatoriales en embuscade

Et puis il y a aussi bien sûr l’aspect politique… Et une autre élection qui se profile discrètement, mais qui agite le microcosme: les sénatoriales. Elles restent prévues fin septembre. Les sénateurs sont élus par des grands électeurs, dont la majorité sont justement issus des municipales. Pour Renaud George, il ne faut pas voir plus loin la volonté de maintenir le résultat de mars "les sénateurs Républicains (actuellement majoritaires) sont extrêmement pressés de mettre en place les conseils municipaux pour faire les sénatoriales à un moment où ils pensent avoir le vent en poupe, quitte à s’asseoir sur le suffrage universel. Je parle du président Gérard Larcher, de Bruno Retailleau (président du groupe LR au Sénat), de Philippe Bas, et de François Baroin, le président de l’Association des Maires de France."

Le tout, selon 50 Millions d’électeurs, avec la bénédiction d’un gouvernement qui n’aurait guère envie de rajouter une crise institutionnelle et politique à la crise sanitaire. Mais qui risque pourtant bien d’y être contraint. La politique aussi commence à se déconfiner. 
 
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