Le Musée de Grenoble s'est "offert " cette toile datée de 1939, et évaluée à un million d'euros, grâce aux fonds des mécènes du Musée. Evénement exceptionnel pour son directeur Guy Tosatto et pour le Musée.
Interview. C'est peu dire que Guy Tosatto est heureux aujourd'hui d'accueillir dans ses murs ce tableau. D'abord parce qu'il concrétise un rêve un peu personnel, lui qui, encore étudiant dans les années 80 avait consacré précisément son mémoire et sa thèse "aux natures mortes de Morandi". Au-delà de son émotion, le spécialiste de ce peintre italien souligne le caractère exceptionnel de cette acquisition pour le Musée de Grenoble qui va présenter désormais dans ses collections le travail "d'un de ceux qui a marqué l'histoire du XXème siècle".
Alors comment une nature morte peut-elle être adjugée à un million d'euros? "Parce que les tableaux de Morandi sont très rares et très recherchés. De par le monde, on a finalement pris conscience que cet artiste était beaucoup plus important qu'on ne l'a longtemps pensé. Aux Etats-Unis notamment. Les prix ont du coup augmenté, régulièrement, puis d'un coup, il y a cinq ans".
Le président américain Barack Obama a d'ailleurs choisi deux de ses peintures en 2009 pour enrichir les collections de la Maison Blanche.
L’artiste a depuis toujours fasciné de nombreux artistes. A la Biennale de Venise, où il est premier prix en 1948. Il va aussi à la Biennale de São Paulo (premier prix en 1957) et à la Documenta de Kassel. Il est reconnu assez tôt et l’historien de l’art Roberto Longhi dit de lui dès 1934 qu’il est "l’un des meilleurs peintres vivants d’Italie".
Il a aussi inspiré bon nombre de cinéastes.Ses tableaux apparaissent dans "La Notte" (1961) de Michelangelo Antonioni, "La Dolce vita" (1960) de Federico Fellini, "En quatrième vitesse" (1955) ou "Amore" (2009) de Luca Guadagnino. Des écrivains comme Pierpaolo Pasolini, Paul Auster ou Don De Lillo les citent.
Le Musée a pu acquérir cette oeuvre classée "d'importance patrimoniale majeure"- mise en vente pour 1,4 million-pour 1 100 000 euros, grâce aux fonds du Club des mécènes du Musée, à hauteur de 830 000 € mais aussi grâce à la Ville qui a investi 270 000 €. Guy Tosatto a suivi sa trace pendant deux longues années, inlassablement, jusqu'au Canada, en passant par Genève, persuadé que dans 5 ans, sa valeur aurait au minimum doublé.
Reportage de Jean-Christophe Pain & Anne Ployard