Les directeurs des scènes nationales d'Annecy et de Chambéry ont refusé d'accueillir une pièce de théâtre dans laquelle Pio Marmaï incarne Roberto Zucco, un personnage inspiré de Succo, un serial killer ayant tué au moins 4 personnes en Haute-Savoie, en Savoie et dans le Var, dans les années 80.
Trente ans après ses meurtres sanglants, Roberto Succo hante toujours les Alpes. Alors que l'acteur Pio Marmaï entame une tournée française avec une nouvelle pièce de théâtre, dans laquelle il incarne "Roberto Zucco", un tueur inspiré du vrai serial killer italien, Succo, qui sévit en France dans les années 80, l'oeuvre ne sera pas présentée en Savoie ni en Haute-Savoie.
"Quand je leur ai dit que c'était Roberto Zucco, Salvador Garcia (directeur de la scène nationale Bonlieu-Annecy) m'a dit : 'non je ne peux pas, ça va réveiller le malheur'", rapporte Richard Brunel, le metteur en scène de la pièce. Le directeur de la scène nationale de Chambéry n'a pas non plus souhaité accueillir la pièce.
Le dramaturge Bernard-Marie Koltès est au soir de sa vie lorsqu'il écrit "Roberto Zucco" en 1988, l'année même où Roberto Succo se suicide dans sa cellule, à 26 ans. La pièce fait scandale. Comment l'auteur a-t-il pu ériger au rang de héros mythologique celui qui tua ses parents en Italie et au moins quatre autres personnes en Haute-Savoie, en Savoie et dans le Var, dont deux policiers ?
En 2001, un film sur Succo avait déjà fait polémique
C'est cette pièce de Koltès que Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence, a mis en scène et présente à partir du jeudi 12 novembre dans son théâtre. "C'est une pièce extrêmement construite, comme une sorte de mythe, des figures incontournables relevant d'une mythologie", commente Richard Brunel dans un entretien avec l'AFP. En 2001 déjà, le film "Roberto Succo", réalisé par Cédric Kahn, avait suscité une polémique et notamment la réprobation de syndicats de policiers.D'après son metteur en scène pourtant, la pièce "parle d'aujourd'hui, notamment sur la question de la violence", montre "comment le tueur lui-même est le symptôme d'une société malade". En quinze tableaux, de l'évasion à sa chute du toit de sa prison, Brunel retrace le parcours du tueur dans un univers noir, de fond de bar, de grilles mais où l'humour (souvent par l'absurde) résonne aussi.
Pio Marmaï en fait son rôle le plus important à ce jour. L'acteur, révélé au cinéma en 2008 dans "Le premier jour du reste de ta vie", est juste, entre le gamin balourd, le charmeur démoniaque et l'animal. "Il y a beaucoup de zones d'ombre, de mystères autour de ce personnage. Roberto Zucco est parfois un enfant, un jeune intellectuel, parfois une bête mais chacune des scènes ne définit pas qui il est; c'est un personnage qui s'adapte aux situations, un tueur frénétique, qui tue au présent, un meurtrier exemplaire car il assassine sans raison", ajoute le metteur en scène.
L'idée était de tout de suite se séparer (du fait divers) et de ne pas faire un biopic, précise l'acteur Pio Marmaï
Avec ce rôle, Pio Marmaï, 31 ans, revient sur les planches. "Le théâtre ne me manquait pas mais à un moment il fallait peut-être aller à quelque chose de plus essentiel. Je pense que c'est sans doute le rôle plus important que j'ai fait jusque-là", explique-t-il à l'AFP. Pour construire son personnage, il s'est renseigné sur le vrai Roberto. Lors de la première répétition, toute la troupe a même regardé un épisode de l'émission "Faites entrer l'accusé" consacré à Succo.
"Mais l'idée était de tout de suite s'en séparer et de ne pas faire un biopic, ce qui n'était d'ailleurs pas du tout l'idée de Koltès", commente Pio Marmaï. "Le fait divers est sans intérêt", ce qui est intéressant c'est "ce qui se crée avec les autres", comment "ce personnage caméléon va se construire en fonction des individus qu'il croise", ajoute le comédien.
Après Valence, "Roberto Zucco" ne s'attardera donc pas en région Rhône-Alpes. La pièce tournera cependant dans plusieurs villes de France comme Montpellier, Lorient, Toulouse, Saint-Denis, Caen, Orléans et Clermont-Ferrand.