Des élus du Puy-de-Dôme ont encore été visés par des tags injurieux sur les murs de leur maison ou de leur commune ces dernières semaines. Si les critiques vont souvent de pair avec la fonction de maire ou d’adjoint, la recrudescence des menaces de mort préoccupe.
Dimanche 21 avril, jour de marché à Brassac-les-Mines, une inscription à caractère homophobe et menaçant de mort le maire recouvre les murs du passage souterrain reliant la gare de cette petite commune puydômoise de 3 500 habitants à son centre bourg. "Quand on est élu, les critiques font partie du jeu. Mais là, des menaces de mort, ça dépasse les limites" réagit Fabien Besseyre, le maire (SE) depuis 2020.
"Un acte gratuit"
Une dizaine de jours après les faits, évoqués en début de séance du Conseil départemental ce lundi 29 avril, ce dernier reste dans l’incompréhension. "Personne n’est venu nous voir en mairie pour se plaindre de quoi que ce soit. C’est un acte gratuit", commente l'élu qui a porté plainte pour "menaces de mort et dégradation de bien public".
Le maire de Brassac-les-Mines n'est pas le seul à avoir été récemment ciblé par des messages insultants et menaçants. Le 19 avril au petit matin, un adjoint de Malauzat a découvert son domicile tagué d’insultes. Il a déposé plainte dans la foulée pour "dégradation ou détérioration du bien d'un dépositaire de l'autorité publique" et cherche, depuis, une explication. "Le projet de panneaux photovoltaïques ? Il suit son cours. La création du city park ? Les personnes mécontentes sont des retraités, j’ai du mal à imaginer qu’elles puissent venir taguer une maison en pleine nuit", se questionne Raphaël Roussy, en charge des finances et des relations avec les administrés.
C’est choquant autant pour nous que pour nos familles. Ces actes malveillants touchent aussi notre entourage, nos femmes, nos enfants.
Raphaël RoussyAdjoint de Malauzat dont la maison a été taguée
Près de 70% des maires concernés
L'Association des maires de France (AMF) alerte depuis plusieurs années sur un "phénomène de violences multiformes" contre les élus, quelle que soit la taille des communes. Dans sa dernière enquête sur le sujet, publiée en novembre 2023, près de 70% des maires interrogés ont déclaré avoir déjà été victimes d’incivilités (impolitesse, agressivité), soit 16 points qu'en 2020. Ils sont 39 % à avoir subi des injures et insultes (+ 10 points par rapport à 2020) et 27% à avoir été attaqués ou menacés sur les réseaux sociaux (+ 7 points).
Ces faits, couplés à d'autres facteurs, contribuent à créer un climat de fatigue chez les élus, pouvant aller jusqu’à la démission. "La moindre histoire peut prendre des proportions énormes”, continue Raphaël Roussy, qui a été confronté à l’agressivité d'habitants pour un distributeur de pain en panne ou une interdiction de faire un feu en plein mois d’août.
Les gens sont crispés, agressifs. Ils se replient sur eux même, notamment dans les territoires ruraux délaissés par les services publics. On constate aussi, de façon générale, qu'il y a une défiance envers l'autorité et toutes les professions qui en sont vecteur.
Sébastien GouttebelPrésident de l'Association des maires ruraux du Puy-de-Dôme
Face à cette recrudescence des incivilités envers les élus, la loi a été renforcée en mars 2024. Les peines peuvent atteindre jusqu'à 7 ou 10 ans de prison, dans les cas les plus graves. Une peine de travail d'intérêt général (TIG) vient compléter les sanctions en cas d'injure, d'outrage ou de diffamation. Mais dans la majorité des cas, les plaintes ne donnent pas lieu à une condamnation. “Les tags sont faits dans des zones rurales, il n’y a pas de caméras, pas de voisins. Il peut y avoir des prélèvements ADN mais si l'auteur n’est pas connu de la justice, il ne pourra pas être identifié”, indique le parquet de Clermont-Ferrand.
Pour Sébastien Gouttebel, à la tête de l’Association des maires ruraux du Puy-de-Dôme depuis 2012, la hausse des signalements est "préoccupante" et "à la fois rassurante, parce qu'elle est le signe que les élus n'hésitent plus à parler des difficultés qu'ils rencontrent."