Députés menacés, maires agressés : les élus confrontés à la violence de l'époque

Un jeune conseiller de Bellême a retrouvé sa voiture incendiée le week-end dernier : l'affaire a sans doute un lien avec un vote au conseil municipal. Le maire de Saint-Côme-du Mont vient encore d'être menacé de mort parce qu'il soutient Emmanuel Macron. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un élu ne soit pris pour cible.

Il est le plus jeune conseiller municipal du département de l'Orne, élu à Bellême en mars 2020 à l'âge de 19 ans. "Je n'ai jamais eu de problème jusqu'au mois de décembre", raconte Valentin Maudet. Jusqu'à ce que le conseil municipal se penche sur le sort de l'ancienne gendarmerie dont la commune est propriétaire. Son vote a-t-il déplu ? Depuis, on lui a crevé les pneus, il a été insulté. Dimanche dernier, c'est sa voiture qui a brûlé. "32 000 euros partis en fumée. C'est mon outil de travail et de représentation". Valentin Maudet a porté plainte et il ne souhaite pas s'étendre davantage sur le sujet. Il ne fait aucun doute que c'est sa fonction d'élu qui lui vaut aujourd'hui ces désagréments.

Un autre exemple, parmi d'autres : à l'automne dernier, c'est le maire de Bernières-sur-mer qui a subi des dégradations à son domicile pour la quatrième fois en un an. Il avait d'abord choisi de répondre avec un trait d'humour.

La répétition des faits a poussé la municipalité à porter plainte.

Les actes de violence ne sont pas acceptables dans la démocratie locale, que ce soient sur des biens, des personnes, tout comme les propos agressifs que l’on peut parfois relever sur la page Facebook de la mairie.

La mairie de Bernières-sur-mer, le 12 septembre 2021

Quelques jours plus tôt, une élue du Val-de-Reuil (Eure) avait été molestée lors d'une cérémonie de mariage par des membres de la Ligue de défense africaine (qui a depuis été dissoute). Quelques instants plus tard, à sa sortie de l'édifice, voulant protéger des mariés, Marc Antoine Jamet, avait également été pris à partie. La scène, filmée par un téléphone portable, avait suscité une profonde émotion chez les élus.

Violences verbales, agressions physiques

À Elbeuf (Seine-Maritime), un conseiller municipal a été sur la voie publique en septembre 2021. Au cours de l'été 2020, des adeptes du camping sauvage ont frappé le maire de Portbail (Manche). Toutes ces affaires n'ont évidemment aucun lien si ce n'est qu'à chaque fois, l'élu est visé en connaissance de cause, pour ce qu'il représente.

"Je ne veux pas dramatiser, cela reste marginal", relativisait Olivier Paz en septembre dernier. . "Quand on est élu, cela signifie que nous avons été choisis par les électeurs. On représente une autorité collective, observe le président de l'Amicale des maires du Calvados. Or, le rapport à l'autorité a évolué et il n'est malheureusement pas surprenant que nous en soyons les victimes. La parole de l’élu suscite aujourd'hui le doute. Il faut faire beaucoup plus de pédagogie qu’auparavant."

Une parole désinhibée

Un autre phénomène interroge : les intimidations et les violences dont font l'objet les parlementaires. En quelques semaines, quatre députés de la majorité ont reçu des menaces de mort particulièrement explicites. Bertrand Sorre dans la Manche, Christophe Blanchet et Fabrice Le Vigoureux dans le Calvados et Agnès Firmin Le Bodo en Seine-Maritime.

"Mon lapinou ! " : le député Fabrice Le Vigoureux répond avec ironie à l'auteur d'une menace de mort qui lui était adressée :

Les parlementaires ont porté plainte. Ils ont aussi choisi de mettre sur la place publique les messages qui leur étaient adressés. 

Peut-être avons-nous trop laissé passer les insultes. Maintenant (...) nous arrivons aux menaces ! Et si nous laissons collectivement (...) passer les menaces, je crains que la prochaine étape soit le passage à l'acte…

Agnès Firmin Le Bodo, députée de Seine-Maritime (Horizons)

"On a le sentiment qu'on est arrivé à un point où tout ce qui incarne une responsabilité est rejeté par certains citoyens qui se sentent pousser des ailes et se sentent au-dessus de tout", observait David Nicolas, maire sans-étiquette d'Avranches après les menaces subies par le député Bertrand Sorre.

La crise sanitaire a exacerbé les tensions. On sent des populations sous pression, on vit dans un climat anxiogène.

David Nicolas, maire d'Avranches

En 2020, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, 505 maires et 60 parlementaires ont été agressés dans toute la France. Il n'est en revanche plus possible de tenir la comptabilité des agressions verbales, des insultes et des intimidations entendues au quotidien par les élus de la République.

"Cet été, quelqu'un qui a été verbalisé parce que sa voiture était mal garée m'a écrit pour me dire : vos policiers méritent d'être lynchés", raconte Olivier Paz, le maire de Merville-Franceville (Calvados). "Avec les réseaux sociaux, la parole s'est libérée", souligne encore le président de l'Amicale des maires du Calvados. Après deux ans de pandémie et à quelques semaines de l'élection présidentielle, les élus sont en première ligne pour tâter le pouls du pays : "On est dans une époque particulière avec beaucoup de tension"

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