Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé le 26 mars 2020 l'arrêté du préfet de la Haute-Loire autorisant le prélèvement de 380 Grands cormorans lors de l'hiver 2017-2018. La LPO appelle l'administration a en "tirer toutes les conséquences".
C'est la ligue de protection des oiseaux LPO-France qui a relayé l'information mardi 30 mars sur son site internet. "Par un jugement du 26 mars 2020, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Loire qui avait autorisé la destruction de 380 Grands cormorans lors de l'hiver 2017-2018". L'association appelle l'administration a en "tirer toutes les conséquences" en renonçant "à autoriser de nouveau des opérations de régulation similaires".
Une espèce vraiment protégée ?
Par un arrêté du 26 octobre 2017, le préfet de la Haute-Loire autorisait "des opérations de régulations " pour abattre 380 Grands cormorans lors de l'hiver 2017-2018 , dont 350 sur les bassins de l'Allier et de la Loire et 30 sur des étangs de pêche. Son annulation par le tribunal administratif de Clermont-ferrand intervenu plus de 2 ans après a valeur de symbole." Nous avons presque autant d'arrêtés que de départements en France , nous en avons attaqué une bonne vingtaine " déplore Yves Vérilhac directeur général de LPO France."Les 3/4 du temps quand on n'obtient pas la suspension immédiate de l'arrêté , le jugement arrive 2 ou 3 ans après .Et que fait l'Etat ? Il reprend les mêmes arrêtés. Je connais aucun Français qui pourrait faire autant d'infractions sans se retrouver en prison" s'indigne cet originaire de la Haute-Loire, qui se dit aussi "pêcheur de loisirs" à ses heures.
Le Grand cormoran fait partie des espèces d'oiseaux protégés par un arrêté du 29 octobre 2009 . Néanmoins, un article du code de l'environnement prévoit des possibilités de dérogations, permettant notamment la régulation, " à condition de maintenir l'espèce dans un état de conservation favorable". Sollicitée la préfecture de Haute-Loire n'a pas donné suite à notre demande d'interview.
50 000 cormorans prélevés chaque année
"On se rend compte que de manière préventive et sans aucune démonstration, on tue de plus en plus de cormorans . En gros on en tue, 50 000 en France, ce qui représente la moitié de la population hivernante, c'est énorme " déplore le directeur général de la LPO. Pour l'administration, ces opérations de régulation en Haute-Loire ont pour but de limiter la prédation sur les peuplements piscicoles dans des plans d'eau de pêche et sur les espèces de poissons protégés, notament sur le saumon atlantique, espèce qui fait l'objet d'un effort important de repeuplement sur le département. Le directeur général de la LPO récuse l'argument. "On a jamais vu de prédateur qui fait disparaître sa proie, qu'est ce que c'est que ce phantasme !" s'exclame t-il. "On est prêt à accepter qu'on tire les cormorans sur les étangs de pêche, parce que des gens en vivent, que c'est une activité professionnelle.. mais pas sur les têtes de bassin, pas en amont des rivières".Le cormoran prédateur sous-estimé ?
Dans son jugement, le tribunal administratif a considéré que le niveau de prédation du Grand cormoran sur le saumon n'était appuyé par aucune étude récente, l'administration s'étant limitée à présenter des analyses de contenus stomacaux de grands cormorans prélévés en 2003-2004. Le président de l'association protectrice du saumon Loire-Allier, Louis Sauvadet fait part de son étonnemment. "C'est un petit peu abérrant ..il n'y pas d'etudes poussées sur l'Allier, mais il y a pourtant des éléments de preuve. Au sommet du bassin, vers les sources les cormorans exercent une prédation considérable " avance ce connaisseur."Autrefois, dans les années 70, on ne voyait pas de cormorans. Depuis quelques annnées, il a rempli pas mal d'espaces".Pour lui, il est à l'origine de la disparition des poissons blancs et de l'ombre commun de l'Allier, un poisson recherché par le pêcheur sportif. "Le comptage des cormorans n'est pas significatif du tout" soutient James Bouvier. Ce pêcheur participe à la régulation des cormorans au niveau du département de l'Ardèche avec l'association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (aappma) de Saint-Etienne-de-Lugdarès qui partage la moitié du versant de l'Allier avec les voisins lozériens de Langogne.
"Nous constatons sur notre secteur de rivière, la disparition de 3 poissons: l'ombre commun, les vandoises de l'Allier et les chevesnes. Il n'y pas eu d'étude qui prouve le rapport avec le cormoran mais disons que c'est le seul facteur qui est venu s'ajouter à l'écosystème " soutient ce professionnel, auteur d'un livret d'observations sur le sujet.