ANIMAUX. Comment ces chiens apprennent à devenir les yeux des personnes aveugles ou malvoyantes

Suki, Siska, Cheyenne... Ils sont tous "scolarisés" à Lezoux, près de Clermont-Ferrand. Ces trois jeunes labradors y apprennent leur futur métier : chien-guide d'aveugle.

Au centre de formation des chiens-guides de Lezoux, près de Clermont-Ferrand, les journées sont très structurées. Dès 5 mois, de jeunes pensionnaires y apprennent à guider les personnes malvoyantes ou aveugles. Stéphane Chamard, éducateur, dirige le centre de formation : “En ce moment, chaque éducateur a, à la semaine, 3 chiens. Au total, on a chacun entre 7 et 8 chiens répartis en famille d'accueil.” Stéphane s’occupe de Suki, Siska, Cheyenne, Saïko, Titch, Tango, et bientôt, 2 petits chiots vont eux aussi être placés sous sa tutelle, Unai et Ufi. “Un chien guide, c'est à la fois un chien de travail et un très bon animal de compagnie. Il doit être adaptable, équilibré au niveau comportement pour pouvoir aller là où n'importe quel chien ne peut pas aller”, explique Stéphane Chamard.  

Des journées bien remplies

Les étudiants de Stéphane sont hébergés sur le centre, comme dans un internat. “C’est comme une école. Il y a même des siestes !” raconte Stéphane. Les chiots arrivent à l'école après leur week-end de repos, pour leur plus grand plaisir, selon le directeur régional de l’association Denis Johannès : “Ils vont rester du lundi au vendredi et ils sont très contents de venir. Ils tirent sur la laisse !” Leur formation va durer jusqu'à l'âge de 2 ans. La journée type commence par une séance de toilettage, raconte Denis Johannès : “C'est un contact très important avec l'éducateur et, par la suite, le déficient visuel. On va vérifier qu'il n’a pas de maladie, de tique, de blessure, de foulure, de choses qui pourraient gêner son éducation.” Ensuite, commence le travail d'obéissance du matin, puis l'éducateur va partir avec le chien en ville ou en campagne, selon les parcours qu'il aura choisis, pour habituer son élève. “L’éducateur va lui faire découvrir les obstacles pour les faire éviter au futur déficient visuel, lui apprendre à se déplacer légèrement, sans faire d'à-coups, apprendre à éviter d'aller vers ses congénères. Il va être habitué à perdre un petit peu de ses instincts naturels qui consisteraient à aller où il veut, sentir ce qu'il veut, manger ce qu’il veut...” 

Des commandes très spécifiques

Stéphane apprend à ses élèves des commandes simples, mais aussi des ordres beaucoup plus spécifiques à leur futur métier : "Au niveau de l'obéissance, c'est assis, debout, couché, tu vas à ta place... Au niveau des recherches utilisées au guidage, c'est : cherche le siège, cherche la porte.... Au niveau du travail de guidage en ville, les demandes qui sont utilisées, c'est : en avant, à gauche, à droite, cherche les lignes...” Des objets du quotidien qui, pour les personnes malvoyantes, deviennent accessibles en quelques mots : “On fait faire des recherches de portes, de sièges, d'escaliers...” Mais les chiens sont également entraînés à désobéir. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, ces chiens doivent pouvoir aller contre un ordre de leur maître si celui-ci met leur sécurité en danger. Par exemple, aller tout droit s'il y a un trou dans la chaussée.

Une famille d'accueil avant de trouver son maître

Lorsqu’ils ne sont pas à l’école, les pensionnaires sont pris en charge par une famille d’accueil dès l’âge de 2 mois. “Le fait de placer le chiot en famille d'accueil, tout petit, nous permet de lui apporter cet équilibre émotionnel qui lui ouvre toutes les portes pour plus tard”, explique Stéphane. Mais ce n’est pas le seul apport de la famille, précise Denis Johannès : “Ce sont des bénévoles qui vont s'occuper du chien, le sociabiliser, le désensibiliser à tous les stimuli qui pourraient empêcher la formation : bruits de voiture, enfants... Lorsqu'il va commencer sa formation, déjà, il y a tout un tas de peurs qui se seront évaporées.” 

Éviter tous les obstacles

Grâce à cette formation, les chiens deviendront les yeux de leur maître et pourront circuler en sécurité, quel que soit l’environnement, selon Denis Johannès : “On utilise toutes ces commandes pour obtenir de son chien qu'il évite tous les obstacles. Le chien-guide quadrille son déplacement, il va de carrefour en carrefour, en gérant tous les obstacles que tout un chacun peut rencontrer dans la ville. Cela peut être une poubelle, ça peut être une terrasse de café, ça peut être une voiture stationnée sur le trottoir, ça peut être des travaux, ça peut être des balises qui bloquent le trottoir...”  

Un couple bien assorti

Une fois sa formation terminée, il faut déterminer quel chien peut correspondre à quel déficient visuel, indique le directeur : “C'est vraiment un couple, il faut que ça matche entre le déficient visuel, qui a son caractère, qui a son allure de marche... Un animal qui est vif, on va le mettre avec quelqu'un qui est vif, un animal qui est plutôt timoré, il va être adopté par la bonne personne. C'est un gros travail en amont que va faire l'éducateur, pour trouver le bon animal pour le bon maître. C'est la clé du succès parce que l'animal va rester de l'âge de ses 2 ans jusqu'à ses 9 ou 10 ans avec le déficient visuel, l'âge de sa retraite.” Trois chiens sont formés chaque année, par éducateur. Le temps moyen de demande sur l'ensemble des 2 écoles représente 7 mois d’attente. 

Des races choisies avec soin 

À 95%, les chiens-guides d’aveugle sont des labradors. Ils font de très bons guides, se félicite Denis Johannès : “C’est un chien qui a toujours faim. Ils sont éduqués à la récompense, donc à chaque fois qu'ils font quelque chose de bien, ils ont une récompense qui peut être gustative mais aussi une caresse, un geste, une parole. On a du croisé, du golden retriever, on a aussi également un petit peu de berger allemand, mais on a aussi des caniches royaux qui ont l'avantage de ne pas perdre leurs poils pour les gens allergiques.” En amont, un travail sur la sélection génétique du chien est effectué.  

Une méthode qui a fait ses preuves

Selon Denis Johannès, seul 1% des déficients visuels en France ont un chien-guide. Pourtant, il présente selon lui de nombreux avantages par rapport à d’autres méthodes : "La canne doit taper l’obstacle pour le signaler, alors que le chien, lui, va anticiper : il voit une poubelle, il va légèrement dévier. Il va s'arrêter au passage piéton, ce que la canne ne permet pas. C’est un deuxième cerveau quelque part, alors que la canne ne réfléchit pas. Il existe des cannes électroniques mais ce n'est pas encore la panacée par rapport à un chien. Le gros avantage aussi, c'est que la canne ne s'adapte pas aux changements d'obstacles dans votre rue, alors que le chien, lui, si entre hier et aujourd'hui, il y a des travaux, il va les éviter. Il va même éviter des obstacles en hauteur. Cela peut être un rétroviseur de camion, un coffre qui est ouvert... Il va vraiment regarder dans les 3 dimensions alors que la canne, elle, va taper les obstacles au sol.” 

Une journée portes ouvertes 

Le centre organise une journées portes-ouvertes dimanche 24 septembre, aussi bien pour les malvoyants que pour d’éventuels mécènes : "Cela nous permet de nous faire connaître auprès des déficients visuels. Tous ne connaissent pas cette solution. On veut aussi se faire connaître du grand public parce que l'essentiel, voire la quasi-totalité de nos subsides proviennent de dons privés, de legs et d'assurances vie. On a quelques petites aides du Département et une aide indirecte de l'État, parce que tous ces dons sont défiscalisés à hauteur de 66%.”

En effet, l’association doit équilibrer son budget. Selon Denis Johannès, les chiens sont remis gratuitement à ceux qui en ont besoin et tout est pris en charge par l’association : nourriture, frais vétérinaires, salaires des 13 salariés, véhicules pour transporter les chiens mais aussi hébergement des déficients visuels. L'éducation d'un chien guide dure 2 ans et coûte près de 25 000 euros.

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