TEMOIGNAGE. Guy et son chien-guide d'aveugle Pépère : "Je lui confie ma vie tous les jours"

Guy est non-voyant mais possède une paire d'yeux malicieux : celle de “Pépère” chien-guide d'aveugle mais surtout son fidèle compagnon. On a suivi les deux compères dans les rues de Clermont-Ferrand.

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“C’est mon meilleur copain”. C’est en ces termes simples que Guy Calandjon me présente son berger allemand. Un molosse de plus de 30 kilos m'accueille : “Ne vous fiez pas à sa stature imposante, il ne ferait même pas de mal à une mouche”, précise Guy tout en essayant de freiner le géant à quatre pattes par le harnais. En effet, ce berger allemand n’est pas un chien tout à fait comme les autres. Pérols- ou Pépère pour les intimes - est chien-guide d’aveugle. Pour Guy, il est un compagnon de route, voire bien plus. Aveugle depuis l’âge de 27 ans, pour lui, la vie sans berger allemand serait bien différente. Voulant créer du lien avec l’imposante boule de poils, je demande à Pérols de lui serrer la patte. “Perdu, il n’écoute que moi”, rit Guy. Je dénonce du favoritisme, Guy, lui de la loyauté.

"Tout pour son maître" 

Le bus arrive. Pépère se met au garde-à-vous. Histoire de signaler à son maître l’arrivée du bus. Dès que Pérols enfile son harnais, il est au boulot”, lance Guy. Pour un être qui suit à la lettre les protocoles, l'uniforme lui va bien. “Avance”, “Assis”, “À gauche”, "À droite”, “Doucement”, “Ralentis”, Pépère comprend une cinquantaine d’ordres : “On est habitués à faire la ligne 9 du bus, du coup, Pépère a retenu les stations. Il écoute l’annonce de l’arrêt et se lève dès que c’est le bon”. Pérols connaît les habitudes de Guy : ses cours de théâtre hebdomadaires, le local de son association, ses trajets en bus, …Au point que Guy avoue se laisser promener, parfois, par le chien : “Des fois, je peux me permettre de marcher avec le chien et d’être, dans le même temps, au téléphone. Même si l’éducateur m’a dit que ce n’était pas très sérieux de faire ça”, s'amuse le sexagénaire. Pépére se faufile dans le bus. Guy l'avoue, Pépère a tendance à “pousser” un peu. “Tout pour son maître”, susurre-t-il. “Pour lui, il n’y a que moi qui compte. Normalement, lorsque vous prenez le tram, vous attendez que les gens sortent pour entrer. Pépère, lui, non. Il fonce pour se faufiler et s’assurer une place”. Malgré la vigueur de Pépère, il est tout de même arrivé au sexagénaire de ne pas pouvoir franchir les portes du bus ou du tram : “On m'a interdit l’accès du bus ou du tram, deux fois, à cause du chien”. Mais comme son fidèle compagnon, Guy a du caractère : “Quand on me dit ça, je ne cède pas. Tant que j’ai raison. Je suis dans mon droit de toute façon”. En effet, le fait d’interdire l’accès aux lieux ouverts au public aux chiens-guides d’aveugles et d’assistance est puni d’une amende allant jusqu’à 180 euros.”Les gens se rendent vite compte qu’ils ont tort et finissent par le laisser entrer”, ajoute Guy. Le seul transport encore inaccessible pour Guy, c’est le taxi : “Ils ont peur que le chien salisse la voiture”, tente de justifier le sexagénaire. 

“Ce sont mes yeux” 

Poubelles, poteaux, voitures mal garées, … le parcours de Guy est semé d'embûches. Pépère fonce et slalome à l’image d’un pilote de formule 1. Pépère marche vite. Un vrai bolide. Guy l’assure : “La canne c’est une 2 cv, le chien c'est une Porsche”. Guy fait bien de comparer Pérols à une voiture parce que niveau prix Pépère s’en rapproche. Un chien-guide d’aveugle vaut environ 25 000 euros. Heureusement, Guy a eu Pérols gratuitement grâce à l'école de chiens-guides de Paris où il a pu adopté le berger allemand : “ L'école offre tous les chiens-guides aux personnes aveugles ou malvoyantes”, précise-t-il.

Avant d’avoir connu son premier chien-guide, Guy a dû se familiariser avec la canne. Il n’en garde pas de très bons souvenirs : “Avec une canne, je mets deux fois moins vite. Il faut toucher en permanence le sol, les murs, les obstacles. Je plains ceux qui marchent avec, ça ne doit pas être facile tous les jours”. Guy sent aussi une réelle différence entre Pérols et ses collègues labradors : “ Ce sont des chiens ‘bourins’ : ils filent tout droit, ils foncent dans la masse, ils n'ont peur de rien. Le berger allemand, c’est beaucoup plus fin. Tout est dans la subtilité. Ils sont moins têtus, plus attentifs”. Au fil de la balade, Guy continue de louer l’intelligence de Pépère : “Il arrive à faire le choix entre deux obstacles. Comme par exemple, une poubelle et une flaque. Entre les deux, il va quand même marcher dans la flaque d’eau. Il va juger que c’est moins grave de marcher sur une flaque que de se prendre une poubelle. Ces animaux-là sont plus malins qu’on ne le pense”.

Créer du lien social 

Il est temps de reprendre le tramway, trajet peu habituel pour Guy mais aussi pour le chien-guide. Pérols semble perturbé. “Ce sera l’heure de la leçon alors !", lance Guy. À chaque nouveau trajet, Guy doit lui réapprendre le chemin à parcourir : “Ce n’est pas un GPS ! Il ne connaît pas Clermont-Ferrand par cœur, défend le sexagénaire. C’est à moi de lui indiquer où il doit aller. Il arrive qu’il se trompe”.

Sur le quai du tramway, Pépère attire quelques regards curieux, plein d’empathie ou de crainte : “Il aime bien impressionner”, résume Guy, fier de son molosse au cœur tendre. Une passante s’approche de l’immense “toutou” et le caresse. Elle enclenche une discussion avec Guy ponctuée de gazouillis en faveur du chien. Elle s’émerveille devant le géant à quatre pattes : Il est magnifique ce chien. J’ai déjà eu des bergers allemands, ce sont des chiens formidables. Vous devez être content de l'avoir.“En parlant avec le chien, on finit par remonter la laisse et à discuter avec le maître”, analyse Guy avec humour.

Pour le sexagénaire, Perrols est un créateur de lien social inégalé : “L’avantage d’un chien-guide, c’est que les gens viennent plus facilement me parler. Ils viennent le caresser. Ils me demandent ensuite comment il s’appelle et ensuite ça crée un échange, une discussion. Sans chien, ils m’auraient, sans doute, ignoré voire se seraient éloignés ”. Mais parfois le chien ne fait pas l'unanimité : Les gens sont habitués à voir des labradors alors il se peut qu'ils râlent ou prennent peur en le voyant”. C'est également une façon de faire de nouvelles rencontres pour l’animal à quatre pattes : “L’avantage pour lui, c’est la rencontre avec les autres chiens. Pépère aime bien se faire des copains et des copines…. comme son maître”, s’en amuse Guy. 

“C'est mon meilleur pote” 

Guy et son fidèle compagnon partent faire quelques emplettes. Dans le magasin, Pépère est silencieux. Guy oublierait presque qu’au bout de la laisse parade un berger allemand de plus de 30 kg. “On ne le regarde pas trop ?”, demande Guy. Négatif. Pérols sait se faire discret quand il le faut. Guy se préoccupe beaucoup du regard que l’on porte à son compagnon. Le sexagénaire refuse que l'on colle une étiquette à son chien-guide d’aveugle : “C'est un chien comme les autres. Il a seulement une particularité en plus”.  

En sortant du supermarché, Pépère s’assied sur le bord du passage piéton près d'une intersection. Tout d’un coup, une voix surgit de nulle part : “Vous pouvez traverser”. Guy nous rassure : “C’est le feu sonore. Je ne peux pas savoir si je peux traverser ou non la route. Grâce à cette petite télécommande, j’actionne cette petite voix qui m’indique si le bonhomme est vert que je puisse traverser”. Une épine en moins dans la patte du guide qui peut se concentrer sur d’autres dangers. “Ce chien est déjà pas mal débordé, confie Guy avec empathie. Vous vous rendez compte, je lui confie ma vie tous les jours”.

Une confiance de tous les instants qui a noué un lien fort entre les deux colosses : “C'est mon meilleur pote. Il est tout le temps avec moi. Un vrai pot de colle”. Pourtant, Guy aussi a du mal à créer de la distance avec ses chiens. Il en a connu cinq dans sa vie. Il ne s’est séparé d’aucun d’entre eux : “La plupart des maîtres laissent les chiens vieillissants en famille d’accueil. Moi, je les garde”

Accepter sa cécité 

Être aveugle ou avoir un chien n’a jamais freiné les envies d’évasion de Guy. Avec ses quatre précédents compagnons de route, le sexagénaire a visité pas moins de 15 pays dans les quatre coins du monde. Cela n’aurait pas été possible sans la présence d’un chien-guide avoue Guy : “Ils m’ont permis de mieux accepter mon handicap. J’oublie parfois que je suis aveugle tellement tout est plus fluide, plus simple”. Grâce à l'acceptation de son handicap, Guy n'hésite pas à brûler les planches avec panache avec sa troupe de l'association Lee Voirien. Un jeu de mots qui va bien avec la personnalité de Guy : "J'arrive à dédramatiser et à rire de ma situation". La seule chose qui pourrait enlever ce sourire au visage de Guy serait que Pérols se sépare de lui. Mais à seulement trois ans, ce berger allemand est encore dans la force de l’âge. Cette petite boule de poils est pleine de vie et le fait savoir à coups de caresse sur la jambe de son maître. Histoire de lui rappeler qu’il veille toujours sur lui, mieux que n’importe qui.

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