Avec 700 détenus pour 568 places, “on va droit dans le mur” à la prison de Riom (Puy-de-Dôme)

Le syndicat FO de la prison de Riom, près de Clermont-Ferrand, tire la sonnette d’alarme. Avec 700 détenus pour 568 places, les conditions de vie des détenus et les conditions de travail des surveillants sont de plus en plus précaires.

La prison de Riom, près de Clermont-Ferrand, est surchargée. Le syndicat FO a donné l’alerte, alors que, ce mardi 19 mars, l’établissement accueille 132 détenus de plus que le nombre de places disponibles. Une situation intenable pour les détenus comme pour le personnel, dénonce Laurent Dona, secrétaire adjoint FO. “Il y a actuellement 80 détenus qui dorment au sol, avec une dizaine de cellules qui sont encore inutilisables du fait de problèmes de fenêtres, de réparations ou à la suite de feux de cellules. Il faut dire stop. On en appelle à la responsabilité du politique ! Les personnels subissent ces conditions de travail depuis de nombreuses années, les politiques ont abandonné, se sont désintéressés de l'administration pénitentiaire, tant sur le plan immobilier que sur le plan humain avec la crise du recrutement qu'on subit. On est en train de payer les conséquences de ce désintérêt. Les personnels sont confrontés à la violence. La promiscuité entre détenus génère de la violence aussi bien entre eux qu'envers les personnels.” 

Une arrivée massive en 2023

Pour lui, impossible de gérer autant de détenus, dans des lieux inadaptés à recevoir tant de monde : “Imaginez un enseignant qui aurait quatre-vingts élèves dans sa classe. Je pense que ni les parents ni les enseignants ne tolèreraient ces conditions de travail. Dans l'administration pénitentiaire, on continue avec les conséquences que je viens d'évoquer.” La surpopulation a augmenté progressivement. Ouvert en février 2016, le centre pénitentiaire de Riom a vu petit à petit, le nombre de détenus augmenter. “La grosse accélération a eu lieu en 2023. Sur l'année 2023, on a accueilli 110 détenus supplémentaires sur l'année, c'était vraiment colossal. On fait partie des 4 établissements de l'inter-région qui a pris le plus de détenus”, précise Laurent Dona. 

Il faut s'imaginer les collègues qui gèrent 70 détenus, pour certains, alors que l'étage est prévu pour 40 ! On a des détenus qui dorment au sol dans 8,5 m². C'est la taille de votre salle de bain, avec 2 détenus qui dorment dedans et qui vivent une bonne partie de la journée dedans.

Laurent Dona, secrétaire adjoint FO

Pour lui, ces conditions sont aussi bien préjudiciables aux surveillants qu’aux détenus : “On a des missions de garde et de réinsertion qui nous sont confiées par l'autorité judiciaire. On ne peut plus effectuer ces missions.” Cette surpopulation pénalise également la réinsertion des détenus : “On a toujours lié les conditions de détention avec les conditions de travail des personnels. Si on continue comme ça, on va droit dans le mur. Ça met en échec la politique de réinsertion, la politique de prévention des violences. On ne trouve plus de sens dans notre travail. Quand on est en sureffectif à l'étage, on n’a plus le temps de réaliser les observations. C'est un métier de contact humain, on va vers les détenus, on discute avec eux. C'est comme ça qu'on arrive à avoir des renseignements, à avoir leur ressenti, à vraiment percevoir quels sont leurs conditions de détention. Actuellement, on n’a plus le temps de faire ça, on distribue le repas, on ne prend plus le temps d'observer, de prendre contact avec la population pénale et c'est une forme de déshumanisation de l'incarcération”, explique Laurent Dona.  

Des violences de plus en plus fréquentes

Pour lui, une seule solution, revenir au taux d’occupation pour lequel l’établissement pénitentiaire est conçu : “Il faut faire baisser l'effectif, pour qu'on revienne à un taux de d'occupation normal, acceptable. On n'est plus en mesure d'exercer les fonctions et missions régaliennes qui nous sont dévolues. Il faut dire stop, on ne peut plus accueillir décemment les détenus et les personnels sont dans des conditions de travail déplorables.” S’il dénonce cette surpopulation, c’est que pour lui, elle menace directement la sécurité du personnel : “Il y a un lien très clair entre la surpopulation et une augmentation de la violence, une augmentation des agressions envers les personnels. On est l'un des établissements de l'inter région où il y a le plus d'accidents de travail liés à des agressions du personnel. Il y a évidemment des bagarres entre détenus qui sont pratiquement journalières et ça participe d'une atmosphère qui est de plus en plus violente.” Le centre pénitentiaire de Riom ne compte que 185 surveillants pénitentiaires sur les 218 prévus. 

Un taux d'occupation de 139%

Alain Reymond, directeur de l’établissement, est bien au fait de ce problème, qui prend de l’ampleur d’année en année. Il détaille : “Le centre pénitentiaire regroupe 2 régimes différents. Il y a un bâtiment, le centre de détention qui, lui, n'est pas concerné par la surpopulation. Il y a la maison d'arrêt et le quartier des femmes qui, eux, sont concernés par cette problématique de surpopulation.” La maison d’arrêt accueille 532 détenus pour 384 places, soit un taux d’occupation de 139%. Le centre de détention a un taux d’occupation de 91% avec 150 détenus pour 164 places. Les effectifs sont hausse constante depuis à peu près un an. “Cela comprend les effectifs du centre de détention qui n'est jamais en surpopulation puisque c'est l'administration qui est compétente pour affecter les gens. On veille à ne jamais dépasser la capacité théorique. Mais si on enlève le centre de détention, pour le reste, on était à peu près à 420 personnes il y a un an de ça. On est à plus de 530 aujourd'hui !” dénonce le directeur. 

Des demandes pour rajouter des lits

La direction a pourtant, selon lui, tenté de s’adapter à l’arrivée massive de détenus, en vain : "Il y a eu 2 demandes d'augmentation de capacité qui se sont fait successivement par l'installation de lits superposés dans des cellules simples. Il y a 2 fois 30 lits qui ont été ajoutés dans des cellules et malgré ces augmentations de capacité, on s'aperçoit que c'est toujours très insuffisant. On a une nouvelle demande qui est en cours pour rajouter des lits superposés.” Le problème de la surpopulation n’est pas nouveau pour Alain Reymond : “Dans tous les établissements dans lesquels j'ai pu exercer, j'ai été confronté de manière plus ou moins sévère à un problème de surpopulation pénale. Sur les secteurs maison d'arrêt, on a un taux d'occupation de 140%. Ce qui nous crée des difficultés, comme on a beaucoup de cellules individuelles, quand on doit doubler des cellules, on doit mettre des matelas au sol. Hier, on était à 87 matelas au sol.” 

Des incidents multifactoriels

S’il reconnait que détenus supplémentaires est souvent synonyme de hausse des violences, il nuance cependant : “Je ne serais pas aussi catégorique. S'il y a une augmentation de la population, il y a une augmentation des incidents parce que le nombre d'incidents est proportionnelle aux effectifs. Cela étant, il y a des incidents qui sont directement liés à la surpopulation. Ils sont dus à des incompatibilités de vivre ensemble en cellule, qui augmentent avec les effectifs et qui génèrent des incidents, directement liés à la surpopulation. Les violences, c'est moins évident parce qu'il y a d'autres facteurs qui entrent en jeu, comme les trafics, les problèmes psychiatriques et qui ne sont pas directement liés aux effectifs.” 

On est face à un problème qu'on subit, l'activité pénale génère des flux d'arrivants qu'on n'avait jamais connus avant. On essaie d’endiguer le problème sans pouvoir prétendre le régler, parce qu'on ne le maîtrise pas.

Alain Reymond, directeur du centre pénitentiaire de Riom

Mais pour Alain Reymond, la direction de l’établissement reste impuissante, face à ce problème de surpopulation. Il tente malgré tout de la limiter en trouvant des solutions d’urgence : “La première piste est cette demande d'augmentation de 60 places évoquée, qui a été adressée à la direction inter-régionale des services pénitentiaires de Lyon. La deuxième est d'activer au maximum les dossiers d'orientation des gens qui ont des reliquats de peine supérieurs à 2 ans, pour qu'ils soient affectés dans les centres de détention de la région. La troisième piste, c'est la possibilité qu'on a, depuis seulement 3 mois, d'orienter les gens vers la SAS de Valence. C'est la structure d'accompagnement à la sortie, qui est une structure de prise en charge très intense au niveau de la préparation à la sortie pour des catégories de détenus qui ont moins de 2 ans de reliquat. C'est 90 places de plus sur l'inter-région. Si on peut faire partir une dizaine de détenus par mois sur cette structure, c'est déjà ça de gagné.” Toutes ces mesures mises bout à bout devraient permettre de réduire l'écart entre le nombre d'entrées et le nombre de sorties. 

Une réinsertion compromise

Pour lui, retrouver un taux d’occupation normal est urgent, pour préserver le personnel, débordé : "Il est certain que l'augmentation des effectifs a un impact sur les conditions de travail des personnels. Sur une coursive où, ordinairement, vous avez 50 détenus, si vous en avez 70 ou 80, le surveillant va être confronté à des incidents liés à des incompatibilités en cellule. Les sollicitations vis-à-vis des surveillants vont être multipliées et, quand les effectifs augmentent, le nombre de surveillants, lui, n'augmente pas.” Alain Reymond explique également que cette surpopulation affecte les détenus qui souhaitent avancer dans leur réinsertion : “L'offre d'activités ou d'intervenants, qui vise à favoriser la réinsertion des détenus, va être partagée entre un plus grand nombre. Plus les détenus sont nombreux, moins ils y auront accès, ou de manière moins intense qu'avec 100 détenus de moins, comme c'était le cas il y a un an.” Garder une population carcérale maîtrisée permet d’améliorer les conditions de détention, de travail des personnels mais aussi de préparer la réinsertion, prévenir la récidive, et lutter contre le suicide. 

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