Clermont-Ferrand : comment le mystère d'étranges perturbations téléphoniques a été résolu

Cet été, le réseau de téléphonie mobile a été victime de bugs inexplicables à Clermont-Ferrand et dans des communes voisines. Aidée de la police, l’agence nationale des fréquences a pu remonter jusqu’au responsable de ce brouillard numérique qui a impacté de nombreux habitants.

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Bugs inexpliqués, panne de réseau, interférences… A Clermont-Ferrand et dans plusieurs communes aux alentours, des usagers se sont retrouvés plongés dans un brouillard numérique l’été dernier. Un scénario digne d’un film d’espionnage a permis d’identifier l’origine de ce brouillage. Dans un communiqué, L’Agence Nationale des Fréquences (ANFR) raconte avoir été saisie, « en l’espace de quelques jours, de trois demandes d’instruction de brouillage concernant une même zone du Puy-de-Dôme, par deux opérateurs mobiles différents. » L’ANFR effectue alors des analyses qui révèlent que pas moins de 24 sites mobiles sont perturbés « et ce, dans plusieurs bandes de fréquences et pour plusieurs technologies, parmi lesquelles l’UMTS 900 (3G) et le LTE 800 (4G) se trouvaient particulièrement impactés. »

Une enquête "sensible"

Démarre alors une enquête, « particulièrement sensible au vu de l’ampleur du brouillage ». Après avoir informé Eric Maillaud, procureur de la République de Clermont-Ferrand, 2 agents de l’ANFR du Service Régional de Lyon sont dépêchés près d’Orcines pour réaliser des mesures au pied d’une des antennes-relais concernées. Le constat est sans appel : « des signaux brouillaient effectivement plusieurs bandes affectées aux réseaux mobiles. » A l’aide une antenne directive sur leur analyseur, les deux enquêteurs localisent la perturbation, qui provenait « sans équivoque » de Clermont-Ferrand. Mais la tâche est de grande ampleur : « Il restait donc à localiser précisément la source du brouillage – ce qui s’apparentait, dans cette ville de plus de 140 000 habitants, à chercher une aiguille dans une botte de foin ! »

Un brouilleur de téléphonie mobile en cause

Pour mener à bien leur mission, ils utilisent un radiogoniomètre fixé sur le toit de leur véhicule laboratoire dernière génération et se lancent dans un véritable jeu de piste : « Sur la route de Clermont, nos deux enquêteurs suivirent ses indications. Quelques dizaines de minutes plus tard, les voilà garés. Mais le quartier désigné les remplit de perplexité : formé de nombreux immeubles d’habitation, il comportait plusieurs dizaines de logements… »  Mais, ayant localisé la source des perturbations et se trouvant à proximité, les deux agents peuvent maintenant identifier sa nature : grâce « à plusieurs relevés spectraux »,  ils constatent avec stupéfaction que la « signature ne laissait aucun doute quant au fauteur de trouble : il s’agissait d’un brouilleur de téléphonie mobile ! »

La police mobilisée

Mais les deux enquêteurs devaient encore trouver le lieu exact où était caché ce brouilleur, une tâche difficile dans un quartier qui compte de nombreux immeubles et des dizaines de logements. Les agents se sont armés de patience : « Plusieurs passages dans le quartier avec le véhicule de mesure furent alors nécessaires pour identifier l’immeuble qui hébergeait le brouilleur. Maintenant, il fallait appeler du renfort pour aller plus loin, car il s’agissait désormais de rentrer chez des particuliers. » Pour cela, l’ANFR a reçu le concours de la police de Clermont-Ferrand : « La police, après sollicitation du Procureur, décida de monter sur le champ une opération avec des effectifs permettant une intervention sécurisée, le quartier étant réputé sensible. En début d’après-midi, les agents de l’ANFR se rendirent donc dans l’immeuble identifié le matin même, accompagnés des policiers. »

"Un policier frappe à la porte, une dame ouvre…"

L’ANFR rapporte les propos de l'un des agents : « Nous nous garons assez loin et terminons à pied. Le bâtiment est une barre d’immeuble de 9 étages avec 2 cages d’escaliers. Nous arpentons avec des policiers les étages et identifions l’appartement, antenne directive à la main, bien qu’il reste toujours une part d’incertitude. Avant de frapper à la porte, les policiers appellent la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI). 6 policiers de la BRI, cagoulés, casqués et armés de fusils d’assaut nous rejoignent. Ils ont également le nécessaire pour faire sauter la porte (un vérin ainsi qu’une bonbonne d’air comprimé). En complément, 3 policiers en tenue sont en bas de l’immeuble pour sécuriser les véhicules et éloigner les badauds. Un policier frappe à la porte, une dame ouvre… La BRI investit l’appartement, tout va très vite. Après un contrôle des occupants, nous pénétrons les lieux et cherchons le brouilleur. Il s’agit d’un brouilleur multi-bandes, installé dans un tiroir de meuble TV. Nous le débranchons immédiatement et un OPJ le met sous scellés. Un policier de la brigade des stups est appelé et contrôle les lieux à l’aide de son chien ».

Jusqu'à 6 mois de prison

La perquisition ne révèlera finalement la présence d’aucun produit stupéfiant. Le propriétaire du brouilleur était absent au moment de l’intervention. Il fait l’objet d’une convocation et est ensuite entendu par les forces de l’ordre. « En effet, la possession et l’utilisation d’un brouilleur d’ondes constituent des infractions pénales. Elles sont soumises à une sanction pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison et 30 000€ d’amende ». La raison avancée par le propriétaire de ce puissant brouilleur laisse les enquêteurs « pensifs : il assura qu’il ne l’avait mis en œuvre que pour empêcher les voisins de se connecter en WiFi sur la box de son appartement ! Avait-il pensé à connecter ses propres appareils par câble ? Car il avait potentiellement transformé tout son quartier en zone blanche, qu’il s’agisse de WiFi, de GPS ou de mobile ». 

"L’utilisation de brouilleurs peut avoir des conséquences graves tant économiques que sécuritaires"

L’ANFR indique être régulièrement saisie pour intervenir sur des brouillages dont la cause est l’utilisation d’un brouilleur d’ondes (téléphonie mobile, WIFI, GPS...). Elle alerte sur ces appareils parfois utilisés pour commettre d’autres délits : « L’utilisation de brouilleurs peut avoir des conséquences graves tant économiques que sécuritaires. En plus d'être utilisés dans le cadre d'activités criminelles, les brouilleurs peuvent mettre en danger des vies humaines. Ils font partie de la panoplie des criminels pour commettre leurs méfaits : neutralisation du système d'alarme sans fil dans le cadre de cambriolages, brouillage des ondes envoyées par les clés électroniques pour déverrouiller les portières et s’emparer d’une voiture, mise hors service de la localisation du véhicule pour commettre des vols de voitures de luxe ou de camions transportant des marchandises de valeur. » Mais ces méfaits ne sont pas les principaux dangers des brouilleurs d’onde, indique l’agence : « Les brouilleurs de téléphonie mobile peuvent empêcher, sur une zone plus ou moins importante, des appels d'urgence ou l'alarme du personnel des services d'urgence comme les pompiers, les policiers ou les médecins. »

Qu’est-ce qu’un brouilleur radioélectrique ?

L’ANFR décrit le brouilleur comme un "émetteur radio conçu pour brouiller, perturber ou bloquer les signaux ou services de radiocommunication. En général, il agit en émettant plus fort que les signaux utiles, sur la bande de fréquence visée. Les signaux utiles ne sont alors plus détectés par les récepteurs." Le champ d’action de ces appareil est « souvent plus large qu’on le pense ou que ne le laisse supposer le vendeur. » L’ANFR précise : « L’utilisateur se trouve d’ailleurs souvent dépassé par la portée de l’équipement : elle n’est jamais circonscrite à un petit espace, comme une pièce ou un véhicule ! Par exemple, un brouilleur utilisé dans une salle de classe pour empêcher les élèves d’utiliser leurs portables peut perturber la téléphonie mobile d’un quartier entier ! De même, un brouilleur de GPS utilisé par un employé qui veut cesser d’être géolocalisé par son employeur peut perturber des avions volant à 2 000 mètres d’altitude ou parqués à 500 mètres. L’utilisation d’un brouilleur constitue une perturbation délibérée et offensive du spectre radioélectrique. »

Il existe plusieurs types de brouilleurs qui perturbent :

  • la téléphonie et l’internet mobiles : GSM, UMTS, LTE ;
  • d’autres réseaux de transmission sans fil : WiFi, réseaux locaux sans fil RLAN, WiMax ;
  • des applications comme la réception des signaux de géolocalisation satellitaires (GPS, Galiléo...), des caméras ou des alarmes sans fil...

« Un brouilleur radioélectrique a le plus souvent la forme d’un boîtier électronique muni d’une ou de plusieurs petites antennes, selon le nombre de bandes de fréquences qu’il peut perturber. Dans ce dernier cas, il est qualifié de multi-bandes », décrit l’ANFR, ce qui correspond au modèle utilisé à Clermont-Ferrand.

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