Clermont-Ferrand : face à la recrudescence des allergies alimentaires, comment les cantines scolaires s'adaptent

Depuis quelques années, les allergologues constatent une augmentation du nombre d’allergies alimentaires chez les enfants. Pour ceux qui sont scolarisés et qui mangent à la cantine, la mairie de Clermont-Ferrand met en place un système de surveillance, afin de diminuer tout risque d’accident.

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C’est un constat indéniable que réalisent de nombreux médecins. Depuis quelques années, le nombre d’allergies alimentaires est en augmentation chez les enfants. Elles frappent en particulier les plus jeunes. Elodie Michaud, pédiatre et allergologue au CHU Estaing de Clermont-Ferrand, constate : « Les allergies alimentaires augmentent depuis des années, comme toutes les allergies en général. On en voit de plus en plus chez des enfants qui sont jeunes, c’est-à-dire des moins de 5 ans. Ils souffrent d’allergies immédiates, avec des signes rapides dès l’ingestion de l’aliment, et qui peuvent être les plus dangereuses car elles déclenchent des chocs anaphylactiques. Elles peuvent mettre en danger la vie de l’enfant. L’allergie à la cacahuète et à la noix de cajou sont les plus classiques ».

Des signes qui doivent alerter

Les signes sont parfois évidents et l’allergie peut durer plus ou moins longtemps : « Un enfant peut présenter de l’urticaire généralisé, associé à une toux ou à des vomissements. Il peut faire des chutes de tension. Le diagnostic est alors simple à établir. Chez le tout petit, il peut y avoir l’allergie au lait et à l’œuf. Ces allergies ont tendance à disparaître avec le temps. Il y a des allergies sévères comme le lait qui peuvent perdurer et qui impactent le quotidien des enfants ».

Des réactions rapides

C’est le contact immédiat avec l’aliment allergène qui déclenche une réaction : « Dès que l’enfant est en contact avec un allergène, la muqueuse buccale commence à réagir. Cela dépend si l’aliment est consommé en petite ou en grande quantité, et une réaction se développe au moment où l’aliment rentre en contact avec la muqueuse digestive. Que cela soit les cellules de la bouche ou du tube digestif, le corps réagit ».

Le problème du gluten

Pour ce qui est du gluten, il faut être mesuré. Le Dr Elodie Michaud souligne : « Il y a plusieurs choses à distinguer pour le problème du gluten. Il y a ceux qui sont réellement allergiques au blé. Il y a ceux qui ont une maladie céliaque et qui ne grossissent pas quand ils sont petits. Ce sont des choses relativement rares mais qui existent. Pour ce qui est de l’intolérance au gluten, c’est compliqué à diagnostiquer car les symptômes ne sont pas toujours très francs. Il y a une espèce de mode de l’intolérance au gluten : les gens ont l’impression d’avoir mal à la tête et au ventre, mais c’est un mécanisme qui n’est pas forcément bien établi. Cela intervient plus tard, dans la seconde partie de l’enfance, entre 10 et 15 ans. C’est authentifié à l’âge adulte. L’intolérance au gluten est parfois un état d’esprit parental et des gens qui ne veulent pas exposer leur enfant au gluten pour des raisons philosophiques ».

Différentes causes

Plusieurs explications peuvent expliquer le développement des allergies. La praticienne hospitalière indique : « Le fait d’avoir des parents atopiques (prédisposition génétique au développement cumulé d'allergies courantes elles-mêmes,NDLR) et à risques fait que les enfants ont plus de risques de développer une allergie. On a beaucoup évoqué la théorie de l’hygiène. Dans les années 50, on était exposé aux bactéries et aux allergènes de façon brute : l’organisme n’apprenait pas à les reconnaître sur un mode inflammatoire et allergique. On est dans un monde un peu trop aseptisé et on donne un peu trop facilement des antibiotiques pour toute infection bactérienne. Si on altère le microbiote très petit, il devient pauvre et potentiellement il s’oriente vers une réaction inflammatoire ». Elle poursuit : « On peut avoir des accidents à l’école avec des enfants qui avaient été exposés à des aliments sans problème. Mais c’est relativement rare et c’est beaucoup moins fréquent que l’exposition à un allergène dans les jeunes années. Pour la cacahuète, ça peut commencer dès 18 mois, quand l’enfant commence à picorer des gâteaux apéritifs. Les accidents de cantine ont lieu pour des aliments qui n’ont pas ou ont été peu consommés par les parents. C’est le cas pour le céleri ou le soja ».

Des traitements

Contre ces allergies, des traitements sont possibles : « Tout dépend de l’allergène en cause. Il y a des allergies alimentaires qui ont tendance à disparaître comme le lait, l’œuf, le blé. Elles régressent spontanément avec le temps alors que d’autres sont pérennes. Une fois que vous êtes allergique à la cacahuète, dans 80% des cas, vous allez rester allergique. On met en place des techniques de désensibilisation, c’est de l’induction de tolérance alimentaire orale. Il y a une habituation progressive à l’allergène : vous donnez de petites quantités d’allergène tous les jours selon un protocole établi et vous exposez votre enfant. Vous augmentez les doses progressivement. C’est comme cela qu’on arrive à créer de la tolérance autour de l’allergène. Le mécanisme allergique est acquis. On peut le combattre en activant les voies de la tolérance sur le système immunitaire. On peut obtenir des résultats très rapidement mais il faut continuer à exposer le patient à l’allergène pour pérenniser l’action mise en place ». Bien souvent, la découverte de l’allergie vient profondément bouleverser le quotidien des enfants.

Un quotidien chamboulé

La pédiatre précise : « Dès que vous mangez à l’extérieur, cela devient un danger permanent. Tout dépend de la quantité d’allergène qui déclenche la réaction. Il y a des enfants qui devront manger plusieurs poignées de noisettes avant de déclencher une réaction. C’est lié au niveau de sévérité de l’allergie ». Pour la cantine, un protocole se met alors en place : « On établit le diagnostic et le nombre d’allergènes à éviter. On met en place un système de protection et on va donner ce diagnostic aux cantines. En fonction de l’allergène et de la sécurité qui peut être fournie, les cantines mettent en place une éviction simple. Si on est sur de l’allergène masqué comme du lait, malheureusement les cantines ne sont pas toujours en mesure de fournir un gage de sécurité pour que l’enfant ne fasse pas de réaction. A ce moment-là, l’apport du panier repas est réalisé par les familles. On fournit à l’école une trousse d’urgence pour réagir ».

Un nombre de cas en augmentation

A Clermont-Ferrand, la part des élèves allergiques alimentaires a grossi au fil des années. Stéphanie Tronel, responsable des infirmières scolaires à la mairie de Clermont-Ferrand en charge de la prévention et de la santé infantile, explique : « A Clermont-Ferrand, on compte 9 400 élèves scolarisés de la maternelle au CM2. Parmi eux, 6 600 enfants mangent au restaurant scolaire. Sur ces enfants, on a 400 PAI (Projets d’accueil individualisé) : ce sont des contrats faits entre l’école, les parents et la municipalité pour pouvoir accueillir les enfants en toute sécurité sur le temps scolaire et périscolaire. Les PAI sont fait pour des enfants qui ont des maladies chroniques. Sur les 400 PAI, on compte 130 allergies alimentaires. C’est un chiffre qui est plutôt en augmentation ».

Des solutions ou des paniers repas

Des solutions d’adaptation sont alors proposées . « Pour les allergies alimentaires, si un enfant est allergique à l’arachide, les parents contactent le directeur de l’école. Ils fournissent à l’école le traitement. Si l’enfant mange à la cantine, on va regarder ce que préconise le médecin scolaire. Il peut proposer une éviction de l’arachide des menus si c’est compatible avec le service de restauration. Puis je vois avec le service de restauration et on décide s’il est possible d’enlever l’huile d’arachide. En l’occurrence, oui. On peut alors dire aux parents qu’ils n’ont pas besoin d’apporter un panier repas et que l’éviction de l’arachide est possible. S’il y a des cacahuètes en dessert, il y aura un aliment de substitution. On essaie d’accueillir le plus d’enfants possible à la cantine, sans faire de discrimination et en toute sécurité ».

Différents cas de figure

Stéphanie Tronel insiste : « Pour les allergies alimentaires, on réalise une cinquantaine d’évictions et les parents fournissent une soixantaine de paniers repas. Dans les évictions, on a 12 enfants avec une allergie à l’arachide, 11 enfants pour les fruits à coque, 9 enfants pour les fruits crus, 8 enfants pour les kiwis, 5 enfants pour les poissons et les crustacés, d’autres pour les œufs. Quand c’est plusieurs allergies à la fois, cela peut être plus compliqué à gérer. Mais les agents de restauration regardent la composition des plats et sont formés ».

Des cantines qui s'adaptent

Les paniers repas sont fournis par les parents quand l’allergie est trop complexe à gérer. « Au départ, les évictions n’existaient pas. Soit l’enfant ne mangeait pas à la cantine, soit il avait un panier repas. En proposant des évictions, ça a été un plus pour les parents. Il y a 3 unités de production centralisée (UPC) à Clermont-Ferrand et on ne peut pas faire du cas par cas. Il faut que cela reste simple pour proposer ces évictions » raconte la responsable des infirmières scolaires.

Des agents formés

Elle affirme que le personnel est formé en cas d’accident : « Dans le cadre du PAI, tous les enfants qui ont une allergie ont des médicaments d’urgence à l’école. Ils sont à la restauration si c’est une allergie alimentaire. L’infirmière de l’école forme les agents à l’utilisation des médicaments d’urgence. Si on découvre une allergie à la cantine dont on n’avait pas connaissance, on appelle le 15 ». Depuis la rentrée, le personnel scolaire doit s’adapter aux changements qui s’opèrent d’une année sur l’autre, afin que la restauration pour les enfants souffrant d’une allergie alimentaire ne soit pas un casse-tête et ne représente surtout aucun risque.

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