Comment ce médecin du CHU de Clermont-Ferrand a décidé d'agir pour aider l'Ukraine

Laurent Gerbaud, médecin au CHU de Clermont-Ferrand, est d’origine ukrainienne. Pendant près de 15 ans, il est allé régulièrement en Ukraine pour un programme de santé. Aujourd’hui, il raconte comment il a décidé d’agir.

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« Un cauchemar éveillé » : c’est en ces mots que Laurent Gerbaud évoque la guerre en Ukraine. Le conflit dure depuis déjà un mois et le médecin directeur du pôle santé handicap de l’Université Clermont Auvergne et professeur de santé publique au CHU de Clermont-Ferrand a du mal à cacher sa tristesse. Ses liens avec l’Ukraine sont forts puisque sa grand-mère maternelle est née en Ukraine occidentale, à Kolomyia. Le Pr Laurent Gerbaud explique : « Je n’ai plus de famille en Ukraine. Elle a été considérablement décimée lors de la Seconde guerre mondiale. Les survivants sont partis en France ou aux Etats-Unis. Ma situation est encore plus particulière parce que ma femme est russe ».

"Il y a des tas de gens dont je n’ai pas de nouvelles"

Le 25 février dernier, il aurait dû être en Ukraine, auprès de la section pédiatrique de l’académie de médecine pour laquelle il intervient tous les ans. Il explique: « Il y a des zones de combat que je connais. J’y suis allé des dizaines de fois. Je peux vous citer les bons restaurants, les endroits sympas pour dormir. Il y a des tas de gens dont je n’ai pas de nouvelles et je ne sais pas s’ils sont morts ou vivants ». Ses contacts avec l’Ukraine sont pour le moment compliqués : « Mes principaux contacts sont à Ivankiv et la ville est occupée par l’armée de Poutine. J’ai des échos un peu épars. Je connais aussi en Ukraine pas mal de personnes de l’opposition bélarusse réfugiées en Ukraine. Ils souhaitent être discrets de peur d’être pris par les services secrets bélarusses qui ne sont pas loin des troupes de Poutine ».

Un groupe de travail au CHU de Clermont-Ferrand

Le Pr Laurent Gerbaud a décidé d’agir. Il participe à un groupe de travail qui est né au CHU de Clermont-Ferrand : « On a été très rapidement au moins une vingtaine à se mobiliser. Le principe que l’on a pris est de s’inscrire dans la durée. Même si les combats s’arrêtaient rapidement, ce que je ne crois absolument pas, la question de la reconstruction des hôpitaux et de l’aide à la santé des populations va durer plusieurs mois. De plus, l’Ukraine n’est pas un Etat failli. Il continue à fonctionner. Il faut qu’on parle avec les structures ukrainiennes. Il y a aussi des grandes organisations non-gouvernementales comme la Croix-Rouge, Care, l’aide caritative mutuelle Ukraine-France, Médecins sans frontières, qui travaillent avec l’Etat ukrainien. Les trains qui évacuent actuellement de l’est vers l’ouest de l’Ukraine repartent la nuit remplis de matériel ». Le médecin poursuit : « L’objectif est de mettre en place une aide durable, d’hôpitaux à hôpitaux, en direction de l’Ukraine. On veut le faire pas tant par le don de matériel, car il est utile mais pose de gros problèmes de logistique, mais plutôt par le don d’argent. On demande par exemple au personnel de donner une demi-journée par mois de salaire ».

Des premiers résultats

Le groupe de travail a déjà porté ses fruits : « Il y a eu des livraisons immédiates de matériel, de médicaments, qui ont eu lieu car on a été contactés par des Ukrainiens qui vivent à Clermont-Ferrand. Ils avaient des contacts avec des hôpitaux. Mais maintenant, on essaie de coordonner tout cela. Il y a plutôt une plateforme logistique qui est organisée par le CHU de Bordeaux. C’est une action très différente de ce qu’on a pu voir lors de précédentes catastrophes humanitaires, comme les tsunamis ou les tremblements de terre ». Ce groupe de travail est piloté par Christine Rougier, la directrice générale adjointe du CHU de Clermont-Ferrand. Il regroupe des médecins, des cadres, des soignants, des administrateurs, des pharmaciens, des personnels de laboratoire. « Ma maison est trop petite mais j’aide aussi, par le biais de voisins, des réfugiés ukrainiens » confie le Pr Laurent Gerbaud.

Un programme de santé de 2006 à 2020

S’il tient à aider l’Ukraine c’est parce qu’il a lié des relations très fortes avec le pays par le passé. A partir de 2006, il a participé à un programme de santé de la mère et de l’enfant dont il a été le coordonnateur pour la partie française. Il était développé dans le nord de la région de Kiev, dans la ville d’Ivankiv.


Le programme a été impulsé par le CHU et la Ville de Clermont-Ferrand. Le médecin raconte : « Un premier programme portait sur la requalification des services de maternité de l’hôpital d’Ivankiv, car ils avaient un matériel qui était très ancien. Il y avait aussi des pratiques à mettre à jour. Il y avait un deuxième programme pour évaluer les contaminations au Césium 137 des mères et des enfants dans le cadre de suivis de grossesses, dans la région de la zone d’exclusion de Tchernobyl. Un autre programme portait sur des dépistages chez les enfants de 4 à 16 ans sur les risques de contamination. Il y a eu un programme d’identification des sols avec des personnes du laboratoire de physique de Clermont-Ferrand, dont je ne me suis pas occupé. Enfin, on a fait venir des Ukrainiens en Auvergne pour leur montrer comment étaient organisés les hôpitaux français. Ils venaient de Kiev et d’Ivankiv principalement ». Le programme, pourtant bien évalué par l’Union Européenne et les autorités ukrainiennes, s’est arrêté en 2020. Désormais, le Pr Laurent Gerbaud pense à l’après. Il conclut : « Il faut aider l’Ukraine. Rien n’est pire pour le régime de Poutine que d’avoir un régime démocratique qui vit bien économiquement et dans lequel il y a une minorité qui parle russe, avec des médias indépendants. Je rappelle toujours ce qu’a dit Vaclav Havel, lorsqu’il a été élu président de la République tchèque : « Tant qu’il n’y aura pas de démocratie en Russie, il n’y aura pas de paix en Europe » ».

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