Coupe du monde des quartiers de Clermont-Ferrand : "C'est mieux qu'une finale de Ligue des Champions"

La Coupe du monde des quartiers enflamme Clermont-Ferrand jusqu'au 1er juillet. Le plus grand rendez-vous de football populaire de la capitale auvergnate a repris ses droits. À travers cet événement, une bande de potes s’est donnée pour mission d’unir la ville autour du pur plaisir du ballon rond.

Beaucoup se souviendront de la soirée du 10 juin. Certains pour la belle frappe à l'entrée de la surface de l’international espagnol Rodri qui permet à Manchester City de gagner sa première ligue des Champions. Et d’autres se rappelleront pendant longtemps de leur Coupe du Monde des quartiers qui leur aura laissé des étoiles dans les yeux. Dans les quartiers nord de Clermont-Ferrand, la quatrième édition du tournoi de foot populaire rebaptisé Coupe du Monde des quartiers a réuni, sans efforts et face à une autre belle affiche footballistique le soir même, près de 5 000 personnes. Objectif : remettre la balle au centre de la ville. “C’est un événement qui rassemble tous les habitants, qu’ils soient du quartier ou non. Ça réunit les mamans, les enfants, les familles, les vieux, les jeunes. Bref, tout le monde peut venir à cet événement. Ce n’est pas qu’un tournoi de quartier”, explique Bilal, un des quatre organisateurs de cette compétition populaire. Le principe du tournoi est simple : huit équipes de huit pays différents s’affrontent. Nouveauté, la CDM sera sous une formule allégée étalée sur quatre semaines au lieu de cinq. “On a pensé au Tour de France. On ne voulait pas empiéter sur leur calendrier”, avoue Boucif, organisateur et fondateur de ce tournoi populaire.

Une bande de potes et un ballon 

Au pied du stade Gabriel-Montpied, une centaine de bénévoles sur le front, talkie-walkie à la main et badges autour du cou. Au premier coup d'œil, tout a l’allure d’un véritable match de Ligue 1. Mais ce sont bien leurs voisins et amis que vont supporter les milliers de personnes qui affluent vers les tribunes. Derrière toute cette effervescence, dans les coulisses, se cachent quatre amis d’enfance : Boucif, Bilal, Bouba et Ava. Ce qui était au départ qu’un simple tournoi entre potes a désormais pris de l'ampleur. Il est loin le derby organisé sur le terrain de foot du quartier. Boucif se souvient : “On jouait sur un petit terrain de quartier. Avant même qu’il construise le city-stade, on tapait déjà dans le ballon.  Maintenant, on se retrouve à faire nos plus beaux dribbles sur un stade de Ligue 1. Si tu m’avais dit ça, il y a 5 ans, je t'aurais pas cru”. Le match entre amis deviendra alors la CAN des quartiers. Résultat : 2 000 personnes réunies aux abords du terrain de foot au pied des bâtiments HLM.

Victime de son succès, la compétition se délocalise au stade Gabriel-Montpied et devient la Coupe du Monde des quartiers. Un rêve de gosse pour le jeune Boucif. “À peine il a su tenir sur ses jambes qu’il a déjà voulu taper dans un ballon”, témoigne la mère du jeune Clermontois, émue. La belle histoire ne s'arrête pas là. Grâce à ce tournoi, le jeune de 25 ans a réussi à toucher du doigt son rêve : devenir footballeur professionnel. Il évolue actuellement au sein d’un club en Slovénie. Et il le doit à ce tournoi : “J’ai posté une vidéo d’un des matchs. Un recruteur est tombé dessus et a cru que je jouais dans un club. En regardant sur internet, il s’est vite rendu compte que non”, rit le jeune influenceur. Il poursuit : “Ce tournoi, ça peut vraiment changer la vie des gens. J’en suis la preuve et c’est pour ça qu’on continue”. La culture foot, c’est dans l’ADN du quartier. Plus d’un tiers des joueurs jouent en R1 ou N2 voire même en Ligue 2 et Ligue 1. La coupe du monde des quartiers, c’est, en quelque sorte, leur centre d'entraînement. Attentif dans les tribunes, Mehdi Zerkane, joueur professionnel au sein du Nîmes Olympique, suit chaque action de son équipe favorite, l’Algérie. Évident pour lui qui a joué pour la sélection des fennecs, il y a quelques années de cela. "J'aime bien donner de la force aux gens de mon quartier. C'est pour cela que je suis là aujourd'hui. Je suis fier de cet événement. Ça reste un moyen pour les jeunes de se faire recruter, sachant qu'il y en a certains qui sont très bons"Au départ, Medhi est venu uniquement supporter le club de son cœur, mais la ferveur du football a eu raison de lui, ce soir-là. Il rechausse les crampons et n’hésite pas à prêter main-forte à ses amis d’enfance. “Il a vu les frappes, les accélérations, le ballon toucher la barre transversale, il n'a pas pu résister”, s’amuse Ava tout en regardant son ami enfiler le maillot à la va-vite. 

Maes, Heuss l’Enfoiré et Karim Benzema 

Les centaines de personnes massées devant les grilles, à deux heures du coup d’envoi, donnent le ton. Des jeunes adolescents armés de leurs smartphones trépignent d’impatience. Ils attendent l’arrivée des influenceurs promis par l’événement. “La Flèche, la flèche, la flèche !” scandent les jeunes supporters. Ils se bousculent pour prendre une photo avec l’influenceur aux plusieurs milliers d’abonnés.

Encore une prouesse du jeune Boucif. Quand on leur demande comment les deux influenceurs se sont découverts, la Flèche dégaine : “Je le connais grâce à sa souplesse”, ironise l’influenceur. Ce n’est pas totalement faux. Le jeune Boucif s’est fait connaître sur les réseaux sociaux grâce à ses vidéos où on le voit enchaîner danses et grands high-kicks. En filmant son quotidien au quartier, le jeune Clermontois a réussi à réunir près de 220 000 abonnés sur ses différents réseaux sociaux. 

La coupe du monde des quartiers, c’est donc la recette gagnante, sublimée par la sauce réseaux sociaux : “Le monde des influenceurs est petit. On regarde souvent ce que les autres font. Ils ne me connaissent pas forcément personnellement mais ils ont vu les précédentes éditions qu’on a faites et ça a suffi pour eux”. Sa célébrité naissante lui a permis d’avoir le soutien du rappeur Heuss l’Enfoiré, de Maes et de… Karim Benzema, le ballon d’or “du peuple”. Tout un symbole pour ce tournoi populaire. Le foot de quartier est entré dans la cour des grands : “Karim Benzema qui nous fait une dédicace, ça représente beaucoup pour nous, s'enthousiasme Ava. C'est une fierté d'avoir son soutien. J'espère que la prochaine étape, c'est qu'il vienne voir un match ici, avec nous". L'appel est lancé. 

Mais Boucif ne réussit pas à soulever les foules seulement à travers son écran de smartphone. Preuve en est les 5 000 personnes survoltées à l’idée de voir leur équipe favorite jouer : une affluence digne de certains clubs de L2 pour des matchs de foot amateur. Cela ne peut qu’encourager la bande de potes à offrir du grand spectacle : ”On a envie de changer les idées aux gens. Surtout ces temps-ci où on entend beaucoup d'histoires de racisme et de communautarisme, là au moins, on leur montre qu'on est tous ensemble, avec du beau jeu et du fair-play", confie Ava. 

“Une bouffée d'air frais” 

Pendant que les joueurs sont concentrés à dribbler et à transpercer le filet du camp adverse, une ambiance de liesse, de kermesse résonne dans le stade. Sous le bruit des vuvuzelas et des tam-tam, l’ambiance est enflammée. “C’est la Champion’s League avant l’heure” lance le coach de la sélection guinéenne au staff. Après des cris, de la peine et quelques coups de colère, la Guinée se soulage avec un but de Booba. Victoire 2-1. Sacoumba, 15 ans, est déchaîné face au match : "C'est mieux qu'une finale de Ligue des Champions", s'écrie l'adolescent. Car réunir plusieurs milliers de personnes un soir de Ligue des Champions, il faut le faire. Pour Ava, cet engouement est symptomatique du manque d'événements populaires dans les quartiers nord de Clermont-Ferrand : “S’il n’y a pas ça, il n’y a rien en fait”, avance le jeune Clermontois. Je n’ai pas l’impression d’avoir vu quelque chose d’autre avec un tel engouement”. 

La bande d’amis aime toujours aller plus loin dans le spectacle offert aux habitants, mais tout cela prend du temps. Ils ne seraient pas contre de léguer le brassard d'organisateurs à une bande de copains tout aussi chevronnés : “L'organisation d’un tel événement, on ne s’en rend peut-être pas compte mais ça demande tellement d’énergie. Il faut être tout le temps à l'affût, s'assurer qu'il ne manque rien. Sachant qu’en cas de soucis, c’est toujours nous qu’on appelle”. D’autant plus qu'en plus de leur casquette d'organisateur, Bouba, Boucif et Bilal doivent aussi enfiler leurs crampons. Difficile pour nos joueurs d’être au four et au moulin : “Même sur le terrain, on veut que tout soit carré”. Pour les proches de la bande de potes, il faut mesurer l’œuvre de ces gamins : “Trois gars de quartier qui reçoivent les louanges du maire, c'est triste à dire mais c'était inespéré pour nous. On prouve que des gens comme nous peuvent être vecteur d'unité. On déconstruit les clichés. C'est une bouffée d'air frais. On est fiers d'avoir ce genre de personnes dans notre quartier".

Les amateurs (ou non) de ballon rond, pourront continuer à assister aux retournées acrobatiques de ces joueurs jusqu'à la grande finale prévue le 1er juillet. 

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