De sa cité HLM aux grands orchestres symphoniques : le parcours poignant d'une clarinettiste qui avait perdu le souffle

La clarinettiste Morgane Raoux est allée au bout de ses rêves. Pourtant, la musicienne, originaire d'une cité de Clermont-Ferrand a bien failli ne jamais connaître ce fabuleux destin. À 25 ans, elle perd brutalement le souffle. Aujourd'hui, elle raconte sur scène sa résilience. Récit du parcours d'une battante.

La vie de Morgane Raoux est un conte dont l'héroïne est la musique classique. Cette femme, clarinettiste passionnée est promise à un bel avenir : opéras nationaux, grands orchestres symphoniques. À 25 ans, un pneumothorax stoppe net son ascension fulgurante. Et sa grande carrière à peine entamée. Morgane a perdu le souffle. Voilà l’histoire que cette musicienne, originaire d'une cité HLM de Clermont-Ferrand, raconte sur scène dans son spectacle “Second Souffle”. Une pièce adaptée de son roman autobiographique “Je ne souffle pas, je chante”. Elle revient sur le long combat qu'elle a mené pour la résilience. 

La musique classique dans la cité 

Sur l’affiche de son spectacle, on voit Morgane Raoux, enfant, s’essayer à la clarinette. Pourtant, rien ne prédestinait cette jeune fille issue d'un milieu modeste et originaire d’une cité HLM de Clermont-Ferrand à côtoyer le monde de la symphonie.J’ai grandi dans la cité de Croix-de-Neyrat où il y a une grosse mixité sociale, retrace-t-elle. Je ne suis pas issue d’une famille de musiciens. Dans ma classe, une grande majorité est issue de familles d’immigrés. La musique classique n’était pas notre culture de base. Il n’y avait pas un seul gosse qui écoutait de la musique classique à la maison. Pour nous, c’était exotique”. Alors à défaut d’aller à la rencontre du monde de la musique classique, c’est cette dernière qui vient à elle. “On a eu droit, grâce à l’Education nationale, à un programme renforcé. Dès la maternelle, on avait droit à des cours de musique tous les jours. Un professeur du Conservatoire venait nous faire découvrir la musique classique. Ça a été un coup de cœur. Je suis tombée amoureuse de cet univers. À la fin du CP, on nous a proposé d’intégrer une école au sein du Conservatoire en classes horaires aménagés. Ça a été formidable. Nous n'étions que des enfants musiciens"

Une vie de combats 

Lorsqu’elle se lance à l’âge de 7 ans dans la clarinette, elle est la seule fille de sa classe. “C’était un instrument de garçon. Il s’avère que j’étais un peu garçon manqué”, analyse-t-elle. Un "milieu d’hommes” qu’elle a appris à apprivoiser au fil de sa carrière. “On vivait une forme de sexisme, déplore la musicienne. Tout mon parcours de clarinettiste a été dominé par des hommes. Le chef d’orchestre, les profs, les directeurs de Conservatoire étaient des hommes. Cela ne m’a pas empêchée d’avoir ma place dans le monde du milieu symphonique”. Après le Bac, elle continue ses études en musicologie. À 20 ans, elle réalise son rêve. Elle devient clarinettiste concertiste à Paris. Elle enchaîne les grands orchestres et opéras nationaux, se déplace de ville en ville, rencontre de grands musiciens. Mais à 25 ans, tout s’arrête brutalement. Le corps de Morgane Raoux lâche. Un travail acharné et un choc émotionnel ont eu raison d’elle. “J’ai eu un pneumothorax, confie-t-elle. C’est un décollement de la plèvre. On m’a dit que je ne pouvais plus rejouer de la clarinette. Toute ma vie ne tournait qu’autour de ça. J’ai toujours cru que si on voulait on pouvait. Mais là, j’avais beau vouloir, mon corps ne suivait plus. Je ne voyais pas comment continuer à être heureuse sans ma clarinette”. Elle tente de s'accrocher et étudie encore la musique. Mais le sort semble s’acharner sur le clarinettiste : “L'année d'après, j'ai eu de nouveau un pneumothorax sur mon autre poumon. L’année suivante, mes poumons m’ont encore lâchée”. Résultat : Morgane Raoux doit subir une opération des deux poumons. Le médecin lui conseille d’oublier la clarinette pour un moment. Un crève-cœur pour la musicienne. Elle perd espoir de renouer un jour avec l’instrument.

La résilience par la musique

Attristée, c’est un concert de clarinette qui lui offre le courage de la résilience. “J’ai vu un très vieux clarinettiste arriver sur scène. Il n’avait presque plus de souffle, se souvient-elle. Il marchait très difficilement. Quand il s’est mis à jouer de la clarinette, ça a été fabuleux. Il arrivait à faire sonner sa clarinette alors qu’il était à bout de souffle. C’est à cet instant que j’ai compris qu’on pouvait jouer de la clarinette autrement. C’est grâce à lui que j’ai pu continuer à en jouer sans abîmer mon corps”. Un second souffle pour la musicienne qui puise sa force dans la musique. “Tout ce que j’ai appris dans mon enfance, cette espèce de discipline et de courage m’a donné la force de soulever des montagnes aujourd’hui. Il en faut du courage et de la discipline pour qu’une ado travaille pendant des heures tandis que tous les autres s’amusent”.

Rendre la musique accessible à tous 

En adaptant sur scène son récit très intime, Morgane Raoux souhaite désormais faire passer un message important : “Faisons une plus grande place à l’éducation artistique !”. Reconnaissante de la main tendue près de 30 ans auparavant, la musicienne tente d’en faire de même. Aujourd’hui, Morgane Raoux fait raisonner Bach et Bizet dans des écoles à travers la France. L’objectif est simple : faire découvrir à tous les publics et notamment aux enfants la musique symphonique. La musicienne sera de retour près de Clermont-Ferrand, au mois de mars, pour jouer un spectacle. Avec toujours ce désir de transmettre aux enfants la passion du chant et de la musique. Morgane Raoux envisage même de retourner un jour dans son école primaire. Là où tout a commencé. Histoire de boucler un parcours sans fausses notes. 

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