Au lendemain du second tour de la présidentielle, déjà, les législatives se préparent. Au regard de ce scrutin, certains députés d’Auvergne risquent de rencontrer plus de difficultés à se faire réélire. Explications d’un politologue.
Au lendemain du second tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a été réélu et les regards se tournent désormais vers les élections législatives. Si les résultats du scrutin présidentiel donnent un éclairage sur la tournure que pourraient prendre les législatives, ces deux élections sont pourtant bien différentes. En Auvergne, certaines circonscriptions pourraient basculer. Le politologue et président de l’Université Clermont Auvergne, Mathias Bernard, analyse.
Question : Quel éclairage nous donne le résultat de la présidentielle au regard des législatives ?
Mathias Bernard : « On voit bien que la logique des élections présidentielles est quand même très différente des élections législatives. Ce n’est pas le même mode de scrutin. On a 12 circonscriptions, c’est 12 élections différentes, qui dépendent beaucoup de la personnalité, de l’enracinement des candidats… Il y a une dimension locale dans les élections législatives qui est quand même plus forte que dans une élection présidentielle. Il y a des coefficients personnels, des équations qui rentrent davantage en ligne de compte. Ces élections présidentielles ont été marquées par une forte participation. On peut considérer que 75%, ce n’est pas beaucoup, mais c’est quand même élevé. On sait très bien que pour les législatives, si on a un taux de participation de 50% ce sera déjà presque un bon score. Il y a 5 ans, il y avait eu presque 50% d’abstention ce qui modifie les projections qu’on pourrait faire d’une élection sur l’autre. »
Question : Quelles circonscriptions sont susceptibles de basculer ?
Mathias Bernard : « Cette présidentielle marque quand même une érosion du vote Macron dans nos départements. L’effet d’entraînement qu’il y avait eu en 2017, l’effet d’alternance, va beaucoup moins jouer en 2022. Il n’y a plus la mobilisation liée à la promesse de changement. Les 5 députés sortants de la majorité, que ce soit les 2 députés LREM de l’Allier, et les 3 LREM et Modem du Puy-de-Dôme, leur situation est plus délicate en quelque sorte. Ils ne vont pas bénéficier de la même dynamique qu’en 2017. Les jeux sont donc assez ouverts, particulièrement dans la circonscription de Montluçon où Emmanuel Macron a fait un score assez faible, même s’il l’a emporté. Sur le Puy-de-Dôme, c’est la même chose dans la circonscription d’Issoire. Dans le Cantal et la Haute-Loire, on devrait avoir une stabilité. On a 4 députés Les Républicains, j’imagine que ces 4 députés ont de bonnes chances d’être réélus en captant l’opposition du monde des campagnes à Emmanuel Macron. Les élections devraient en revanche être assez disputées là où les députés sont LREM ou Modem. Ils sont élus dans des circonscriptions très partagées, voire notamment celle de Valérie Thomas et de Laurence Vanceunebrock qui sont majoritairement à gauche ou celles de Mme Peyrol ou de Mme Vichnievsky, plutôt à droite. Ça ne veut pas dire que c’est perdu ».
Question : Les députés de gauche peuvent-ils se maintenir ?
Mathias Bernard : « Comme pour les candidats LR du Cantal et de Haute-Loire, sur la 5ème circonscription du Puy-de-Dôme qui est celle d’André Chassaigne (PCF), on voit qu’il y a eu un vote Mélenchon, puis Le Pen, assez dominant. D’ailleurs ce vote Le Pen n’est pas un vote d’extrême droite mais plutôt de contestation antilibérale, anti parisienne qui, a priori, devrait pouvoir être capté par André Chassaigne. Il aborde cette élection de façon assez favorable. Pour la circonscription de Mme Pires-Beaune (PS), on peut penser que même si le PS a fait un très mauvais score, le fait qu’elle soit députée sortante, plutôt bien implantée, dont le travail est reconnu, va faire que dès le 1er tour on va avoir une sorte de vote utile de ceux qui vont vouloir ne pas donner les pleins pouvoirs au président réélu. »
Question : Peut-on s’attendre à une union de la gauche en Auvergne ?
Mathias Bernard : « Il y a toujours des clivages importants entre LFI d’une part et une partie des socialistes et de la gauche modérée comme Olivier Bianchi. D’ailleurs, LFI est dans l’opposition à Clermont à la majorité municipale d’Olivier Bianchi. C’est compliqué la grande alliance des forces de gauche, même à l’échelle locale. S’il y a une dynamique nationale ce sera surement plus facile mais on voit bien sur le terrain des divisions entre les 2 gauches, la gauche réformatrice et gestionnaire et la gauche de protestation qui sort de ce scrutin avec le vent en poupe. »
Les électeurs sont appelés à voter le 12 juin prochain.