Les électeurs d’Auvergne étaient appelés aux urnes pour désigner le président de la République dimanche 24 avril. Dans le Puy-de-Dôme, l’Allier, le Cantal et la Haute-Loire, le président sortant Emmanuel Macron l’a emporté. Un politologue analyse les résultats.
En Auvergne, les électeurs ont désigné Emmanuel Macron ce dimanche 24 avril au second tour des élections présidentielles. Il a obtenu un score de 60,16% dans le Puy-de-Dôme, 52,35% dans l’Allier, 50,16% en Haute-Loire et 56,07% dans le Cantal. Ces scores cachent de grandes disparités entre les territoires. Le politologue et président de l’Université Clermont Auvergne Mathias Bernard analyse ces résultats.
Question : Certains départements auvergnats favorables à Marine Le Pen au 1er tour ont basculé, pourquoi ?
Mathias Bernard : « Dans certains départements, Marine Le Pen était en tête au 1er tour, mais l’avance qu’elle avait dans l’Allier et en Haute-Loire n’était sans doute pas suffisante pour inverser la tendance. En Haute-Loire, il s’en est fallu de peu. Il y a moins de 400 voix d’écart entre Macron et Le Pen. C’est la ville du Puy, en étant très majoritairement favorable à Macron à près de 60%, qui entraîne finalement la Haute-Loire dans un vote Macron alors que, s’il n’y avait pas eu cette ville, le vote du département aurait été favorable à Marine Le Pen. »
Question : Le Rassemblement National a-t-il progressé malgré tout dans ces départements ?
Mathias Bernard : « La surprise, sur les 4 départements auvergnats, c’est finalement le fait qu’Emmanuel Macron a perdu plus de voix dans ces 4 départements qu’au niveau national, par rapport à 2017. Au niveau national, il perd un peu moins de 8 points, alors que dans le Cantal il passe de 70 à 56 donc il en perd 14. En Haute-Loire, il passe de 63 à 50 donc il en perd 13. Dans l’Allier, il passe de 64 à 52, il en perd 12, dans le Puy-de-Dôme il en perd 11… Le vote Macron s’est beaucoup plus érodé qu’à l’échelle nationale. La progression de Marine Le Pen a été forte dans ces 4 départements alors même qu’habituellement, l’Auvergne était considérée comme une terre réfractaire au Front National. Elle fait mieux que sa moyenne nationale dans 3 des 4 départements. Dans l’Allier et la Haute-Loire on s’y attendait, mais elle fait aussi mieux dans le Cantal où elle est à 44%, 2 points au-dessus du national. Le Cantal était une terre, jusqu’à la fin des années 2000, où il n’y avait quasiment pas de vote Front National. Il y a une forte percée de Marine Le Pen dans les communes rurales, ce qui explique ce fort score dans les 3 départements les plus ruraux. C’est quelque chose qui est caractéristique de ce scrutin et qu’on n’avait peut-être pas suffisamment anticipé. »
Question : Comment se sont comporté les électeurs de Mélenchon au second tour ?
Mathias Bernard : « Il y a plusieurs types d’électeurs de Mélenchon. Les électeurs urbains ont globalement joué le jeu du front républicain, dans les grandes villes et les villes moyennes. A Clermont-Ferrand, il fait plus de 70% ce qui est très bien. Marine Le Pen n’a pas progressé, elle a juste récupéré les voix de Zemmour et Dupont-Aignan. Au Puy, Macron fait aussi un très bon score, mais aussi dans des villes comme Chamalières et toute la ceinture ouest de Clermont-Ferrand. Les électeurs ont appliqué la consigne de vote de leur candidat : globalement, il y a eu très peu de voix pour Marine Le Pen, voire pas du tout. Une majorité d’entre eux ont voté Macron, les autres ont voté blanc ou se sont abstenus. Le clivage ville/campagne se superpose au clivage Macron/Le Pen. Dans le Puy-de-Dôme, toutes les villes de plus de 10 000 habitants ont voté Macron de manière très nette, que ce soit Clermont, que ce soit Cournon, Riom, Issoire, Thiers… Toutes ces villes-là ont voté nettement Macron. En Haute-Loire, pareil, Brioude, Yssingeaux, Le Puy… Aurillac dans le Cantal aussi. C’est assez net, cette grille de lecture ville-campagne. »
Question : Les Auvergnats ont-ils bien participé ?
Mathias Bernard : « On est, dans les 4 départements, sur un taux de participation bien plus fort qu’à l’échelle nationale. Haute-Loire et Cantal c’est 77% et 78%, on est au-delà des 72% au niveau national. Même le Puy-de-Dôme et l’Allier sont autour des 75%. Macron a fait le grand schlem en Auvergne, 4 départements sur 4. Ce n’est pas le cas à l’échelle nationale, il y a 22 départements de métropole qui ont voté Marine Le Pen. Même s’il y a une progression, le Rassemblement national n’est pas en mesure d’être majoritaire en Auvergne, en tout cas pour l’instant. »
Question : Y a-t-il eu des surprises lors de ce second tour ?
Mathias Bernard : « On est sur un résultat sans surprise puisque depuis un an tous les sondages sans exception ou presque avaient donné Emmanuel Macron vainqueur face à Marine Le Pen. Dans la plupart de ces sondages, on lui donnait autour de 55%. Ce qu’on peut quand même signaler, à l’échelle nationale, c’est qu’il est quand même plus haut que ce à quoi on pouvait s’attendre. Dans le même temps, le taux d’abstention a un peu augmenté par rapport à 2017 mais les blancs et nuls on beaucoup baissé. Ils étaient 12% en 2017, ils ne sont plus que 8% cette année. Il n’y a pas eu de désaveu démocratique. La logique du front républicain, dont on avait beaucoup dit qu’elle était terminée, elle a quand même joué. Emmanuel Macron augmente de 30 points son score par rapport au 1er tour. C’est un peu la même logique que l’on va retrouver dans les départements auvergnats. »
Dès le 12 juin, les électeurs seront à nouveau appelés à voter pour les élections législatives.