Elections européennes 2024 : la progression du vote RN en Auvergne

Les élections européennes ne sont que dans quelques jours et rien ne semble pouvoir arrêter la progression de la liste du Rassemblement National, menée par Jordan Bardella. Il pourrait également être plébiscité en Auvergne.

A l’approche des élections européennes, la liste du Rassemblement National caracole en tête des sondages. Souvent donnée à plus de 30% d’intentions de vote, ce succès est en partie dû à la tête de liste Jordan Bardella, figure politique extrêmement populaire, mais pas seulement. La montée du vote RN est bien plus ancienne, et très marquée, notamment en Auvergne. Un engouement d’autant plus marqué que l’Auvergne n’est historiquement pas une terre favorable au parti, selon Mathias Bernard, politologue à Clermont-Ferrand : “Il y a eu une progression du vote Rassemblement National de façon assez homogène sur les 4 départements d’Auvergne. Peut-être même une progression plus accentuée que dans le reste de la France, dans la mesure où, pendant longtemps et jusqu'à la fin des années 2000, le vote Front National y était très nettement en dessous du niveau national. L’Auvergne était une terre réfractaire au Front National.” 

Des disparités entre les départements

Malgré cette histoire, les scores du RN ne cessent de grimper en Auvergne, scrutin après scrutin depuis 2012, de façon homogène. “Depuis les présidentielles de 2012, qui coïncident avec l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du Front National, puis à la transformation en Rassemblement National, il y a eu une sorte de rattrapage. Cela fait qu'aujourd'hui le Rassemblement National est à un niveau proche du niveau national en Auvergne”, relate Mathias Bernard. Les départements comptent malgré tout des disparités : “L'Auvergne n'est pas uniforme. On voit bien, lors des présidentielles, un vote RN situé à un niveau élevé dans le département de l'Allier avec 27% pour le premier tour de la présidentielle en 2022. En Haute-Loire, également 27%, alors que dans les départements du Puy-de-Dôme et du Cantal, on est sur un niveau quasiment national, 24% dans le Cantal et 21% dans le Puy-de-Dôme. Le vote d'adhésion Le Pen, le vote premier tour, va de 21% pour le Puy-de-Dôme à 27% pour l'Allier et la Haute-Loire.” 

Un électorat rural

Avec six points de moins pour le RN dans le Puy-de-Dôme, mais malgré tout un électeur sur 5 qui s’est rendu aux urnes pour désigner Marine Le Pen, le Puy-de-Dôme semble suivre la tendance nationale : “Dans le cas du Puy-de-Dôme, on est sur un département dont on ne peut pas dire qu’il soit favorable au RN, et pas non plus réfractaire, c'est un score moyen on va dire”, indique Mathias Bernard. Selon lui, en Haute-Loire et dans le Cantal, “on voit bien qu'il y a 2 votes RN qui se sont agrégés et c'est comme ça qu'on peut expliquer en grande partie la progression”. Il détaille : “Il y a un vote qu'on a vu apparaître dès 2012 dans les campagnes, qui est une sorte de vote contre la métropolisation et la mondialisation qui oublie les campagnes. À partir du moment où ça n'a plus été sous l’égide de Jean-Marie Le Pen, le FN puis le RN s’est dédiabolisé. Il y a eu un vote assez important de protestation du monde rural, ce qui n'est pas du tout un vote habituel pour le Front National dans les années 1980 - 1990. C’est un vote qu’on voit dans les campagnes de l'Allier comme de Haute-Loire, qui sont souvent à l'écart de grands circuits de communication et à l'écart de l'exploitation touristique. Ce n'est pas la même situation dans les Combrailles ou dans le Sancy, où on n'a pas forcément la même ruralité, donc le même vote.” 

Des territoires économiquement précaires

Ce qui explique aussi cette surreprésentation dans l'Allier et la Haute-Loire, c’est le vote des bassins industriels, explique Mathias Bernard : “Ils ont été désindustrialisés depuis les années 1980. On a un député RN en Auvergne qui est dans la circonscription de Montluçon-Commentry, la circonscription industrielle du département de l'Allier. Ce n'est pas innocent que le député RN auvergnat vienne de ce territoire, qui est d'ailleurs un territoire qui souffre économiquement, associé aussi à des campagnes. Je pense qu'on continuera à avoir une différence Allier et Haute-Loire versus Puy-de-Dôme et Cantal. A priori, on peut escompter une progression par rapport à 2019. D'autant qu'en 2019, la progression de la liste Le Pen avait été comme contenue par la bonne résistance de la liste Renaissance de la majorité présidentielle, ce qui, a priori sera moins le cas si on en croit les sondages d'opinion." 

Un vote "démocratisé"

Comme le politologue le constate, le vote RN s'est partiellement désidéologisé, ce qui explique l’augmentation du nombre d’électeurs. “Ce n'est plus nécessairement un vote militant ou sympathisant d'extrême droite, c'est un vote qui est beaucoup plus large, beaucoup plus “mainstream” quelque part. Il a gagné à la fois le monde des campagnes et le monde des petits bassins industriels. Il a gagné différentes catégories sociales. Il devient assez homogène. Traditionnellement, le vote Front National, dans les années 80, c'est plutôt le vote de tradition poujadiste, de classe moyenne indépendante, de petits commerçants, petits artisans, petits agriculteurs... Il est très vraisemblable qu'on ait une évolution en Auvergne très proche de l'évolution nationale. C’est en tout cas ce qu'on constate depuis 10 ans, sur la séquence 2012-2022.” 

Les raisons de la colère

Mais selon Mathias Bernard, les électeurs sont aussi conquis par le positionnement du RN, un positionnement qui se veut protecteur des petits et des oubliés de l'Europe et de la mondialisation. “On voit bien la popularité de Bardella auprès des petits agriculteurs, des personnes qui sont économiquement défavorisées et éloignées de l’Europe. Le contexte d'élections européennes renforce cette problématique, par rapport à cette dimension internationale”. Le vote RN serait également un vote de mécontentement : “Je pense qu'il y a aussi un vote d'opposition à la politique du gouvernement dans le vote RN. C'est un vote de mécontentement qui s'exprime. C'est à la fois un désir de protection et un vote de mécontentement, voire d'opposition.”  

L'abstention, un atout du RN

Depuis que les élections européennes sont redevenues des élections nationales, en 2019, le scrutin intéresse davantage et suscite une participation supérieure à ce qu'elle pouvait être y a 15 ou 20 ans. On peut attendre une participation supérieure à 50%, ce qui n’arrangera pas les affaires du RN et pourrait bien atténuer son succès annoncé. En effet, l'électorat de Jordan Bardella fait partie de l'électorat qui est le plus certain de son vote. “Il a vraiment un socle qui est mobilisé. Il est plus mobilisé, par exemple, que l'électorat de Raphaël Glucksmann. Plus la participation sera importante, plus la mobilisation des électeurs de Jordan Bardella sera atténuée. On imagine que ça peut nuire à son score, en pourcentage. Par contre, si l'abstention est forte, elle risque de concerner davantage d’autres candidats et Jordan Bardella risque d'être un peu “surévalué”, dans la mesure où son électorat, lui, ne s'abstiendra pas.” 

Une dédiabolisation

Une stratégie de dédiabolisation et de normalisation du Rassemblement National a donc permis de séduire un électorat auvergnat, qui n'a jamais été un électorat majoritairement extrémiste. “Les éléments qui identifiaient le plus le Front National puis le Rassemblement National à l'extrême droite ont été “gommés”, pointe Mathias Bernard. Cela a permis à une partie de l'électorat auvergnat de voter plus facilement pour le RN, dans des départements qui restent quand même des départements de culture politique relativement modérée. C'étaient des circonscriptions du territoire où, dans les années 80-90, le Front National il faisait souvent moins de 5%. Aujourd'hui il peut en faire 25 ou 30. Pour l’électorat auvergnat, il ne vote pas pour un extrême.” Une progression très nette qui pourrait se confirmer voire s’accentuer lors du scrutin qui s'annonce. 

Voici les 38 listes en lice pour ces élections :

1. Pour une humanité souveraine
2. Pour une démocratie réelle : décidons nous-mêmes !
3. La France fière, menée par Marion Maréchal et soutenue par Eric Zemmour
4. La France insoumise - union populaire
5. La France revient ! Avec Jordan Bardella et Marine Le Pen
6. Europe écologie
7. Free Palestine
8. Parti animaliste - les animaux comptent, votre voix aussi
9. Parti révolutionnaire communistes
10. Parti pirate
11. Besoin d’Europe
12. Pace - parti des citoyens européens, pour l'armée européenne, pour l’Europe sociale, pour la planète !
13. Équinoxe : écologie pratique et renouveau démocratique
14. Ecologie positive et territoires
15. Liste Asselineau-Frexit, pour le pouvoir d'achat et pour la paix
16. Paix et décroissance
17. Pour une autre Europe
18. La droite pour faire entendre la voix de la France en Europe
19. Lutte ouvrière le camp des travailleurs
20. Changer l’Europe
21. Nous le peuple
22. Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution !
23. « Pour le pain, la paix, la liberté ! » présentée par le parti des travailleurs
24. L’Europe ça suffit !
25. Non ! Prenons-nous en mains
26. Forteresse Europe - liste d'unité nationaliste
27. Réveiller l’Europe
28. Non à l‘UE et à l'OTAN, communistes pour la paix et le progrès social
29. Alliance rurale
30. France libre
31. Europe territoires écologie
32. La ruche citoyenne
33. Gauche unie pour le monde du travail soutenue par Fabien Roussel
34. Défendre les enfants
35. Écologie au centre
36. Démocratie représentative
37. Esperanto langue commune
38. Liberté démocratique

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