« Le plombier », « Le 22 à Asnières » ou encore « Heu-reux » : autant de sketchs signés Fernand Raynaud qui ont marqué une époque. Le comique est mort il y a bientôt 50 dans un tragique accident de voiture. Sa fille, Françoise, évoque la vedette qu’il était et surtout comment était son père, dans l’intimité, ainsi que ses liens avec l’Auvergne.
Ces sketchs qui passent encore à la télévision n’ont pas pris une ride. Avec « Le plombier », « Le 22 à Asnières » ou encore « Heu-reux », Fernand Raynaud était sous le feu des projecteurs. Sa fille Françoise a un peu connu cette période où son père était une vedette. Elle n’avait que 9 ans lorsqu’il a trouvé la mort sur une route du Puy-de-Dôme, le 28 septembre 1973. Près de 50 ans après sa disparition, elle évoque avec émotion le père qu’il était. Françoise Raynaud commence : « Sa vocation est née très jeune. A l’âge de 15 ans, il voulait déjà faire une carrière d’artiste. Il est parti très tôt de Clermont-Ferrand, à l’âge de 16-17 ans. Il a pris son vélo et il est monté à Paris pour faire cette carrière d’artiste. Son père n’était évidemment pas du tout content : il n’avait pas ces projets pour son fils. Mon père était sans doute têtu et il voulait absolument arriver à Paris ».
Des années de vaches maigres
Mais le succès n’a pas été tout de suite au rendez-vous : le comique a connu des années de vaches maigres : « Cela a été très dur au début. Quand il est arrivé à Paris, il n’avait pas d’argent du tout. Il a fait quelques petits boulots à droite et à gauche pour pouvoir se nourrir et vivre à Paris, jusqu’à ce qu’on puisse le trouver dans un cabaret où il racontait deux ou trois histoires. Mais il n’a pas réussi tout de suite ». Au début des années 50, une rencontre marque le tournant de sa carrière : « Il s’est produit dans des petits cabarets. Il a été repéré par Jean Nohain. Il avait vu mon père sur scène et il avait été ébloui. Jean Nohain s’est rapproché de mon père. C’était une personne qui a inventé beaucoup de programmes pour la télévision : des jeux et des télécrochets notamment. Par la suite, il a engagé mon père à la télévision pour l’émission « 36 chandelles ». Il a été connu par le public grâce à cette émission. A partir de là, tout a démarré très fort. Les gens écrivaient à la télévision pour revoir mon père. Il est devenu une véritable vedette jusqu’à sa mort ».
Un grand sens de l'observation
Sa fille raconte comment il trouvait l’inspiration pour ses sketchs : « C’est la vie en général qui l’inspirait. Cela pouvait se passer dans un café, dans un bar, dans un restaurant. Il observait beaucoup les gens et les situations qui pouvaient se produire à côté de lui. Quand on était enfant et qu’on allait au restaurant, il étalait toujours un bout de papier pour écrire. Les idées lui venaient et il écrivait quelques phrases pour avoir le fil de l’histoire. Il mettait cela dans ses poches de pantalon et après il le ressortait. De là, il construisait une histoire ». Mais la vie de Fernand Raynaud était une vie de saltimbanque, passée sur les routes : « Mon père faisait 360 galas par année. Il travaillait tous les jours, dans tous les pays francophones. Il a fait des galas en Afrique, au Canada, en Suisse ».
Ses liens avec l'Auvergne
Françoise souligne l’attachement du comique à l’Auvergne : « Il est né à Clermont-Ferrand et y a passé toute son enfance. Il était attaché à son Auvergne natale. Mais très tôt, il n’avait qu’une hâte, la quitter pour partir à Paris et réussir. Il était conscient qu’en restant là-bas, ce ne serait pas facile. Il fallait partir. Avec sa vie d’artiste il habitait à Paris ou dans les Yvelines mais il retournait souvent en Auvergne pour revoir sa famille et ses amis. Les Auvergnats l’ont peut-être inspiré pour ses sketchs : tout l’inspirait ». Certains affirment qu’il a inventé le one-man-show. Sa fille confirme : « Dîtes-moi qui a fait des one-man-show avant ? Il a été un des premiers. Il a commencé dans les années 50 à faire du one-man-show. Il incarnait tous ses personnages, ce qui était assez nouveau pour l’époque. Quand il était sur scène, il pouvait faire 2h30 de spectacle. A une époque, il devait être à l’affiche du théâtre des Variétés pour une semaine et il y est resté un an car il avait toujours des demandes ».
Un père joueur
Avec émotion dans la voix, elle parle de son père dans l’intimité : « C’était un père assez strict. Il était soucieux de notre éducation. Il fallait être très poli. Mais il aimait bien jouer avec nous, lorsqu’il avait le temps. Il travaillait beaucoup. S’il ne faisait pas de gala, il faisait de la radio, s’il ne faisait pas de la radio, il faisait de la télévision. Il était toujours très pris mais il trouvait quand même le temps de s’amuser avec nous. On était toujours récompensés pour avoir quelque chose. L’été, il fallait nettoyer son bateau, avec tous nos cousins. Je m’occupais des chromes du bateau, mon frère gérait la coque. Après, on était récompensés : on allait en bateau à Saint-Tropez et on avait droit à notre glace, au restaurant ».
Dans ces archives de l'INA ci-dessous, on retrouve Fernand Raynaud aux côtés de sa femme et de son fils Pascal aîné.
La rançon de la gloire
Mais à l’école, être la fille d’une telle vedette n’était pas facile : « Ce n’était pas toujours évident. On était plutôt seuls. Il y avait une certaine jalousie qui s’installait malheureusement. On était enviés. Quand mon père venait me chercher à l’école en Rolls, je n’étais pas très contente car le lendemain j’avais le droit aux réflexions. Une fois je lui avais dit et le lendemain il est venu me chercher avec une Fiat 500 qu’il avait achetée le matin-même ». Elle garde avant tout cette image de son père : « C’était un grand professionnel, un perfectionniste. Parfois, on pouvait dire qu’il avait mauvais caractère mais c’était parce qu’il était concentré avant de rentrer sur scène, il ne fallait pas le déranger. Il était vraiment dans sa bulle ».
Le jour où tout a basculé
Le comique auvergnat disait que son cœur battait lorsqu’il apercevait le panneau « Clermont-Ferrand, 14 km ». Malheureusement son cœur s’est arrêté de battre le 28 septembre 1973 sur la Départementale 2009. Ce jour-là, le comédien rentre de Paris à vive allure au volant d’une Rolls-Royce cabriolet. A l'entrée du Cheix-sur-Morge, dans le Puy-de-Dôme, sa voiture se déporte, percute une bétaillère, et termine dans le mur du cimetière. Il était attendu à Clermont-Ferrand pour un dernier gala où il devait annoncer ses adieux à la scène auprès de ses proches. Françoise n’a pas appris tout de suite la mort de son père : « On m’a pas mal épargnée. On m’a tout de suite mise à l’écart parce qu’il y a eu un raz-de-marée de personnes qui sont arrivées à la maison. Je ne savais pas trop ce qu’il se passait. On m’a mise à l’écart, chez une tante parce que j’étais très jeune. Ma mère devait être complètement perdue à ce moment-là et elle ne voulait pas que je sois mêlée à tous ces gens qui venaient pleurer à la maison. On m’a interdit de regarder la télévision. Je n’avais pas le droit de sortir. Je sentais que quelque chose se passait mais on me l’a appris plus tard, quand tout s’est un peu calmé ». Aujourd’hui, Françoise perpétue le souvenir de son père : « On parle souvent de lui avec ma mère et mon frère et aussi avec mes enfants. Mes parents ont eu une vie très riche en événements. Ils avaient une vie mouvementée. Ma mère a beaucoup d’anecdotes à raconter. Il y a toujours quelque chose qui l’a fait penser à mon père. A mes enfants, je parle du père qu’il était, des anecdotes qu’on a vécues avec lui ».
Des sketchs modernes
Elle détaille les sketchs qui ont sa préférence : « Mes sketchs préférés sont « les lacets », « le défilé militaire », « l’augmentation », « le racket », « la prévention routière », « le mariage en grande pompe ». C’est très difficile de choisir ». Pour elle, les créations de son père n’ont pas pris un coup de vieux : « Ses sketchs sont toujours modernes parce que parfois, quand je vois l’actualité, je me dis que cela me fait penser à une histoire de mon père. Il y a avait toujours une morale dans ses histoires. Comme ses sketchs reflétaient la vie, je me dis que cela n’a pas tellement changé. Par exemple, je vis dans le Var. J’ai du mal à avoir une ligne téléphonique qui marche. J’ai l’impression de revivre le 22 à Asnières ».
A Saint-Germain-des-Fossés, dans l’Allier, là où repose l’humoriste, l’association des amis de Fernand Raynaud compte organiser un événement à l’occasion des 50 ans de sa disparition. Françoise Raynaud ne sait encore pas si elle y participera.