Trente ans après sa disparition, on célèbre le chanteur Serge Gainsbourg. Clermont-Ferrand a été la première ville de France à lui offrir une rue à son nom, en 2003. C’est là que se trouve la Coopérative de mai. On vous raconte la genèse de cette création de rue.
Trente ans après la disparition de Serge Gainsbourg, survenue le 2 mars 1991 à l’âge de 62 ans, les hommages se multiplient pour saluer la mémoire de l'artiste. Savez-vous qu’une rue porte son nom à Clermont-Ferrand ?
Cette rue a été créée à l’occasion de la naissance de la Coopérative de mai, la célèbre salle de concert clermontoise. Tout a commencé par un défi. Olivier Bianchi, actuel maire (PS) de la capitale auvergnate, était alors adjoint à la culture. Il raconte : « Je suis un fan absolu de Gainsbourg depuis toujours. J’ai son intégrale chez moi. J’ai lu ses bouquins. Au moment où je deviens adjoint à la politique culturelle et qu’on a recruté Didier Veillault (directeur de la Coopérative de mai. NDLR) après avoir construit la Coopérative de mai, une nouvelle rue doit être construite. Il faut qu’elle ait un nom. Dans une réunion, Didier Veillaut qui venait du Plan à Ris-Orangis, située rue Rory Gallagher, dans une sorte de boutade me lance : « Vous n’êtes pas chiche pour cette rue de trouver le nom d’un grand musicien, comme on l’a fait à Ris-Orangis ? ». Je lui réponds que oui et je pense tout de suite à Gainsbourg. Je découvre qu’à l’époque il n’y a qu’un petit jardin à Paris qui porte son nom. Je soumets l’idée à mes collègues. Les élus disent oui ».
200 fans présents à l'inauguation
Quelques temps pour tard, la rue Serge Gainsbourg est inaugurée. Pas moins de 200 fans sont présents ce 8 mars 2003.
L’ancien adjoint à la culture se souvient : « C’est Gilles-Jean Portejoie à l’époque qui a représenté le maire. On avait réussi à avoir ce jour-là Jane Birkin, Bambou et son fils Lulu. Charlotte était retenue sur un tournage. Le soir, Lulu qui à l’époque était un jeune ado, s’est mis au piano à La Coopé. C’est un très grand moment de ma vie d’adjoint. Depuis je suis devenu ami avec Jane Birkin. Un jour elle m’a dit : « Serge, il te regarde de là-haut et il est très content de toi ». Je devais être rouge comme une pivoine à ce moment-là. Donc cette histoire est au départ une envie profonde chez moi, une boutade et une sorte de défi lancé par Didier Veillault. On l’a réalisé, comme quoi en politique on peut se faire plaisir aussi ».
Vous êtes les seuls à avoir fait une rue à son nom
En 2003, l’ancienne compagne de l’auteur-compositeur-interprète, Jane Birkin, avait déclaré : « Vous êtes les seuls à avoir fait une rue à son nom. Vous êtes les seuls à l’avoir porté dans ce qu’il y a de plus quotidien, c’est-à-dire que c’est une adresse sur une enveloppe maintenant. C’est une adresse que vous enverrez à quelqu’un maintenant. Si vous vivez dans cette rue, vous pouvez écrire cette adresse au dos de l’enveloppe. Je suis personnellement très fière de vous, que vous ayez eu cette idée très belle. Je vous embrasse très fort ».
C’était un artiste clivant
Hervé Deffontis, chargé de communication de la Coopé, rappelle que le baptême de cette rue du nom de l’artiste n’a pas fait l’unanimité : « Je crois savoir que ça a été voté au conseil municipal et que Didier Veillault, qui était alors chef de projet, et Olivier Bianchi, adjoint à la culture, ont proposé le nom de Serge Gainsbourg. Ca a donné lieu à quelques empoignades au conseil municipal parce qu’à l’époque c’était un artiste clivant, comme on dirait aujourd’hui. C’était celui qui brûlait des billets de 500 balles à la télé, comme a pu le dire un conseiller de l’opposition. C’est comme cela qu’est née la première rue Serge Gainsbourg de France ».
De nombreuses retombées médiatiques
Lui aussi garde un souvenir fort de cette inauguration du 8 mars 2003. Il se rappelle : « L’inauguration était le 8 mars 2003. Cela n’avait pas pu se faire avant car les plannings de tout le monde étaient compliqués. L’idée était de réunir les membres de la famille Gainsbourg. Il y avait à ce moment-là un concert de Jane Birkin. Bambou et Lulu étaient là. Il y avait une très bonne ambiance, tout le monde était très touché de cette attention. Il y avait beaucoup d’émotion. Ca avait beaucoup fait parler. Je pense que c’est l’événement qui nous avait apporté le plus de retombées médiatiques. Il y avait même eu des papiers à l’étranger. Ca montrait que Gainsbourg était déjà un artiste qui dépassait déjà de loin les frontières. A l’étranger c’est un artiste immensément reconnu ».
Des souvenirs de concert
Lulu, le fils de l’ « homme à la tête de chou », est venu quelques jours en résidence à la Coopé en 2011. Il a même inauguré la web radio de la salle en 2018.
Son illustre père était notamment passé par la Maison des sports en 1985 et en 1988. Deux concerts qui ont marqué l’histoire de la salle. « J’ai assisté à l’un des concerts de Gainsbourg en 1985 à la Maison des sports. J’avais 15 ans et je n’habitais pas encore Clermont-Ferrand. Je venais d’Aurillac avec des copains et des copines. C’était le déplacement de mes 15 ans. C’était un concert extraordinaire » évoque Olivier Bianchi.
C’est l’un des artistes français les plus connus à l’étranger
Depuis, rue Serge Gainsbourg, nombreux sont les musiciens qui passent à la Coopé et prennent des photographies du nom de la rue. Herve Deffontis explique : « Il y a beaucoup d’artistes anglo-saxons qui se faisaient prendre en photo devant la plaque de la rue. Je pense aux White Stripes notamment. C’est l’un des artistes français les plus connus à l’étranger ». Ce panneau de rue justement a été très convoité. « A une époque, on se faisait voler le panneau très souvent. Il y a plein de Clermontois qui ont chez eux une belle plaque rue Serge Gainsbourg. On retrouvait souvent le poteau sans panneau et on appelait les services de la ville. A force, ils commençaient à râler. Maintenant je crois que les panneaux sont fixés et on ne peut plus les enlever si facilement » précise Hervé Deffontis. Depuis 2016, on peut même admirer une œuvre de l’artiste Invader immortalisant Serge Gainsbourg et sa célèbre cigarette. Le chargé de communication de la Coopé ajoute : « C’est aussi là qu’Invader est venu mettre sa mosaïque à l’angle de la rue Chanteranne et de la rue Serge Gainsbourg. Je crois que c’est même l’œuvre la plus monumentale de l’artiste. Quand le quartier va être réhabilité et les maisons détruites, on va bien entendu récupérer cette fresque ». Une fresque devant laquelle là aussi de nombreux Clermontois ou touristes se sont faits photographier, preuve que 30 ans après sa mort, Serge Gainsbourg a marqué de nombreuses générations.