Nathanael Etouke alias "Nasty" a été sélectionné pour les préparations aux JO de Paris 2024, dans la discipline du breakdance. Celui qui compte bien ramener une médaille en terre auvergnate a bataillé avant d‘en arriver là. Portrait.
Gymnase Jean-Pellez, à Aubière, près de Clermont-Ferrand. Les plus grands athlètes se sont entraînés dans ce lieu, à l’image de Renaud Lavillenie. Mais ici, c’est un tout autre athlète qui s'exerce, enchainant pas de danse et retournés acrobatiques. Il s'agit de Nasty. De son vrai nom Nathanael Etouke, le jeune homme de 29 ans vient en effet d’être sélectionné pour les préparations aux Jeux Olympiques de Paris en breakdance, discipline qui fera officiellement son apparition aux Olympiades de 2024. « On s’en doutait », lance Michaël Pecaud, père spirituel du jeune danseur et directeur du collectif d’artistes clermontois Supreme Legacy dont fait partie Nasty. Sweat oversize blanc et dreadlocks courtes tombant sur le front, Nathanael acquiesce timidement. Le Clermontois est aux anges : « C’est une chance pour moi d’être sélectionné. Je vais pouvoir évoluer dans ce milieu ». Comme cinq autres athlètes, il a réussi à intégrer l'INSEP, l'usine à champions du sport français pour se préparer à l’événement sportif international le plus important.
Le breakdance : l’héritage des grands frères
Mais avant d’arriver dans le temple du sport français, Nasty s’est beaucoup entraîné. Quand on lui demande comment il a fait pour arriver à ce palmarès, il répète et insiste : « L’acharnement ». Une détermination à laquelle s’ajoute un environnement propice. « De base, je baignais dans cette culture-là avec mes grands frères, explique-t-il. À travers la musique mais aussi le basket. J’ai grandi à une période où Allen Iverson (basketteur américain ndlr) arrivait avec toute cette culture : les tresses collées, le style hip-hop ». Inspiré par cette tendance venue d'outre-Atlantique, Nasty décide, en 2008, de se lancer avec quelques amis : « J’avais 15 ans quand j’ai commencé. On était une bande de copains et on s'entraînait dehors. Dans un endroit qui s’appelle Galaxie : la Mecque du break à Clermont, se rappelle le jeune homme de 29 ans. C'est l’endroit où il fallait être pour s'entraîner, progresser, et voir les meilleurs de la ville ». Puis, ce qui était au début un passe-temps s’est transformé, peu à peu, en une véritable passion qu'il ne voulait plus lâcher : « Au début, je m'entrainais l’été, pendant les vacances scolaires. Quand l’école a repris c’était plus compliqué : il fallait faire les devoirs et puis j’étais en 3e. Mais au fur et à mesure de l’année scolaire, vu que j’avais de bons résultats à l’école, je m'entrainais de plus en plus. Pour au final, m'entraîner tous les jours. » Il observe, imite, apprend, échange : « T’as pas de prof, tu apprends tout seul. Tu es en contact avec les gens, tu cherches les infos, tu discutes. En fait le break c’est que du partage ». Mais l'apprentissage n’a pas toujours été aussi simple : « C’était difficile de pouvoir apprendre. Des fois, les gens ne voulaient pas partager leurs secrets », déplore-t-il.
En 2014, une bonne nouvelle chamboule son rythme d’entraînement. Il devient le papa de jumelles : « J’ai dû ralentir au niveau de la danse. Je faisais beaucoup de compétitions. J’ai dû un tout petit peu arrêter, pour m’occuper de mes enfants ». Mais trois ans plus tard, malgré cette pause, il ne parvient toujours pas à oublier le breakdance. En 2017, il décide d’abandonner sa formation de cuisinier pour courir les battles (tournois) au niveau international et rejoint la compagnie Supreme Legacy. « J’ai craqué. Je me suis dit : 'J'arrête la cuisine. Je vais essayer de travailler et de vivre de la danse’. J’avais envie de percer, de faire tout ce qu’il fallait pour y arriver ».
Aujourd’hui, le jeune homme commence à vivre du breakdance. Il donne des cours pour le collectif “Supreme Legacy”, dans une école municipale et au sein d'un conservatoire. Mais, il ne perd pas de vue son objectif : « Je m’entraine, à côté de cela, d’arrache-pied pour la médaille ».
Une préparation de champion
Pour atteindre le Graal, le quotidien de ce B-Boy (comme on désigne les spécialistes du breakdance) a été quelque peu bouleversé. Nasty enchaîne compétitions, entraînements, tout en essayant de jongler avec sa vie personnelle et professionnelle. Le passionné revient d’ailleurs d’un championnat du monde qui s’est déroulé à Séoul. Son premier grand rendez-vous avant les Jeux olympiques : « J’avais besoin de cette étape-là pour mieux me préparer à ce genre de compétition. J’ai perdu aux portes du top 32. Je suis tombé sur un gros poisson », regrette le breakdancer. Mais il parvient tout de même à relativiser : « C’était une bonne phase de test. Il y a plein de choses que je ne savais pas et que maintenant je sais ». Il en faut beaucoup plus pour décourager le jeune danseur au planning chargé. À l’INSEP, une semaine sur deux, le jeune homme alterne entre 3 séances de préparation physique hebdomadaire, des battles, des analyses vidéo, et le travail sur le rythme, la performance, etc. Un rythme qui ne l’a pas effrayé, bien au contraire : « Les premières semaines, j’allais même m'entraîner en plus le soir sur Paris », s’amuse-t-il. Heureusement, tout a été prévu pour le jeune danseur : balnéothérapie, équipe médicale, nutrition millimétrée. Un encadrement digne des plus grands athlètes. La difficulté pour lui réside dans tout autre chose : « Le plus dur pour moi c’est de laisser mes trois enfants une semaine sur deux, confie le jeune papa. On s’y fait, mais chaque fois, c’est dur de partir ».
« Aller chercher la médaille »
« La compétition, on aime ça. C’est dans notre ADN, explique Michael Pecaud. Ça nous permet de nous surpasser, d’aller plus loin. Alors quand il m’a annoncé la nouvelle j’ai, évidemment, dit oui direct ». Une évidence, donc, pour le directeur du collectif qui l'a vu grandir. L'occasion surtout de se rêver en machine à talents dans le milieu de la culture urbaine. Le collectif voit désormais plus grand : avoir parmi eux un médaillé olympique. «Ce qu'on souhaite, c'est aller chercher la médaille. Le but pour nous c’est de l’accompagner au mieux pour atteindre cet objectif : trouver des salles pour s'entraîner, l'accompagner dans les compétitions, être en soutien, lui donner des conseils ».
Nasty, lui, a une chose en tête, pour l’instant, qui l’anime avant le grand rendez-vous : le championnat d’Europe à Manchester. « C’est pour moi, LA compétition. Celle qui pourrait m’aider pour les JO». L'objectif: courir après de précieux points attribués en fonction des résultats de ces tournois internationaux, devenus de plus en plus exigeants, qui définissent ensuite un "ranking" (classement). Mieux on est classé, plus on a de chance de pouvoir participer à ces JO.
En attendant, rendez-vous, le samedi 10 août 2024, pour voir - on l'espère - le jeune breakdancer ramener la médaille à la maison. Nasty, lui, voit même plus loin : « Et pourquoi pas 2028 ».