Louis Giscard d’Estaing : le jour où son père est devenu président de la République

Le 19 mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing devenait président de la République. Un bouleversement pour celui qui était alors ministre des Finances, mais aussi pour ses enfants. Valérie-Anne, Henri, Louis et Jacinte ont vu leur vie transformée. Louis Giscard d’Estaing se souvient, 50 ans après, de cette soirée qui a changé sa vie.

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Il était lycéen au moment de l'élection présidentielle de 74, et n’oubliera jamais cette soirée. Ce soir-là, du haut de ses 15 ans, Louis Giscard d’Estaing est devenu fils du président de la République. Cinquante ans plus tard, les souvenirs sont intacts. Alors en classe de première, l’adolescent a participé, comme ses frères et sœurs à la campagne de son illustre père Valéry Giscard d’Estaing. Il a appris la nouvelle aux côtés des soutiens de VGE : “Nous avons appris l'élection le 19 mai au soir, quand le résultat a été annoncé. Le résultat était le plus serré de toutes les élections présidentielles de la 5e République, puisque le score est inférieur à 51% pour celui qui a été élu en 1974. Ça a été une grande joie pour les militants, les soutiens que nous étions avec beaucoup de jeunes qui étaient tous nos amis et qui ont participé activement à cette campagne. C'était de ce point de vue-là une campagne tout à fait unique en son genre. Elle était spontanée dans la mesure où elle venait de la disparition prématurée du président Pompidou en cours de mandat, qui a ensuite été suivie par cette déclaration de candidature depuis la mairie de Chamalières le 8 avril 1974.” 

"C'était une grande fierté"

Avec émotion, il raconte cette soirée, la joie, l’émotion, l’appréhension : “C'est quelque chose que j'ai vécu personnellement. À titre personnel et familial, c’était une grande fierté d'être devenu le 19 mai au soir, l'un des 4 enfants du nouveau président de la République. Nous sommes en famille, sans mon père. Mon père est encore au ministère des Finances. Il attend les résultats définitifs au ministère des Finances et il nous rejoint au siège de la campagne. Nous sommes avec maman, avec mes grands-parents. Nous sommes dans son bureau à l'attendre, rue de la Bienfaisance, avec évidemment une effervescence et un enthousiasme incroyables. Un de mes amis, un de mes camarades de classe me dit “Tu es devenu comme le fils du général De Gaulle.” Dans le cadre de la France, c'est une situation tout à fait inédite d'avoir des jeunes, des adolescents et une famille entière qui arrivent à l'Élysée à cette occasion.” 

Préserver sa vie familiale

Les regards se tournent sur la famille du président de la République, raconte Louis Giscard d’Estaing : “Quand bien même, pendant les 5 années précédentes, mon père était ministre des Finances, ça faisait déjà 5 ans que nous avions, je dirais, un regard particulier de nos camarades de classe qui quelquefois nous transmettaient des dossiers d'intervention, sur des sujets souvent touchant aux impôts, que leurs pères nous faisaient passer. On était déjà un peu sous le regard d'une partie de l'opinion publique, mais évidemment se retrouver sur la première marche du podium institutionnel, en tant qu'enfant du président de la République, c'était un statut nouveau et assez impressionnant. On se doutait bien que c'était quelque chose qui pouvait avoir des conséquences sur notre vie personnelle, familiale et que nous avons d'ailleurs tout de suite essayé de protéger et de garder aussi naturelle que possible.” 

La joie et l'émotion

Déjà très impliqué dans la campagne, l’élection est pour lui aussi bien un accomplissement familial que politique : “Sur le moment d'abord, il y a l'explosion de joie dans la rue, à l'intérieur de cet immeuble du siège de campagne puisque ce résultat, nous l'espérions. La dynamique du premier tour était en faveur de François Mitterrand. Il faut avoir conscience de ce que ça signifiait. La performance la plus incroyable, c'est celle de cette remontée pour arriver à passer devant au 2e tour et c'était grâce à cette campagne enthousiaste, joyeuse, avec les t-shirts “Giscard à la barre”, avec la participation de personnalités, du show business, Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Claude François, Chantal Goya... C'est toute une dynamique. Le 19 mai au soir, nous participons à cette joie, mais on est un petit peu aussi sous l'émotion de ce que ça induisait, un nouveau cadre de vie, nouveau statut pour la famille que nous étions à ce moment-là. Nous nous en sommes préservés d'une certaine façon, en prenant la décision de ne pas nous installer en famille à l'Élysée, pour garder une vie familiale qui ne soit pas dans un site officiel qui n'ait pas les contraintes d'un palais de la République.” 

"Ça a surtout changé le regard que les autres portaient sur moi"

A l’école, le jeune Louis devient rapidement le centre de l’attention de ses camarades : “Ça a surtout changé le regard que les autres portaient sur moi et je m'en suis rendu compte assez vite. Trois ans après, j'avais passé les concours des écoles de commerce et au début je venais de passer mon permis de conduire, j'ai demandé à ma sœur de me prêter sa voiture, qui était une Renault 5 jaune, un peu cabossée d'ailleurs. Au bout de quelques semaines, j'ai demandé à ce que je puisse avoir ma propre voiture et donc mes parents ont donné leur accord et on a commandé une Renault 5 verte. Je suis arrivé quelques temps plus tard avec la nouvelle voiture et à ce moment-là, certains de mes camarades de promotion à l'école de commerce de Rouen se sont dit, “C'est simple, il est allé se servir chez Renault.” Ils avaient l'idée que comme Renault, à l'époque, était une entreprise nationalisée, que le président de la République allait dans une concession Renault et repartait avec une voiture”, plaisante-t-il. 

Des rencontres inoubliables

Mais il en a bien conscience, le statut de son père lui a surtout permis de vivre d’incroyables et exceptionnelles expériences, pour le tout jeune homme qu’il était alors. “C'est la possibilité dans certains cas d'accompagner mon père dans les voyages officiels qu'il effectuait en dehors de France et aussi participer à des dîners officiels dans des réceptions de chefs d'État étrangers venant en France. J'ai eu la grande chance de pouvoir accompagner mon père. Il nous proposait à tour de rôle en fonction de nos disponibilités par rapport à notre scolarité et donc, pour ce qui me concerne, j'ai eu la chance d'accompagner nos parents en voyage officiel en Égypte, qui a été un magnifique voyage officiel parce que c'était le premier voyage officiel d'un président français depuis la crise de Suez de 1956. Ensuite, j'ai eu l'opportunité d’accompagner mes parents en voyage officiel en Inde et de me retrouver assis au premier dîner officiel à la gauche de Madame Indira Gandhi et de pouvoir échanger avec elle pendant tout le dîner. J’ai rencontré le pape Jean-Paul II quand il est venu à Paris, là aussi une visite incroyable.” Suivant les traces de son père, Louis Giscard d’Estaing s’est lui aussi lancé en politique et est maire de Chamalières, comme le fut VGE avant lui, depuis 2005.

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