Le marché du véhicule particulier est en pleine mutation. A l’heure de la pénurie de carburant et de la hausse du prix de l’essence, le véhicule électrique est-il une bonne option pour les automobilistes ? Un économiste nous éclaire sur le sujet.
Le Salon de l’auto se tient actuellement à Paris. Il met à l’honneur les véhicules considérés comme plus propres, à l’image des voitures hybrides ou électriques. Avec la pénurie de carburant et la hausse des prix de l’essence, de plus en plus d’automobilistes se posent la question de l’investissement dans un véhicule électrique. Flavien Neuvy, économiste, directeur de l’Observatoire Cetelem de l'Automobile, en a fait le constat : « D’une façon générale, quand on assiste à une hausse des prix des carburants, ce qui a été le cas depuis plusieurs mois, les gens se demandent comment ils peuvent faire autrement. Forcément, cela suscite de la curiosité vis-à-vis de la voiture électrique. Après, il y a un élément qui vient contrebalancer cela, c’est la hausse des prix de l’électricité. Dans le même temps, les prix de l’électricité ont tendance à augmenter. Les personnes qui envisagent d’acheter une voiture électrique ont peur de la hausse des prix de l’électricité et se demandent si c’est vraiment une bonne affaire. Dans cette crise énergétique actuelle, tout le monde est touché ».
Des prix élevés
En 2035, il sera interdit de vendre des voitures thermiques neuves en Europe. Pour le moment, les ventes de véhicules électriques demeurent encore faibles sur le Vieux continent, à l’exception de la Norvège. Il semble difficile de convaincre les automobilistes vers le tout électrique alors de les prix sont encore élevés. Flavien Neuvy explique : « Aujourd’hui, les premiers modèles sont aux alentours de 22 000 euros. Le prix moyen se situe entre 35 et 40 000 euros. La voiture électrique est beaucoup plus chère que son équivalent thermique, malgré des aides publiques. Il y a aussi encore beaucoup d’interrogations au sujet de l’autonomie et des bornes de recharge. Les ventes progressent car les constructeurs proposent de nouveaux modèles. Ceux qui ont acheté une voiture électrique sont plutôt contents. Il y a un bon bouche-à-oreille. Mais il y a encore un plafond de verre. Il va falloir attendre encore plusieurs années avant de voir les ventes de voitures électriques représenter une part majoritaire du marché ». Interrogé sur franceinfo mardi 18 octobre, Carlos Tavarez, directeur général de Stellantis, a prédit que les voitures électriques seraient moins chères que les voitures thermiques en 2026. Flavien Neuvy réagit : « Je ne sais pas sur quoi il se base. Il y a une interrogation autour du prix des véhicules électriques car, comme la demande mondiale de lithium, de cobalt, de nickel va exploser, on ne sait pas à quel cours seront ces minerais dans quelques années. Il est difficile de faire des prévisions sur les prix. Il y a un risque qu’ils soient élevés et donc inaccessibles pour beaucoup ».
"Une France à deux vitesses"
Le président de la République a annoncé le renforcement du bonus écologique pour les voitures électriques, avec une prime à l’achat de 7 000 euros pour les ménages les plus modestes. Pour le directeur de l’Observatoire Cetelem de l'Automobile, ce n’est pas ce dispositif qui va accélérer les choses : « Ce bonus existait déjà. Il était à 6 000 euros et il était déjà à 7 000 euros il y a un an. Il remonte pour une partie de la population. Mais ce n’est pas cela qui va changer fondamentalement la donne. C’est mieux que rien ». Flavien Neuvy détaille à quoi pourrait ressembler la mobilité de demain : « On va assister à une France à deux vitesses. Il y aura la mobilité des métropoles et la mobilité des zones périurbaines et rurales. Dans les métropoles, la part de la voiture va reculer au profit du transport en commun, des mobilités actives type vélo. Il y a une densité de population qui fait que c’est possible. Dans les zones périurbaines et rurales, la voiture individuelle restera pour encore longtemps le mode de déplacement privilégié par les Français. Il y a 40 % d’entre eux qui vivent dans des villes de moins de 20 000 habitants. Pour tous ceux qui vivent dans ces villes-là, c’est la voiture qui permet d’aller faire ses courses, d’aller travailler, d’emmener les enfants à l’école ».
75 000 bornes de recharge
La densité des points de recharge pour véhicules électriques pose encore problème en France.
Flavien Neuvy souligne : « La question des bornes de recharge est encore une problématique. Mais elle se résout petit à petit. Il y a 75 000 bornes dans l’espace public. C’est un chiffre qui progresse. C’est plus une question psychologique qu’autre chose car les recharges se font à la maison ou sur le lieu de travail. Les périurbains seront moins concernés par la problématique des points de recharge. Ils ont soit un parking, soit un garage. Ils y arrivent plus facilement que ceux qui habitent dans les grands centres-villes, qui se garent souvent dans la rue. Ils n’ont pas de borne de recharge à côté. Quand on a un garage ou une place de stationnement dédié, on peut facilement mettre une borne ». L’économiste brosse le portrait-type de l’acheteur française de véhicule électrique : « Celui qui achète un véhicule électrique aujourd’hui est quelqu’un qui a de l’argent, il fait partie des 10 % des Français qui ont le plus d’argent. Il est plutôt âgé, il a plus de 55 ans. Il habite plutôt dans une zone périurbaine, un endroit où il peut garer facilement sa voiture. Mais la voiture électrique est souvent le deuxième véhicule du foyer ».
Un faible marché de l'occasion
Autre frein à l’achat de véhicule électrique pour un grand nombre : la faiblesse du marché de l’occasion. Flavien Neuvy précise : « Le marché de l’occasion de l’électrique est balbutiant car le marché du neuf vient de démarrer. Cela reste faible. Il faut attendre encore quelques années avant d’avoir un marché bien structuré ». Le parc automobile en France est estimé à 40 millions de véhicules dont 620 000 véhicules électriques, soit à peine 1,5% du parc roulant. Un rapport de l'ADEME (agence de la transition écologique) publié en octobre 2022, fait le point sur l'électrification massive des véhicules. "Il s’est vendu près de 174 000 véhicules légers 100% électriques en 2021 contre 28 300 en 2016, soit une multiplication des ventes par plus de 6 en 5 ans, représentant aujourd’hui une part de marché de près de 12%", indique ce rapport.