Dimanche 10 juin, les agriculteurs vont commencer à bloquer le dépôt de carburant de Cournon-d’Auvergne, notamment pour dénoncer les contradictions du gouvernement. Eux sont forcés de respecter des normes strictes, que ne respectent pas de nombreuses matières premières importées.
Dès ce soir et jusqu’au mercredi 13 juin au moins, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs vont bloquer, avec leurs tracteurs, le dépôt de carburant de Cournon-d’Auvergne, près de Clermont-Ferrand. Ne rien laisser entrer, ne rien laisser sortir : le mouvement de colère est national.
L’objectif de l’action des agriculteurs est de dénoncer les "incohérences" du gouvernement, qui les force à respecter des normes auxquelles ne sont pas soumis quantité de produits importés.
"Il y a des accords internationaux en train de se faire, qui prévoient de laisser entrer des produits faits dans des conditions qui ne sont même plus imaginables en France ou en Europe", explique Patrick Benezit, secrétaire général adjoint de la FNSEA, ancien président de la FDSEA du Cantal.
Au Canada, qui n’est pas le pire des pays, 46 substances autorisées sont interdites chez nous. Des pesticides, des antibiotiques, des activateurs de croissance… De l’élevage au végétal, toutes les filières sont touchées. Avec ces importations, on oublie tout ce qu’on demande aux agriculteurs français, à savoir appliquer des normes de plus en plus strictes !
"Nous ne sommes pas contre le libre-échange, précise Patrick Benezit. Nous aussi nous exportons. Mais nous exportons avec nos normes, nous n’envoyons pas n’importe quoi." De fait, la FNSEA demande que les produits importés répondent aux même standards de production que les produits français : "On ne peut pas entendre qu’il faut faire mieux, et voir défiler toutes ces importations sans contrôle. C’est insoutenable pour les agriculteurs."
"Concurrence déloyale"
Outre les contradictions de ce système, Patrick Benezit souligne aussi le danger que de telles importations, moins regardantes sur les conditions de production, représentent pour les consommateurs.
Et, au-delà même de la question de la qualité, le syndicaliste pointe du doigt la menace que fait peser sur les agriculteurs, d’un point de vue économique, cette "concurrence déloyale" : "Si on fait le cumul de tous les pays, c’est 200.000 tonnes de viande bovine qui peuvent être importées. On n’est pas sur des volumes ridicules, si on voulait supprimer l’agriculture française ou européenne, on ne s’y prendrait pas autrement."
En Auvergne, toutes les filières peuvent être impactées par l’importation de denrées étrangères : la viande, mais aussi le lait, ou encore le colza, produit notamment dans l'Allier. Colza qui justement est concerné par le nouveau revers essuyé par l'agriculture française.
Huile de palme
Car après le CETA avec le Canada, des accords avec le Mexique, puis des négociations avec l’Amérique du Sud, l’utilisation future par la bio-raffinerie Total de La Mède (Bouches-du-Rhône) d’huile de palme importée pour produire du bio-carburant a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Les agriculteurs français affirment en effet avoir la capacité de répondre aux besoins des groupes pétroliers, sans avoir besoin d'importer.
C’est donc les dépôts de carburant que les agriculteurs ont choisi de cibler pour exprimer leurs revendications. 14 d'entre eux doivent être bloqués : à Donges (Loire-Atlantique), Gonfreville l'Orcher (Seine-Maritime), Dunkerque (Nord), Coignières (Yvelines), Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Grandpuits (Seine-et-Marne), Vatry (Marne), Grigny (Essonne), Strasbourg (Bas-Rhin), Cournon (Puy-de-Dôme), Lyon et Feyzin (Rhône), La Mède (Bouches-du-Rhône) et Toulouse (Haute-Garonne). La France compte au total sept raffineries et 200 dépôts, et a des stocks pour plusieurs mois : une pénurie n'est donc pas à craindre malgré les blocages.