Réforme des retraites. « Je ne conçois pas de travailler deux ans de plus », confie Claude, chauffeur de bus à Clermont-Ferrand

Alors que le gouvernement doit révéler son projet de réforme des retraites, de nombreux salariés guettent les annonces. Parmi eux, Claude, 56 ans, conducteur de bus à Clermont-Ferrand, se dit prêt à manifester prochainement. Il explique pourquoi.

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Le gouvernement doit détailler son projet de réforme des retraites mardi 10 janvier. Les syndicats s’opposent au recul de l’âge l’égal à 64 ou 65 ans. Claude Desmarie, 56 ans, conducteur de bus à la T2C, la régie des transports de Clermont-Ferrand depuis 1996, est aussi vent debout contre la réforme. Après son bac F3 électrotechnique, il est parti à Paris après son service militaire. A 20 ans, il a débuté comme serveur dans la restauration. Il exercera ce métier pendant 10 ans, avant de rentrer à la T2C à l’âge de 30 ans comme conducteur de bus. Il avait déjà travaillé 5 trimestres avant le service militaire pour des jobs d’été et un travail à la perception. Claude Desmarie est marié, père d’un garçon et habite à La Godivelle. Il a été secrétaire du CHSCT. Aujourd’hui il est syndiqué mais plus élu au sein de la CGT. Le conducteur de bus explique comment il travaille : « A la T2C, on est aux 35 heures mais je travaille sur des services spécifiques, qu’on appelle 4-3. On travaille 4 jours et on a 3 jours de repos. On fait plus d’heures : entre 8 et 9,5 heures par jour. Je travaille maintenant à 80 % ».

La notion de service public

Il explique pourquoi il est attaché à son travail : « C’est un travail qui me plaît. Il est difficile mais c’est la notion de service public qui me plaît, le fait d’être utile. On peut considérer que c’est un métier vert dans le sens où on fait du transport en commun. Il faut trouver toutes ces valeurs à travers ce métier sinon c’est trop compliqué à faire car on a énormément de contraintes. Cela fait quand même 26 ans que je travaille mais cette notion de service public est très importante. On est l’un des derniers services publics qui traverse les villes, les quartiers. On transporte les gens qui n’ont pas d’autre solution. On arrive parfois à échanger, c’est assez furtif. Ce sont souvent des politesses, des amabilités mais ça arrive que les personnes viennent échanger avec nous ».

Un quotidien difficile

Claude estime faire un travail pénible. Il détaille : « Quand j’ai fait 10 ans dans la restauration, 10 à 12 heures par jour, 6 jours sur 7, c’était un métier fatigant. Au départ, quand j’ai conduit les bus, j’étais vraiment épuisé par rapport à la restauration. Il faut être concentré tout le temps. Un rapport INRS de 2018 avait mis en évidence tous les points relatifs à la pénibilité. Par exemple, si samedi vous allez faire vos courses au supermarché, vous ressentez du stress. Pour nous, ce stress c’est tous les jours avec un véhicule qui fait 12 ou 18 m de long pour les bus articulés, en pleine ville. Il y a aussi toutes les vibrations, le bruit, avec des usagers à l’intérieur. On est tout le temps en ville, avec énormément de pollution. Quand on voit les indices de qualité de l’air, on respire cela tout au long de notre carrière : les vapeurs d’essence, de gasoil. Cela a surement une incidence sur la santé. On a aussi des ronds-points un peu partout dans les villes autour de Clermont-Ferrand donc toute la journée, on tourne le volant. Cela entraîne des troubles musculo-squelettiques. On est obligés d’avoir une certaine hygiène de vie. Pour le dos, on voit régulièrement des ostéopathes. J’essaie de faire pas mal de sport à côté. Pas mal de collègues, quand ils arrivent à 55 ans, en ont ras-le-bol ».

Conduire en plein "Far-West"

Le conducteur de bus affirme ne pas faire un métier tout à fait ordinaire : « On n’a jamais les mêmes jours de repos. On n’a pas forcément les mêmes horaires. On déroge aux règles sur les transports routiers qui imposent des pauses toutes les 4 heures. On est au-delà de ces règles. On travaille en décalé. C’est rare d’avoir 2 jours de repos consécutifs. Avec l’ancienneté, on arrive à avoir le 24 ou le 31 décembre, mais on a pas mal de problèmes pour obtenir nos repos. Ces contraintes rendent le métier pénible. C’est usant. On a des temps de repos en bout de ligne ou en terminus mais si vous avez des bouchons, vous repartez. On prend nos repas en décalé. Le stress est très présent. On a très peu de couloirs de bus à Clermont-Ferrand. Les bus sont mélangés à la circulation et c’est le Far-West. On a tous les cyclistes, les trottinettes. On a une attention qui est prise sur tout notre service. La fatigue est psychologique ». Pour ce travail, Claude indique sa rémunération : « Je touche 1 900 euros net, avec 26 ans d’ancienneté. J’ai 12 heures d’amplitude de travail ».

"S’il y a des grèves et des manifs, je vais y aller"

Il est farouchement opposé à la réforme des retraites : « Sans la réforme, dans mon relevé de carrière, il était prévu que je parte à la retraite à 61 ans et 11 mois, en 2028. Avec la réforme, je devrai travailler 2 ans de plus, ce qui est beaucoup. A une époque, dans nos métiers, on avait des mesures de fin de carrière. A partir de 55 ans, on pouvait travailler à temps partiel en ayant un complément, jusqu’à la retraite. Je ne conçois pas de travailler deux ans de plus. S’il y a des grèves et des manifs, je vais y aller. S’ils étaient sérieux, les décisionnaires viendraient voir ce qu’il se passe réellement sur la pénibilité dans les différents métiers. La pénibilité de notre métier devrait nous permettre d’avoir une retraite anticipée. Comment on va faire à 65 ans pour être responsable d’un transport avec des usagers à l’intérieur ? C’est assez peu concevable ».

Une retraite rêvée

Le conducteur de bus raconte comment il conçoit sa vie à la retraite : « Une fois à la retraite, je rêve de jardiner, de m’occuper de mes animaux, de me balader, de profiter de la vie tout simplement. Une vie assez bucolique. Le bonheur est dans le pré. J’ai des collègues à la retraite qui faisaient beaucoup de sport qui ont eu une bonne retraite et qui profitent aujourd’hui. Mais d’autres sont usés. On est informés des décès. On a beaucoup de collègues qui décèdent au bout d’un an ou deux de retraite ». Il conclut : « Quand on me parle de faire 2 ou 3 ans de plus, ce n’est pas acceptable. Je suis prêt à manifester. Ce qui me choque le plus est de travailler à la louche, de ne pas faire d’analyse fine de ce qu’est le travail en France. La réalité du terrain est d’aller sonder les gens dans leur quotidien, pour voir les enjeux dans leur travail. C’est une aberration de dire qu’on va travailler 2 ou 3 ans de plus. Une réforme pourrait être menée en ayant une réflexion profonde, notamment sur les cotisations. La travail est toute une vie ». Claude indique qu’il sera dans le cortège si les syndicats appellent à manifester. Il est plus motivé que jamais pour faire entendre sa voix.

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